Gabrielle Filteau-Chiba – Sauvagines ***

Folio – février 2023 – 400 pages

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La narratrice a tout quitté pour vivre dans une roulotte au fond des bois, au cœur de la forêt du Kamouraska. Raphaëlle vit seule avec sa chienne Coyote, loin de sa famille avec qui les relations sont conflictuelles, loin de la société patriarcale et consumériste. Elle vit au plus près des animaux, elle en a fait son métier ; elle est garde forestière. Pour se donner du courage, elle regarde souvent la photo de son arrière-grand-mère Marie-Ange, qu’elle n’a jamais connu mais à laquelle elle s’identifie beaucoup.

Un matin, sa chienne disparaît. En fin de journée Raphaëlle part à sa recherche… Et tombe sur un important site de braconnage. La jeune femme va se rendre compte qu’elle est sous la surveillance de la pire espèce humaine. Et que ce ne sont pas tant les ours qui sont à craindre.

Dans sa fuite, Raphaëlle va néanmoins faire une belle rencontre – celle d’Anouk, dont elle trouve le journal intime et ne peut s’empêcher d’y jeter un oeil. Une femme comme elle, qui a préféré fuir la société pour mieux se retrouver.

Sauvagines est un beau roman ensauvagé, éco-féministe, entre rage et espoir. À la fois thriller et roman de nature writing. Un roman puissant et engagé, véritable ode à la Nature, qui m’a beaucoup plu.

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Mireille Gagné – Le lièvre d’Amérique ***


La Peuplade – août 2020 – 137 pages

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Diane est clouée au lit, le temps de se remettre de l’opération qu’elle vient de subir. Sa tête tourne, ses pensées se font lancinantes. Elle a l’impression que son coeur bat plus vite. Que ses iris sont plus sensibles qu’avant. Ses cheveux deviennent brusquement roux. La jeune femme demeure à l’affût de son corps. Elle dort moins, développe une endurance et une force hors du commun.

Au fil de la narration, les souvenirs de Diane émergent : ceux d’un été de son adolescence sur l’Isle-aux-Grues ; sa rencontre avec Eugène – ce garçon qui la fascinait – et sa passion pour les espèces en voie d’extinction, son désir de braver tous les dangers. Son amour de jeunesse disparu. Et à rebours, nous prenons connaissance des jours qui précèdent l’opération – des phrases longues et sans ponctuation, comme pour figurer sa vie d’avant sous apnée ; sa vie d’employée modèle qui ne semble vivre que pour le travail et pour se surpasser toujours davantage.

Le style poétique de ce roman québécois m’a d’emblée séduite – beauté de cette sauvagerie qui prend le pas sur l’humain. Le Lièvre d’Amérique prend la forme d’une satyre animalière de la société contemporaine où le travail tue l’humain à petit feu ; une société qui nous étrangle avec la sangle du quotidien. La seule échappatoire se trouve dans ce basculement de l’humanité vers l’animalité. Un roman étrangement beau et envoûtant.