Pauline Delabroy-Allard – Qui sait ****

Gallimard – 2022 – 203 pages

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« C’est ça, je crois, la raison pour laquelle on donne plusieurs prénoms aux enfants qui viennent au monde, c’est le fantasme diffus d’une vie qui ne serait pas unique, qui ne serait pas singulière, c’est le fantasme cafouilleux de donner plusieurs vies, ou alors une seule mais immortelle, oui, immortelle, d’offrir plusieurs visages, d’ouvrir le champ des possibles à l’infini ou presque. »

La narratrice a trente ans, un petit être prend vie dans ses entrailles et pour la première fois elle se fait faire une carte d’identité. Lui saute alors aux yeux la ribambelle de ses prénoms secondaires, dont elle n’a jamais élucidé le mystère : Jeanne, Jérôme, Ysé. Un prénom masculin, entouré de deux prénoms féminins, qui ne lui disent absolument rien. Dans sa famille, on parle de tout, sauf du passé. Alors, Pauline se lance dans une enquête de ses origines. Sa mère ne veut rien lui dire? Qu’à cela ne tienne, elle inventera.

Ce roman insolite et poétique déroule sa trame selon les trois questions fondamentales de la pensée kantienne : Que puis-je savoir? Que dois-je faire? Que m’est-il permis d’espérer?

Qui sait est un récit à la fois drôle et poignant, une (en)quête des origines, de ses trois fantômes qui habitent la narratrice, colonisent son prénom : Jeanne l’arrière-grand-mère disparue trop tôt, Jérôme, ce garçon de l’ombre, emporté par le sida, Ysé, ce personnage de théâtre. C’est un roman qui parle de la vie, de la mort, de la vie avant soi, de la perte, où imagination et vérité se cherchent, s’entrecroisent, s’entremêlent.

J’ai aimé retrouver l’écriture poétique et entétante de l’autrice, qui m’avait tant plu dans Ça raconte Sarah. L’écriture comme une danse, une mélopée. « J’écris pour oublier le bruit de la chair qui frappe la chair inerte pour réveiller la vie déjà partie »l’écriture qui prend corps, l’écriture physique, sensuelle – j’ai encore une fois été saisie par sa beauté, sa puissance ; j’ai eu presque envie de lire et relire à voix haute certains passages. Un roman comme une fabuleuse déflagration.

« Sans doute que c’est dans les histoires qu’on existe vraiment, que c’est dans la fiction que se dissimule la vérité, qu’il n’y a pas d’autre endroit où vivre. »

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