Kavita Daswani – Mariage à l’indienne ***

Le Livre de Poche – 2006 – 320 pages

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Née à Bombay, Anju part à New York à l’âge de 26 ans, ne trouvant toujours pas de mari, lassée par cette recherche inlassable et la pression familiale, le regard des autres. À New York, elle découvre la liberté, fait des études et trouve un travail dans la mode. Mais la jeune femme n’a pas oublié son rêve de mariage traditionnel et espère encore et toujours trouver un mari.

Anju se retrouve écartelée entre son envie de vivre à l’américaine, libre de toute entrave, et son désir de rester fidèle à ses racines indiennes, de ne pas décevoir ses parents.

Mariage à l’indienne est un roman émouvant et plein d’humour. Mais c’est surtout un portrait de femme authentique – une héroïne entière à laquelle on s’attache indéniablement.

« Mon pays me manquerait. Mais je devais trouver un moyen d’en partir de telle façon que je ne prenne pas le risque de rompre avec ma famille. Ce que je voulais faire de ma vie était important, mais la bénédiction de mes parents l’était plus encore. »

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Anita Nair – Compartiment pour dames ****

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Le Livre de Poche – 2019 – 432 pages

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« C’est ainsi depuis toujours ; l’odeur d’un quai de gare, la nuit, fait naître en Akhila l’envie de s’évader. » Akhila a 45 ans ; elle n’a ni mari, ni enfants, ni foyer, ni famille. Éternelle célibataire, elle est employée aux impôts et vit avec la famille de sa sœur, qu’elle supporte de moins en moins. Akhila n’a jamais eu une vie à elle, qui lui soit propre. Elle a toujours été le prolongement de quelqu’un… la fille, la sœur, la tante de quelqu’un… Plus que tout, elle aspire à être considérée comme une personne à part entière.

Akhila se réveille un matin avec le désir brusque de partir, de prendre un train ; elle prend un billet et monte à bord de l’un d’entre eux, direction Kanyakumari, petite station balnéaire où trois mers se rencontrent – la baie du Bengale, l’océan Indien et la mer d’Arabie. Akhila se retrouve dans un compartiment pour dames avec cinq autres femmes. Tour à tour, chacune va se confier, raconter sa vie d’épouse, de femme, de mère.

Des destins de femmes différents, mais qui ont tous un point commun : les femmes en proie à la domination masculine. Margaret qui cuisine gras, riche et sucré pour son mari afin de l’empêcher de nuire. Janaki la plus âgée qui a toujours confondu amour et sécurité… En se racontant, chacune tente donner un sens à sa vie, à ses choix.

Ces voix féminines nous disent comment l’amour, les femmes, les relations amoureuses sont asphyxiées par la société indienne et ses conventions. Une femme qui désire vivre seule est mal vue. Une femme qui se fait violer voit sa vie partir en fumée.

Compartiment pour dames est un roman magnifique et dense, qui évoque la question de la femme et sa place dans la société indienne – une société patriarcale où naître femme c’est se retrouver derrière les barreaux d’une immense cage dont chaque barreau est un préjugé. Un roman engagé dans lequel six femmes ouvrent leur coeur ; un texte sur une réalité complexe, qui m’a révoltée, mais que j’ai malgré tout trouvé empreint d’espoir.

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« C’est en explorant la texture de la vie des autres, en cherchant des ressemblances, susceptibles de connecter nos vies entre elles, que nous essayons de nous libérer d’un sentiment de culpabilité à l’égard de ce que nous sommes et de ce que nous sommes devenues. »

Shilpi Somaya Gowda – Un fils en or ****

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Éditeur : Folio – Date de parution : janvier 2017 – 544 pages

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Anil, originaire du petit village de Panchanagar, est un jeune homme indien qui s’apprête à partir aux Etats-Unis afin de poursuivre ses études de médecine au Texas, au Parkview Hospital. Il laisse derrière lui Leena, avec qui il a passé son enfance, à cause de ses études. A l’aube de quitter son pays, Anil n’a pourtant rien oublié de ses sentiments pour elle.

Lorsqu’ils étaient adolescents, la mère d’Anil ne voyait pas d’un bon œil qu’il fréquente cette jeune fille, issue d’une famille très modeste. Ma est donc soulagée lorsqu’il part au Texas, même si elle aurait préféré qu’il prenne la succession de son père, qui arbitre les conflits entre voisins, cousins, frères, époux. Sa sagesse et sa sagacité sont réputées dans tout le village et il place tous ses espoirs en son fils aîné pour reprendre son rôle auprès des villageois.

Le récit met en parallèle le destin de ces deux jeunes indiens, nés au même endroit, aux destinées pourtant si divergentes. Alors qu’au Texas Anil déchante face à la dureté du quotidien aux urgences et la mentalité raciste, de son côté, Leena se retrouve engagée dans un mariage arrangé avec un homme qu’elle n’a vu qu’une seule fois. Chacun va connaître la souffrance ; la réalité se mettant en travers de leurs rêves.

J’ai aimé cette plongée dans l’Inde, une Inde aux mille saveurs, mille parfums, où la pauvreté des intouchables côtoie les castes supérieures. Un pays aux multiples contradictions, fascinant mais cruel, avec ses rumeurs, ses jugements sur les apparences. Anil est un personnage très attachant ; il se retrouve tiraillé entre deux pays. Entre son rêve de devenir médecin aux Etats-Unis et son attachement aux racines familiales et traditionnelles de son pays.

Ce roman est tout simplement magnifique. C’est une lecture qui m’a complètement happée. Je l’ai lu d’une traite, m’abreuvant aux mots, grâce à une écriture fluide, qui coule de source. Je ne suis pas prête de l’oublier.

Merci aux éditions Folio pour cette belle découverte !

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« Comment avaient-ils pu s’éloigner autant l’un de l’autre, après avoir commencé leur vie au même endroit ? Il essaya de démêler l’enchevêtrement des émotions qu’il sentait venir en lui, des sensations qu’il n’avait jamais éprouvées auparavant, avec Amber ou qui que ce soit d’autre. »

Abha Dawesar – Babyji ***

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Éditeur : 10-18 – Date de parution : 2007 – 473 pages

4ème de couverture : « Dans une Inde encore déchirée par la violence des castes et les sanglantes manifestations contre le gouvernement, Babyji, une petite Lolita indienne de Delhi, conjugue la passion du savoir et le plaisir des sens. Entourée de trois femmes que tout oppose, elle cherche sa voie, tiraillée entre un avenir incertain et un passé étouffant. Au travers du jeu des possibles, Abha Dawesar offre, avec ce roman initiatique délicieusement subversif, un voyage sensible au cœur de l’Inde moderne… »

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Lycéenne brillante, la tête pleine d’idéaux et se destinant à une grande carrière d’ingénieur, Anamika voit sa vie bouleversée par la découverte de la sexualité. Découverte qui amène d’autant plus de questions qu’elle se déroule de manière très peu conventionnelle. Ses premières amours sont en effet exclusivement féminines : une femme divorcée, sa nouvelle domestique, appartenant de surcroît à une caste bien inférieure à la sienne, et une de ses camarades d’école. Sa confrontation avec le désir masculin ne se déroulera pas plus sereinement : harcèlement sexuel dans le bus, propos obscènes d’un étudiant de basse caste, assiduités gênantes du père de son meilleur ami. En fait, Babyji rompt en quelques semaines tous les tabous de l’Inde : respect et déférence envers les aînés, séparation stricte des castes, respect des traditions contre le modernisme qui cherche à s’imposer. Ce récit, qui développe tous les attributs du roman initiatique, donne dans un premier temps une impression de légèreté puis, au fil des pages, devient plus grave. L’adolescente se pose beaucoup de questions sur la vie, l’amour, le désir, l’avenir surtout, dans une Inde qu’elle aime plus que tout, mais dont elle a besoin aussi de se défaire. Ce n’est pas un coup de cœur, je ne m’attendais pas à une telle intrigue, mais Anamika et l’ensemble des personnages deviennent au fur a et mesure très attachants. L’écriture de l’auteur est fluide et j’ai beaucoup aimé les nombreuses références à la littérature.

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 » – Je n’arrive pas à comprendre.

– Quoi ? Les systèmes binaires ou les spectres ?

– De quelle façon on doit vivre sa vie, ce qui est bien et ce qui est mal, ce que nous devrions désirer, si notre morale doit s’appliquer à ce que nous désirons ou à ce qui est établi par la société.

J’étais à bout de nerfs.

– Nous sommes encore à l’école, nous ne pouvons pas déjà savoir tout ça, répondit-il, en secouant la tête.

– Il faut que je sache la vérité. La vérité représente tout.

– La vérité sur quoi ?

– La vérité sur la vie et sur l’amour. La vérité sur la vérité.

J’étais au bord des larmes. Pourquoi une personne qui savait tout ne pouvait-elle pas me prendre à part et tout m’expliquer ? Comment se faisait-il que les gens ne sachent rien ? Comment des milliards de personnes avaient-elles pu passer sur cette Terre pendant des milliers d’années sans jamais avoir trouvé la réponse à ces questions ? Je mourrais s’il me fallait encore attendre. C’était la seule chose qui comptait. Tout reposait là-dessus. »