Diglee – Ressac ****

Points – 2022 – 128 pages

*

Un soir morose de janvier 2020, Maureen réserve un séjour dans une abbaye bretonne, en bord de mer. Une retraite spirituelle, c’est tout ce qu’elle souhaite soudain, sur un coup de tête, un coup de blues. Comme un besoin viscéral de prendre le large, de quitter la vie citadine, de plaquer le quotidien à mille à l’heure. De quitter aussi sa famille – son beau-père, à qui elle est terriblement attachée et qui perd peu à peu sa réalité en se faisant grignoter par sa bipolarité. L’occasion aussi pour la jeune femme de se désintoxiquer des écrans et d’apprivoiser sa solitude. 5 jours dans une petite chambre dépouillée, loin de tout. « Cette retraite, c’est un cadeau de moi à moi, comme un gage d’amour et de réparation. »

Ressac est un récit intimiste, dans lequel je me glisse comme dans un cocon. L’écriture de Diglee comme un murmure poétique m’interpelle et m’émeut. La mer, le parfum des embruns, les voix du ressac en toile de fond à cette retraite ressourçante. Mon dieu comme ce récit est beau, dépouillé, sensible.

Sous la protection bienveillante des ombres de Paula et Georgie, sa grand-mère et sa grand-tante, qui luttèrent a leur façon contre le patriarcat, Maureen entend profiter de cette parenthèse qu’elle s’offre. Elle fera la rencontre d’Emeline et d’autres pensionnaires qui offrent des résonances à sa propre histoire.

Gros coup de cœur pour ce récit. J’y ai coché plein de pages à relire. Noté plein de citations. Un livre comme un trésor dans lequel on pioche inspirations et réflexions.

« Les embruns sentent l’enfance : ils sentent la légèreté d’avant, l’insouciance dépouillée. Face à l’océan je me laisse décontenir, j’emplis mes tissus d’une autre sève. J’emprunte aux roches mères la régularité de leur structure, et je me rebâtis. »

Publicité

Anna Hope – Le Rocher blanc ***

Le bruit du monde – août 2022 – 336 pages

*

« Il y a un rocher blanc là-bas, dans l’océan, où les Indiens disent que le monde est né. »

Ils sont tout un petit groupe entassé dans un minibus, à sillonner les routes mexicaines, en compagnie d’un chaman. Des Mexicains, une Française, une Allemande, une Sénégalaise et sa fille, des Anglais et un Colombien. Et l’écrivaine, avec sa fille de trois ans. Et son mari, qui ne sera bientôt plus son mari mais son ex-mari.

Qui sont-ils, tous? Pourquoi sont-ils ici, alors que le coronavirus touche le monde entier. Ils font route vers un rocher blanc, situé dans la mer, lieu de culte de la tribu des Wixárikas.

L’écrivaine est au Mexique pour l’écriture de son roman, trouver des pistes, l’inspiration. Elle est au Mexique aussi pour remercier la terre d’avoir eu sa fille, après sept années d’essais, à plus de quarante ans.

Ce rocher blanc est un personnage à part entière, il est le témoin précieux et mystérieux – maudit ou béni ? – de l’Histoire et des histoires…

(1969) Comme celle de ce chanteur hippie porté sur la boisson, qui abandonne son groupe pour trouver ce fameux rocher blanc. (1907) Comme celle de cette fille et de sa sœur Yoemem, déportées sur un bateau avec pour unique destination : la mort. (1775) Ou encore celle de ce lieutenant qui assiste à la folie/prise de conscience d’e son ami d’un de ses compagnons.

Le Rocher blanc est un roman qui traverse les siècles. Ce rocher qui émerge des profondeurs maritimes intrigue et fascine ; il est le témoin des humains, de leur déchéance, de leurs péchés. Témoin de l’extermination des Indiens. Des déportations de Yoemems. Tous les personnages qui se retrouvent devant ce rocher blanc ont en commun, à travers le temps, d’être arrivés à un moment charnière de leur vie : ils ferment une porte, tournent une page, disent adieu à celui ou celle qu’ils ont été, aux croyances qu’ils ont eues.

Joyce Carol Oates – J’ai réussi à rester en vie ***

103996_couverture_Hres_0

Editions Points – 2012 – 552 pages

*

« Je ne veux pas dire que la vie n’est pas riche, merveilleuse, belle, diverse et infiniment étonnante, et précieuse – mais simplement que je n’ai plus accès à cette vie-là. Je ne veux pas dire que le monde n’est pas beau – du moins une partie du monde. Mais simplement qu’il m’est devenu lointain et inaccessible. »

Un livre de Joyce Carol Oates pas comme les autres… Ici, la célèbre autrice américaine si prolixe s’attaque à un sujet bien intime : la mort de son mari, Ray Smith.

Février 2008. Lorsque son mari est interné à l’hôpital pour soigner une pneumonie, l’écrivaine ne pense pas une seule seconde qu’il n’en sortira jamais vivant.

Oates se retrouve alors seule, après 47 ans de mariage. Seule. L’idée de la mort, du suicide s’insinue en elle tel un poison. Comment survivre à la perte de son amour ? Le désespoir, la colère, l’abattement se disputent en elle. Elle est obsédée par l’incompréhension qui s’empare d’elle : comment a-t-il pu mourir ?

« Des mots tels que cause du décès : arrêt cardio-respiratoire, pneumonie. Date du décès : 18/02/2008 0h50. Au bout de près de quatre mois, je suis capable de lire ces mots sans me dire Je veux mourir. Je devrais mourir. Je suis presque capable de les lire comme si c’étaient des mots ordinaires et non des mots terribles qui signent avec désinvolture la fin de ma vie telle que je la connaissais. »

J’ai longuement hésité à ouvrir ce livre, tout comme celui de Joyce Maynard, pour son sujet éminemment douloureux. Le deuil, la survie de l’autre moitié.

Peu à peu, l’écriture de Joyce Carol Oates, toujours aussi magnétique et sombre, me captive et m’embarque dans les méandres de sa souffrance. Avec une sincérité désarmante, l’autrice analyse et sublime le désarroi et le chagrin qui s’emparent d’elle – avec ce mot de « veuve » qui revient comme un lancinant et maudit refrain, un mantra.

Un récit libérateur sur le chagrin et les difficultés de l’écrivaine devenue veuve à trouver un sens à sa vie, après la mort de l’amour de sa vie.

***

« Oui. Les mots peuvent être impuissants – et pourtant ils sont tout ce que nous avons pour étayer nos ruines, de même que nous sommes, les uns pour les autres, tout ce que nous avons. »

Dominique Fortier – Les villes de papier ***

9782246819875-001-T

Grasset – 9 septembre 2020 – 208 pages

*

Dans Les villes de papier, Dominique Fortier retrace la vie d’Emily Dickinson, entre réalité et imagination ; son enfance dans sa maison d’Amherst. En scènes courtes et poétiques, elle déroule l’existence de cette femme qui a marqué la poésie féminine américaine.

L’enfance, le poids des heures, les piles de livres qui encombrent sa chambre. « Chaque livre en contient cent. Ce sont des portes qui s’ouvrent et ne se referment jamais. Emily vit au milieu de cent mille courants d’air. Toujours il lui faut une petite laine. »

Les études, les mots. Et l’espace de plus en plus restreint au fil du temps qui passe ; le village, le jardin, la maison, la chambre… et un bout de papier grand comme la main. Sa façon de nommer chaque plante dans le jardin. D’écrire des poèmes sur des morceaux de sachets de farine, de chocolat…

« Les lieux où l’on a vécu, on continue de les habiter longtemps après les avoir quittés. »

Un roman profondément poétique sur la mémoire des lieux, la solitude extrême, le dénuement, le dévouement entier à l’écriture, à la poésie. Les villes de papier est un magnifique ouvrage qui développe une réflexion sur la création et la liberté. L’autrice nous raconte en quelques mots, mais avec une grande justesse, cette fuite de la réalité qui s’empare de la poétesse, sa préférence pour les êtres de papier, la vie de papier. Et sa vie de recluse, sa solitude chérie, sans que l’on en sache jamais la raison.

Un très beau roman, ponctué de vers, une prose délicate et juste pour évoquer cette femme dont la vie demeure une énigme, qui ne voulu jamais publiet ses poèmes et se plongea dans les mots jusqu’à en oublier le monde autour d’elle.

Michael Cunninhgam – Les Heures ***

9782714436436ORI

Belfond – 1999 – 252 pages

*

Les heures, ce sont celles d’une journée, d’une vie. Le temps d’une journée, trois lieux, trois femmes, trois histoires – différentes ?

Ces femmes s’appellent…

Clarissa, éditrice à New York dans les années 90. Son ami Richard, qui se meurt du sida, la surnomme Mrs Dalloway. Clarissa sort acheter des fleurs et pense à la réception qui l’attend ce soir,en l’honneur de son ami poète…

Virginia, écrivaine à Londres en 1923. La quarantaine, elle est contrainte de se reposer avec son mari dans la banlieue de Londres, à Richmond, où elle passe ses journées à écrire comme elle respire ; en oublierait même de se sustenter. Elle est plongée dans la création de son roman Mrs Dalloway.

Laura, mère au foyer à Los Angeles en 1949. Laura la lectrice ; qui s’attarde au lit pour tourner une page supplémentaire de son exemplaire de Mrs Dalloway. Qui est enceinte de son deuxième enfant et se sent comme prise au piège de cette vie. Elle voudrait passer ses journées à lire au lit.

Trois femmes et trois histoires intimement reliées entre elles dont nous ne sauront rien jusqu’à la dernière page… Un jeu de connexions intelligent et saisissant mais aussi un jeu sur la fiction et la réalité dont je me suis délectée. Le personnage – l’écrivaine – la lectrice.

Les Heures est un roman énigmatique et magnétique, dont l’écriture – tragique et ironique tout à la fois – m’a prise au piège et que je n’ai pu que dévorer jusqu’à la dernière page, savourant ces portraits féminins inoubliables. Une très belle lecture qui laissera son empreinte un moment en moi. Il ne me reste plus qu’à voir le film !

***

« Mais restent toujours les heures, n’est-ce pas ? Une heure et puis une autre, et il faut passer celle-ci et puis, oh mon Dieu, en voilà une autre. »

Audur Ava Ólafsdóttir – Miss Islande ***

LeVieuxJardinAW+

Zulma – 2019 – 261 pages

*

Hekla doit son prénom à son père, fasciné par les volcans depuis toujours. Alors qu’elle n’a que quatre ans, le volcan dont elle porte le prénom entre en éruption et son père l’embarque pour le voir d’un peu plus près… L’enfant reviendra de cette excursion métamorphosée, prenant l’habitude de disparaître pour aller contempler le ciel, les nuages, les étoiles.

En 1963, Hekla a 21 ans lorsqu’elle quitte la ferme de ses parents dans les Dalir et débarque à Rekjavik. A peine arrivée, on lui propose déjà de participer à Miss Islande… De façon agaçante, tout le monde ne semble voir en elle qu’une future reine de beauté – Miss Islande doit savoir coudre, cuisiner comme un cordon bleu, être impeccable. Mais Hekla n’est venue dans la capitale que pour une seule chose : accomplir son destin et devenir écrivaine.

Elle retrouve son amie d’enfance Ísey si bavarde, qui accumule les mots comme des trésors et se cache pour les inscrire dans son journal, fabrique des histoires sur tout et rien – comme pour oublier qu’elle a 22 ans et déjà 2 enfants et qu’elle ne bougera jamais. Elle retrouve aussi Jón John, son premier amant et meilleur ami, qui rêve de devenir costumier au Théâtre National, et se cache pour aimer des hommes.

Les années 60 à Rekjavik ne sont pas idylliques… Les homosexuels sont presque des criminels, le patriarcat est écrasant et le sexisme omniprésent.

Quel plaisir de retrouver la plume rafraîchissante de l’autrice de Rosa Candida. Audur Ava Ólafsdóttir possède une écriture insolite empreinte d’une douce malice – un humour discret mais efficace – et nous offre un roman féministe sur la création, l’écriture, la liberté« Arrange toi pour qu’arrive ce qui n’arrive pas. Fais que les mots deviennent chair. »

C’est poétique et profondément mélancolique. Avec des personnages qui rêvent, beaucoup. C’est aussi un touchant portrait de femme qui se dessine sous nos yeux – Hekla et son tempérament farouche, fougueux, qui devra choisir entre l’amour et la création. J’ai tout aimé de ce roman islandais, sauf la fin qui m’a laissé le coeur pincé et surpris.

Et vous, qu’en avez-vous pensé ?

Ahmet Altan – Je ne reverrai plus le monde ***

Actes Sud – 2019 – 224 pages

*

Ahmet Altan est romancier, essayiste et journaliste. Le 15 juillet 2016, la Turquie s’enflamme suite à une tentative de putsch et des milliers de personnes descendent dans la rue pour manifester leur colère, à Istanbul et Ankara. Le lendemain, une vague d’arrestations est lancée. Parmi ces arrestations, il y a celle d’Ahmet Altan, 68 ans, qui est condamné à perpétuité ; on l’accuse d’avoir participé à la tentative de coup d’État.

Les textes de cet ouvrage, il les a écrit en prison. Pour survivre à l’enfermement. En prison, on a plus de visage ; le temps n’existe plus – « ce temps reptilien qui [lui broie] les poumons » – il ne reste que l’écriture pour s’évader. Et l’imagination : il n’y a pas d’horloge pour scander le temps qui passe ? Ahmet invente une horloge faite de coupures de journaux. Il marche pour faire égrener le temps, il arpente sa cellule.

« Je suis écrivain. Je ne suis ni là où je suis, ni là où je ne suis pas. Enfermez-moi où vous voulez, je parcours encore le monde avec les ailes de l’imagination. »

Un ouvrage nécessaire et marquant, à la fois témoignage, essai philosophique et oeuvre poétique.

Antoine Sénanque – Que sont nos amis devenus ? ****

9782246823544-001-T

Grasset – mars 2020 – 224 pages

*

Pierre Mourange a la cinquantaine, il est médecin et directeur d’une maison de retraite. Il est également mari et père, mais semble l’avoir oublié depuis longtemps. Un jour, il aperçoit un revolver dans le tiroir du bureau de son psychanalyste. Curieux et fasciné, Pierre s’en saisit quelques instants pendant l’absence du thérapeute. Mais quelques heures plus tard, ce dernier se suicide avec ce même revolver.

Immédiatement, Pierre se trouve être le coupable tout désigné… Interrogé par la police, il se rend compte qu’il n’a aucun alibi.

Mais qu’il a autour de lui des amis, des personnes prêtes à le sauver. Sa secrétaire Blanche, amoureuse de lui depuis toujours. Son ami d’enfance Camille, écrivain qui s’inspire souvent de sa vie pour écrire ses romans. Ses petits vieux de la maison de retraite, qu’il appelle les hiboux – Nikolas qui menace de pirater les serveurs pour lui et son fidèle compagnon Boisvieux. Et Mathilde, sa fille qu’il a trop longtemps négligé…

Ce roman est une belle surprise ; tous les ingrédients étaient réunis pour me plaire. La plume légère et poétique. L’humour qui se révèle entre les lignes. La tendresse du narrateur envers ses personnages.

J’ai aimé aussi la référence à la poésie de Rutebeuf contenue dans le titre ; le jeu avec la fiction ; et cette amitié qui me rappelle celle de Montaigne et La Boétie. Une amitié absolue. A travers Camille et Pierre, l’auteur questionne la trahison et la loyauté amicaleQue sont nos amis devenus ? nous offre une mise en abyme fictionnelle ; avec Camille comme double littéraire de l’auteur, qui ne peut s’empêcher de mettre en roman son ami, d’en faire un personnage de son oeuvre.

Il se dégage de ce texte une indéfinissable mélancolie, qui m’a aimantée. C’est un coup de cœur, un coup au cœur, tout en douceur. ❤

***

« Les mots restaient à la surface des sensations, comme les souvenirs à celles de la vérité. Personne ne savait comment faire pour ressusciter une émotion. Elle finissait toujours par mourir en paix, du seul coeur qui l’avait éprouvée. »

Clémentine Autain – Dites-lui que je l’aime ***

9782246813958-001-T

Grasset – mars 2019 – 162 pages

*

Comédienne qui crève l’écran dans les années 70, Dominique Laffin est aujourd’hui oubliée. Femme fascinante, radieuse et libérée, elle a trente ans lorsqu’elle décède brutalement. Sa fille Clémentine en a douze. Ce n’est que trente ans plus tard que la jeune femme parvient à mettre des mots sur cette mère que Dominique fut pour elle – une mère en souffrance, alcoolique, multipliant les amants et les coups d’éclats. Cette mère, elle en est d’abord obsédée à l’adolescence. Puis elle comprend plus tard qu’il faut l’effacer pour avoir une chance de survivre et de se construire.

Clémentine raconte son enfance avec cette mère, entre lumière et noirceur. Une femme capable du meilleur comme du pire, qu’elle aime à la folie mais qui parfois lui fait peur. Elle la tutoie, et cela a pour effet de nous convoquer, de nous prendre à partie et de nous immerger dans le récit.

Les souvenirs resurgissent à mesure que l’écriture délivre la narratrice. Les rencontres avec les anciens amants, les réalisateurs et les amies de sa mère se succèdent ; Clémentine désire confronter l’image qu’ils avaient de sa mère avec la sienne« C’est la révolution intérieure. Dans ma tête, tu renais. Par touches successives, mon rapport à toi a changé. Il s’est ouvert, adouci, apaisé. »

Elle met des mots sur le sentiment d’abandon qui lui colle à la peau depuis tout ce temps… C’est aussi le mystère autour de sa mort qu’elle souhaite questionner, éclaircir. L’écriture lui permet finalement de faire son deuil.

Dites-lui que je l’aime me fait forcément penser au livre de Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit. C’est un beau récit féminin qui interroge la figure maternelle disparue mais aussi la femme que la petite fille abandonnée est devenue, se construisant autour de ce vide.

Une belle déclaration d’amour et un portrait de femme(s) écrit avec une sincérité et une simplicité qui m’ont beaucoup émue.

***

« Quand tu es morte, j’ai passé des heures et des heures devant le miroir à répéter maman. Ce mot m’apparaissait aussi magique que mystérieux. (…) Je n’avais plus de raison de dire maman mais j’avais besoin de dire maman. »

Loulou Robert – Sujet inconnu ***

9782260032465ORI

Julliard – 2018 – 252 pages

*

« J’ai donc grandi dans un village de l’Est, dans une grande maison vide, entre une mère hystérique, un père dans son bureau et un aspirateur. C’est un bon résumé. »

La narratrice – dont on ne connaîtra pas l’identité – commence par évoquer son enfance ; l’enfant bizarre qu’elle a été, prête à se battre violemment pour sauver sa souris en peluche, Sam. L’adolescente qu’elle est devenue, alternant l’hôpital psychiatrique et les cours au lycée. Puis arrivent les années de fac avec le premier appartement, 18 m2 seule. Avoir désormais le choix de tout mais sans se connaître réellement. Aucune passion ne l’anime réellement. Elle aime les livres, les dévore même mais ils ne parviennent pas à combler le vide en elle. Et cette solitude toujours tenace, à laquelle elle s’est accoutumée.

Une nuit d’insomnie, son voisin Lucien frappe à sa porte, après avoir entendu une chanson de Barbara. Trois fois son âge, des troubles obsessionnels et des années sans prendre de douches. Son premier ami, attaché de façon convulsive au passé.

Une autre nuit d’insomnie, elle a vingt ans, elle tombe amoureuse.

L’armure se déchire, et sa peau apparaît, à vif.

Un style brut et lapidaire, des phrases courtes et incisivesSujet inconnu est l’histoire d’un amour qui tourne mal ; un amour qui foudroie, qui emporte et qui transcende et qui finit par détruire. C’est l’histoire aussi de l’écriture et de son rôle salvateur. Au fur et à mesure de notre lecture, la tension s’empare des mots, s’empare de nous. On finit par retenir son souffle jusqu’aux derniers mots… Un roman coup de poing qui coupe le souffle.