Grégoire Delacourt – Une nuit particulière **

Grasset – 1er mars 2023 – 200 pages

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Au crépuscule, une femme se retrouve seule, dans la rue, en proie au chagrin : son mari la quitte, après 30 ans ensemble. Elle décide alors de suivre le premier inconnu venu et de passer la nuit avec lui. Elle s’appelle Aurore. L’inconnu, Simeone. Ensemble, ils vont marcher dans les rues de Paris, boire du cognac, refaire le monde. Se souvenir. Se séduire.

L’amour et la mort, intimement liés au désir – les mêmes thèmes, qui semblent chers à l’auteur, reviennent à travers ce roman, à la façon d’une entêtante mélodie.

« La mort pouvait être le point d’orgue d’une histoire d’amour. »

Une nuit particulière est un roman court et vif sur la perte d’un amour, qui se lit d’une traite. La plume de Grégoire Delacourt est certes belle – les mots sont toujours habilement choisis. Mais elle est parfois si mélodramatique et grandiloquente que ça en devient agaçant. J’ai trouvé très peu vraisemblable de tomber comme ça sur un inconnu dans la rue, qui aime la poésie, et dont on n’a rien à craindre… Et puis certains passages ont des airs de déjà vu ; ils me font en effet penser à un autre de ses romans, Danser au bord de l’abîme, lu il y a peu – mêmes dialogues, mêmes thèmes – un homme malade qui ne veut pas se soigner puis qui l’accepte finalement. Une femme qui s’éprend d’un inconnu, le désire.

Et vous qu’en avez-vous pensé ?

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Sandrine Collette – On était des loups ****

JC Lattès – juillet 2022 – 208 pages

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Cela fait plusieurs année que Liam a fait le choix de vivre seul, au fond des bois. À plusieurs dizaines de kilomètres de la ville. Pas le moindre voisin aux alentours. La nature, les loups, et rien d’autre. Ava, sa compagne, l’a suivi et vit avec lui. Ils ont un garçon de cinq ans, Aru.

Un soir, en rentrant d’une journée de chasse dans la forêt, Liam découvre le corps sans vie d’Ava ; vraisemblablement attaquée par un ours. Sous elle est blotti Aru, bien vivant.

Liam décide alors de se séparer de son enfant ; il décide que la vie sauvage n’est pas faite pour lui, c’est trop dangereux. Père et fils se mettent en route, à travers la forêt, en direction de la ville… Liam a prévu de déposer Aru chez de la famille éloignée. Mais rien ne va se passer comme prévu.

On était des loups est un roman âpre, qui nous plonge dans les méandres des pensées d’un homme qui a tout quitté pour les forêts, le silence, la nature ; un homme qui ne peut se résoudre à la mort de sa femme. Qui ne peut se résoudre à être père, seul. Un homme qui a souffert enfant. Qui ne sait pas ce que c’est qu’être tendre avec un enfant. Qui n’a jamais connu ça. Un homme, enfin, empli de désespoir et de fureur.

Un roman terrible sur la nature humaine avec en toile de fond les montagnes, les forêts qui peuvent se révéler tout à la fois hostiles et enivrantes. La langue est rustre, brutale, spontanée, ce sont les mots de cet homme, sans filtre ; certains passages sont de la poésie brute – comme celui sur la peau du monde, somptueux et féroce ! Il y a tellement de rage dans le cœur de cet homme, la douleur de la perte est telle qu’il va se retrouver aux frontières de la folie. Le chemin à parcourir se révélera être en lui tout autant qu’à travers la nature… Le chemin pour devenir un père pour Aru et pour accepter la vie sans Ava.

Le roman de Sandrine Collette m’a bouleversée. C’est un récit violemment poétique, acéré – entre rage et humanité. Une lecture immersive et prenante, dont on ne sort pas indemne.

Élodie Chan – Et dans nos coeurs, un incendie ****

Editions Sarbacane – 2021 – 244 pages

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Isadora est nouvelle au lycée. Depuis la mort de son père, sa mère ne tient pas en place, les obligeant à déménager fréquemment. Elle change également souvent de mec. Quant à Tristan, grand solitaire et lecteur des Fleurs du mal, « son cœur porte un scaphandre, ses tympans sont des parois étanches ». Les autres se moquent de lui à longueur de jours.

Les deux adolescents se rencontrent dans les toilettes des garçons du lycée. Isadora est en train de fumer, à deux doigts de foutre le feu aux toilettes ; Tristan tente de se pendre avec la collection de cravates de son père. Et puis, leurs regards se croisent. Le feu s’éteint, les ciseaux d’Isadora sectionnent la corde.

Et dans nos cœurs, un incendie est un roman qui sort de l’ordinaire. Sa composition farfelue interpelle, agace ou séduit : hashtag, bulles de sms, jeux avec la typographie. L’écriture est joueuse, poétique ; les mots dérapent façon Apollinaire. La vie s’immisce dans les mots qui prennent vie, se mettent en scène.

Ce roman est un concentré d’émotions. De fureur – fureur de vivre. C’est l’adolescence et les premières fois. Le soulèvent du cœur. Les envies d’en finir alors que tout commence. Une lecture sensuelle et musicale – la playlist m’a beaucoup plu. Les cinq sens sont convoqués pour brosser le portrait de ces deux adolescents que tout semble opposer et qui pourtant s’attirent.

J’ai aimé Tristan, un personnage à la Martin Page, qui passe son temps libre à lire Baudelaire et à penser à comment se foutre en l’air. Avaler de la lessive, se couper les veines, sauter dans la Marne… Jusqu’à ce qu’il tombe amoureux d’Isadora, une jeune fille impulsive et explosive qui n’a pas sa langue dans sa poche.

Coup de cœur pour ce roman abrasif, incisif! Tourneboule le cœur, pique les yeux et donne la chair de poule. ❤️

Delphine Pessin – Deux fleurs en hiver ***

Didier Jeunesse – 2020 – 192 pages

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C’est l’histoire d’une amitié atypique entre deux personnages aux prénoms de fleurs.

Capucine est en Terminale ; du haut de son 1m80 et avec ses perruques de différentes couleurs qu’elle change tous les jours, elle attire forcément le regard. Elle commence tout juste un stage à la maison de retraite Le Bel Air. De Capucine, on sait qu’elle a perdu sa mère il y a deux ans et qu’elle en demeure à jamais changée. Elle est souvent en colère, sa meilleure amie Margaux la surnomme le pitbull. Selon ses propres mots, elle est « une meuf compliquée » et « il faudrait un décodeur pour [la] décrypter. » Dans quelles conditions a-t-elle perdu sa mère ? Pourquoi en veut-elle autant à son père ? Et surtout, pourquoi porte-t-elle en permanence des perruques, changeant de couleurs selon l’humeur du jour ?

Violette est une petite vieille qui vient d’arriver au Bel Air et n’en est absolument pas ravie. Elle a dû abandonner son chat Crampon, dont elle n’a plus de nouvelles ; son jardin, ses petites habitudes. Pour elle, la maison de retraite est comme un mouroir.

Capucine, en débarquant au Bel Air, découvre les conditions de travail précaires, le rythme effréné, l’épuisement en fin de journée ; mais elle tisse aussi des liens avec ces petits vieux qui sont touchants, malicieux, et auxquels elle s’attache beaucoup. Et puis, il y a Violette ; qui porte un prénom de fleur, comme elle. Dont l’histoire l’émeut. Une amitié va peu à peu naître entre l’adolescente révoltée et la vieille femme courroucée.

« Alors, contrairement à la plupart des autres lycéens, je ne redoutais pas de travailler avec les ‘seniors’. Ca, c’est le terme politiquement correct pour désigner les personnes âgées. je trouve ça crétin. On dit aussi les ‘anciens’, les ‘pensionnaires’, moi je préfère les ‘vieux’. Il n’y a rien de dégradant à dire qu’ils sont vieux, c’est un fait, voilà tout. C’est même plutôt beau, quand on y pense, d’avoir déroulé le fil d’une vie et de se tenir tout au bout. »

Un court roman qui alterne deux points de vue – deux voix. Celles de Capucine et de Violette. A chaque chapitre, un petit profil différent nous indique si c’est l’une ou l’autre qui prend la parole. Un roman sensible et intelligent, qui aborde de nombreux thèmes avec tact et pudeur : la mort, la perte, la culpabilité, le pardon, la révolte, les conditions de vie en Ehpad.

Elif Shafak – 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange ****

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Flammarion – 2020 – 400 pages

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10 minutes et 38 secondes. Et si notre esprit fonctionnait encore quelques instants après notre mort biologique ? Le nouveau roman d’Elif Shafak débute par ce fantasme. « Que se passait-il durant ce laps de temps ? Le défunt se rappelait-il le passé, si oui, quelles parties et dans quel ordre ? Comment l’esprit parvenait-il à concentrer une vie entière dans le temps que met une casserole d’eau à bouillir ? »

Le début commence par la fin. La mort de Tequila Leila. Une prostituée assassinée, dont le corps est jeté dans une benne à ordures. Minute après minute, son esprit se souvient. Sa naissance dans une famille aisée et respectée. Sa vie se déroule au fil de cette question lancinante : comment une fille de bonne famille finit-elle ainsi ? Cinq personnes seulement pleureront sa mort ; des laissés pour compte, comme elle. Des indésirables, des sans-voix. Ses amis. Nostalgia Nalan, Sabotage Sinan, Jameelah, Zaynab122, Hollywood Humeyra. Comme les cinq sens. Et D/Ali, son amour.

De Van en Anatolie à Istanbul, la ville où finissent par atterrir tous les rêveurs et insatisfaits, tous les assoiffés – les souvenirs de Leila resurgissent avec les sens ; le goût du sel, de la pastèque, de la terre battue. Ce passé au goût de mensonge et de trahison réémerge. A travers le destin de cette femme, Elif Shafak nous offre une peinture d’Istanbul, une ville pleine d’opportunités qui se révèle être pleine de cicatrices.

Un roman où le destin tragique de Leila nous prend aux tripes. Elif Shafak dépeint avec justesse et sensibilité cette Turquie où les femmes sont damnées et où les marginaux n’ont pas leur place ; où tous les excentriques, les êtres qui s’écartent de la norme imposée par la société, finissent au cimetière des Abandonnés.

Un récit magnifique, lumineux et fort, où l’amitié transcende les frontières et les différences. Une très belle lecture que j’ai savourée et un destin de femme qui m’a émue.

Kristopher Jansma – New York Odyssée ***

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Le Livre de Poche – 2018 – 608 pages

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« Nous sommes venus en ville parce que nous voulions une vie désordonnée, voir ce que nos échecs avaient à nous apprendre, et ne satisfaire que nos désirs les moins raisonnables, et non pas revenir à la vie, en se rendant compte que nous n’avions jamais été morts. »

Jacob, George, Sara et Irene sont inséparables depuis l’université. Une bande de potes soudés, qui ont quitté leurs foyers respectifs pour se lancer dans une carrière à New York. À l’assaut de la Grosse Pomme. Quelques années plus tard, ceux que l’on surnommait les Murphy sont toujours amis. George s’apprête à demander Sara en mariage. Jacob n’a pas changé, trublion poète gay irrévérencieux. Irene, l’artiste de la bande, s’apprête à découvrir et annoncer sa maladie. William les a longtemps enviés et admirés de loin, à l’université. Il les retrouve lors de cette prestigieuse soirée au Waldorf Astoria. Il ne les a jamais oubliés ; son coeur bat toujours pour Irene.

Le quotidien de cette joyeuse bande se trouve chamboulé par l’annonce du cancer d’Irene. Leur jeunesse insouciante vole en éclat ; leur vulnérabilité, leurs faiblesses, leurs démons se révèlent. Ils changent, sans s’en rendre compte. Sans réaliser tout de suite qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Chacun fera son deuil comme il le peut. Chacun pansera ses blessures à sa façon.

Par moment, j’ai beaucoup pensé aux Chroniques de San Francisco. New York Odyssée est un roman au ton ironique, qui glisse lentement dans le drame, mais sans jamais devenir larmoyant ou plaintif.

Je crois que mon personnage préféré reste Jacob, ironique, irrévérencieux, provocateur, il m’émeut et me fait rire. Il est vrai, entier. Une vraie bourrasque de vie. Les autres personnages m’ont paru parfois dénués de consistance, flous, ils se fondent et se confondent aisément dans le groupe, même Irene.

Une lecture drôlement touchante, aux personnages tragi-comiques. Malgré quelques longueurs, j’ai pris plaisir à me plonger dans ce roman new yorkais doux-amer sur le deuil, l’amitié, les liens indéfectibles qui nous unissent les uns aux autres, l’importance des familles que l’on se choisi.

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« Tu imagines ? Si le mal était juste cette chose vivant en bas de la rue ? Pas un petit Napoléon nord-coréen ou un intégriste fanatique afghan. Pas un… mal-être généralisé. Pas une cellule maligne dans l’organisme. Imagine si on pouvait pointer un endroit sur la carte et dire, c’est de là, de là que viennent tous les malheurs. »

Emily Ruskovich – Idaho ***

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Gallmeister – juin 2019 – 384 pages

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Idaho, 1995. Wade est mariée à Jenny ; ils ont deux filles, June et May, âgées de 6 et 9 ans. Par une belle journée d’été, la petite famille se rend dans une clairière de montagne pour ramasser du bois – le soleil tape, les bourdons taquinent. Brusquement, l’impensable se produit. Ils ne rentreront pas indemnes…

Neuf ans plus tard, Wade a refait sa vie avec Ann – ils mènent une vie paisible. Mais depuis quelques temps, il perd la tête. Sa mémoire vacille et ses vieux démons le hantent, il a des accès de violence. Et Ann devient davantage obsédée par la tragédie qui a touché son mari, par son passé si obscur à ses yeux. Au point qu’elle ne peut s’empêcher de romancer la tragédie, d’imaginer, de combler les zones d’ombre avec les indices qu’elle découvre.

Un roman intriguant, encensé par certains, détesté par d’autres

La narration effectue des allers-retours dans le temps ; on fait des bonds dans le passé et le futur. Des années 2000 aux années 90 – puis aux années 2020. Du passé d’Ann à celui de Wade, celui de Jenny en prison… Des fantasmes d’Ann à la réalité.

Idaho possède une écriture ciselée. Emily Ruskovich nous offre des personnages dotés d’une belle épaisseur psychologique – une plongée vertigineuse dans les tréfonds de leur âme.

J’ai eu du mal à quitter cet étrange et dérageant roman sur la mémoire et le traumatisme… Certains s’attendaient sans doute à un vrai thriller, avec une mise en lumière finale. Ce n’est pourtant pas ce qu’il faut retenir. Le roman d’Emily Ruskovich est avant tout une belle et lancinante mélopée qui nous entraîne dans les méandres d’un drame familial, avec pour toile de fond les montagnes de l’Idaho, abruptes et sauvages. On termine cette lecture une pointe d’amertume et des questions qui demeureront sans réponse.

Henning Mankell – Les bottes suédoises **

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Editions Points – 2017 – 373 pages

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Dans le tout dernier roman d’Henning Mankell, nous retrouvons son personnage des Chaussures italiennes, Fredrik Welin. C’est par une douce nuit d’automne que sa maison est détruite par un violent incendie – la maison de ses grand-parents ; celle de son enfance, sa jeunesse.

Fredrik a soixante-dix ans et c’est toute sa vie qui part en fumée. Il ne lui reste plus qu’une caravane, appartenant à sa fille, un petit bateau de treize pieds, une vieille voiture et les deux bottes gauches qu’il a enfilées dans la panique.

Cerise sur le gâteau, la police le suspecte d’avoir mis le feu lui-même à la maison.

Comment trouver la force et la volonté de vivre après ça ? Comment ne pas voir autre chose que la déchéance et la vieillesse comme seul avenir ? En somme, quelles raisons de vivre lui reste-t-il ? …

Deux femmes vont lui permettre de garder la tête hors de l’eau. Sa fille Louise qui le rejoint avec un secret – sa fille qu’il a tant de mal à comprendre et dont il n’a fait la connaissance que 37 ans après sa naissance. Et Lisa Modin, une journaliste dont il va tomber amoureux.

Délice de retrouver l’écriture si aiguisée et poétique d’Henning Mankell avec ce roman doux-amer sur la filiation, la vieillesse, le temps qui passe. Une lecture agréable mais qui, à mon sens, n’arrive pas à la cheville des Chaussures italiennes, qui m’avait davantage émue.

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« J’ai toujours perçu le temps comme un fardeau qui s’alourdissait avec les années, à croire que les minutes pouvaient se mesurer en grammes et les semaines en kilos. Là, sur le ponton, dans le noir, j’étais devenu impondérable. J’ai fermé les yeux. J’ai écouté le bruit du vent. Il n’y avait pas de passé, pas d’avenir, pas d’inquiétude pour Louise, pas de maison incendiée… »

 

Victor Jestin – La chaleur ***

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Flammarion – août 2019 – 144 pages

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« Oscar est mort parce que je l’ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d’une balançoire, comme les enfants dans les faits divers. »

Ce sont les premiers mots, glaçants, de ce court roman qui nous raconte la dernière journée de vacances que passe Léonard dans un camping des Landes. Léonard a dix-sept ans cet été là lorsqu’il se retrouve face à Oscar, un autre adolescent, en train d’agoniser sous ses yeux ; il reste paralysé, figé, n’esquissant pas un seul geste pour le sauver. Dans la panique, il éprouve le besoin de traîner le cadavre d’Oscar sur plusieurs dizaines de mètres et de l’enterrer sur la plage.

A la lecture du premier roman de Victor Jestin, on éprouve une certaine nausée, des frissons… Les pages tournent et le thermostat grimpe en même temps que l’angoisse. Léonard se sent assailli par la chaleur et torturé par la culpabilité ; le dernier regard d’Oscar le hante et le suit, où qu’il aille. Un roman caniculaire et glaçant, porté par une écriture sensitive que j’ai dévoré le temps d’une soirée, le cœur battant et les mains moites.

« C’était comme une longue attente en suspens : nous tous, elle et moi et les autres, il semblait que nous n’étions qu’un seul grand corps allongé sur le sable, à attendre là, dans nos adolescences, que quelque chose advienne. »

Merci Elise pour le prêt 😀 ❤

Pour découvrir sa chronique, c’est par ici.

Marion Richez – L’Odeur du Minotaure ***

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Sabine Wespieser – août 2014 – 128 pages

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C’est dans une boîte à livres vendéenne que j’ai déniché ce roman, déposé par une bibliothèque qui s’en séparait. Le titre et la quatrième de couverture m’intriguaient.

Aussitôt déniché, aussitôt lu. Un court récit que j’ai dévoré le temps d’une journée.

Marjorie est une petite fille d’abord, qui ne garde de son échappée près des vaches dans un champ, qu’une trace sur le bras. La trace des barbelés contre lesquels elle a lutté. On la retrouve plus tard, jeune fille vivant sa première histoire d’amour. Elle l’oubliera vite, de même que son enfance campagnarde un peu morne. Elle devient l’attachée privilégiée d’un ministre. Sûre d’elle, belle et vaniteuse, menant une vie aisée, elle se joue des hommes et de son passé. Elle serait même un peu croqueuse d’homme…

Et puis, un matin, un numéro s’affiche sur son téléphone… Sa mère lui annonce que son père est mourant. Au volant de sa voiture, Marjorie fonce sur l’autoroute. Puis la quitte brusquement. Se retrouve sur une sinueuse route de campagne. Il fait nuit. L’angoisse l’écrase et soudain un choc ébranle sa voiture. Elle vient de percuter un cerf immense.

Le cerf rend son dernier souffle et la vie de Marjorie bascule. Désormais, plus rien ne sera comme avant…

L’odeur du Minotaure est un roman d’une âpre beauté qui nous raconte la métamorphose d’une femme. Armée d’une écriture ciselée et poétique, Marion Richez raconte l’animalité qui colonise peu à peu Marjorie – ce « je » qui oscille entre humanité et bestialité. Un récit envoûtant et surprenant, qui m’a rappelé un ouvrage d’Eric Pessan sur le même thème – La Hante. De ce roman, j’ai tout aimé, sauf l’épilogue, qui m’a laissée profondément perplexe…