Richard Brautigan – Mémoires sauvés du vent ***

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Éditeur : 10-18 – Date de parution : 1992 – 167 pages

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L’homme qui prend la parole a une quarantaine d’années. Au fil des pages, il déroule le fil de ses souvenirs d’enfance, jusque dans les années 40, à l’époque où un événement tragique eût lieu. Cet après-midi pluvieux de février 1948, l’adolescent qu’il était alors aurait mieux fait de s’acheter un hamburger, plutôt que de pousser la porte de l’armurerie. Cette décision, qu’il va amèrement regretter, aura un impact majeur sur le reste de sa vie.

Il – on ne connaîtra pas son nom – est issu d’une famille très pauvre ;  il nous raconte les déménagements d’appartements en motels, grâce à l’Aide sociale, les petits boulots qu’il se dégote à droite, à gauche ; grâce à un vieux landau, il transporte des bouteilles de bière vides pour les revendre. Il aime passer du temps près de l’étang où il pêche et se lie d’amitié avec un vieil homme… Tous les après-midi d’été, il guette l’arrivée de ce couple en camionnette qui installe le mobilier de son salon au bord de l’étang, pour pêcher.

J’ai été immédiatement séduite par l’écriture de Richard Brautigan, poétique et brute. Elle est comme une évidence, et l’on ne peut que plonger dans l’histoire qui nous est contée. « Mémoires sauvés du vent Poussière d’Amérique » ; ce refrain revient au cours du récit de façon lancinante et énigmatique, comme une ponctuation de la tension narrative du texte.

Je me suis attachée à cette voix à la fois enfantine et adulte, aux accents naïfs, qui nous raconte un passé fait d’ombres et de lumières et nous fait prendre conscience peu à peu du drame qui eût lieu. J’ai pris plaisir à m’immerger dans les méandres de ces souvenirs d’enfance, cette atmosphère teintée de nostalgie.

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« D’où je suis assis, en ce premier août 1979, je colle mon oreille au passé, comme si c’était le mur d’une maison qui n’est plus. Je parviens à entendre le chant des merles mauvis et le souffle puissant du vent dans les roseaux. Ils bruissent dans le vent comme des épées de spectres à la bataille ; murmure aussi le lapement régulier de l’étang sur la berge ; j’en fais aussi partie, par l’imagination. »