Dolores Reyes – Mangeterre ***

1596504615_9791032908662_v100

Editions de l’Observatoire – août 2020 – 224 pages

*

« – Lève-toi, Mangeterre, allez. Lâche-la, laisse-la partir. »

Mangeterre. Celle que l’on surnomme ainsi est une enfant qui ne peut se résoudre à la mort de sa mère. Se résoudre à ne plus entendre sa voix. Alors, elle mange la terre dans laquelle sa mère vient d’être ensevelie, sans cercueil, juste emmaillotée dans un vieux tissu.

Plus tard, quand son père disparaît, les laissant livrés à eux-mêmes avec son frère Walter, elle mange de la terre pour savoir s’il est encore vivant.

Chaque fois c’est pareil : la terre ingérée lui révèle la vérité sur la personne disparue. La terre l’appelle. Ce don lui colle à la peau. Peu à peu, la rumeur se répand. Les gens les fuient, Walter et elle. Ils se retrouvent seuls. Seuls, avec les petites bouteilles de terre que les gens déposent à travers le portail, dans l’espoir que la jeune fille leur révèle si leurs disparus sont toujours vivants.

Mangeterre, sorcière, voyante, orpheline, adolescente qui se rêve normale. Il se dégage de ce roman une atmosphère de réalisme magique comme je les aime. Féminité, surnaturel et mystère en Argentine. Une lecture à la fois sombre et lumineuse, tragique et poétique.

***

« J’ai caressé la terre qui me donnait des yeux neufs, me permettait d’avoir des visions auxquelles j’étais la seule à accéder. Je savais combien les messages des corps volés sont douloureux. J’ai caressé la terre, serré le poing et soulevé dans ma main la clé qui ouvrait la porte par laquelle Maria et tant d’autres filles étaient parties, filles aimées, elles, de la chair d’autres femmes. J’ai soulevé la terre et avalé, toujours plus, beaucoup plus pour que naissent ces yeux neufs et que je voie. »

Publicité

Martin Blasco – La Noirceur des couleurs ****

Capture

Éditeur : l’école des loisirs – Date de parution : octobre 2017 – 256 pages

*

Buenos Aires, 1885. Cinq bébés sont enlevés en pleine nuit. Vingt-cinq ans plus tard, un des bébés, devenu une ravissante jeune femme, revient chez ses parents. Alejandro, un jeune journaliste, est contacté pour enquêter sur ces disparitions et pour aider la jeune femme à retrouver sa mémoire perdue…

Parallèlement à l’enquête du journaliste, nous découvrons page après page le journal intime de J.F. Andrew, l’homme à l’origine de la disparition de ces bébés – un homme épris de sciences au mépris de l’humain ?

Un roman argentin captivant dès les premiers mots, qui provoque en nous de l’effroi, qui nous glace et nous émeut… Sombre et énigmatique, il offre matière à réflexion sur l’humain, l’âme, les limites de la science et la folie humaine, le destin. Un roman saisissant qu’on ne peut lire qu’en apnée, et qui, une fois terminé, ne cesse de nous hanter.

Carlos Bernatek – Rancœurs de province **

51sqma5nz7l-_sx195_

Éditeur : L’Olivier – Date de parution : février 2017 – 179 pages

*

Dans ce roman argentin, deux personnages livrés à eux-mêmes quittent leur foyer pour un village de province inconnu. Leurs destins se déroulent en parallèle et semblent se faire écho l’un à l’autre. Ils vont découvrir tous deux, à leur manière, la province argentine. Poli est vendeur ambulant d’encyclopédies et doit donc s’absenter souvent. En découvrant un poème érotique dans l’agenda de sa femme ; Poli laisse galoper son imagination débordante et, menant l’enquête, il découvre qu’elle le trompe. C’est dans une petite bourgade morne où la chaleur est écrasante, même en plein hiver, qu’il trouvera refuge, pour le meilleur ou le pire…

Selva est embauchée pour préparer l’ouverture d’un bar, le Waldo’s, dans une station balnéaire. Elle est ravie, elle n’a jamais vu la mer, c’est l’occasion rêvée. Les paroles de sa mère ne cessent de lui revenir en mémoire depuis qu’elle est arrivée. Elle découvre le bar et la minuscule pièce dans laquelle elle va vivre. Mais plus les jours passent et plus elle trouve à la ville des airs inquiétants ; peu à peu, le sentiment d’insécurité et de méfiance prend possession d’elle, à l’image de ce sable qui s’infiltre sans cesse sous sa porte.

Carlos Bernatek dépeint ces petits villages de province, ces campagnes argentine où pauvreté, oisiveté et argent sale ne font jamais bon ménage. Un roman qui m’intriguait mais qui finalement n’a pas vraiment su répondre à mes attentes ; peut-être m’attendais-je à plus de mystère, plus de lien entre les deux personnages ? Peut-être aussi est-ce dû à la quatrième de couverture un peu trop bavarde – elle évoque des événements qui ne se sont toujours pas déroulés au bout de la page 100.

Merci aux éditions de l’Olivier pour cette lecture !

***

« Mais Selva, à cet instant, dans cette solitude, dans un lieu qu’elle connaissait à peine, ressentait cette inquiétude propre à la peur, cette palpitation saccadée dans la poitrine. Les lieux, se rappelait-elle avoir lu dans un hebdomadaire, ont une aura, une énergie particulière qu’il faut s’efforcer d’identifier afin d’adopter un comportement respectueux et prévenant. »