Gerbrand Bakker – Parce que les fleurs sont blanches ***

Folio – février 2023 – 224 pages

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Gerson, et ses frères jumeaux Kees et Klaas sont trois adolescents qui vivent avec Gerard, leur père et Daan leur chien. Leur mère, la grande absente, celle qui prend toute la place dans leurs têtes, est partie dans une voiture rutilante, aimer un autre homme en Italie. Il ne leur reste qu’une petite voiture, une vieille guimbarde – couleur morve – dans laquelle ils s’entassent quand ils vont faire des courses, voir les grands-parents…

Un dimanche matin, ils roulent au milieu des poiriers en fleurs, ils se chamaillent, ils rient, le soleil brille, une voiture les percute. Gerson se retrouve dans le coma, le bras droit broyé, aveugle. Ses beaux yeux verts ne verront plus jamais. Démunis, les 3 hommes se retrouvent dans la petite chambre d’hôpital, autour de Gerson, inaccessible. Ils lui parlent, tentent de le faire revenir à la vie, au monde, à la réalité ; ils tentent de s’habituer à le regarder autrement que dans les yeux.

Un roman poignant, qui alterne les points de vue ; celui des jumeaux et celui de Gerson, sa voix intérieure en italique qui raconte un rapport au monde bouleversé. Comment accepter qu’on ne verra plus jamais le monde qui nous entoure, à treize ans? Gerson ne se résout pas à vivre dans le noir… « Noir », ce drôle de jeu auquel il pouvait jouer des heures avec ses frères – identifier une cible, fermer les yeux et se déplacer vers cette cible, sans se tromper. Un récit court et bouleversant, que l’on referme la gorge toute nouée.

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Claudine Desmarteau – Comme des frères ***

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L’Iconoclaste – mars 2020 – 320 pages

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« Ça s’est passé un samedi. Depuis, je hais les samedis. J’avais seize ans. Depuis, je ne sais plus si je suis jeune ou vieux. Bien sûr que c’est jeune, vingt-deux ans. Ce que je sais, c’est que mon adolescence a pris fin ce samedi-là. »

Le jour maudit. C’était il y a six ans. Depuis, Raphaël n’est plus le même. Avec Lucas, Thomas, Ryan, Saïd, Idriss, Kevin, ils étaient toute une bande d’inséparables, ils étaient comme des frères. Après le temps de l’enfance insouciante, ils zonent dans les rues de la ville de plus en plus grise, ruminent leur ennui avec des Twix et du Coca… Ils attendent que quelque chose se passe.

Un jour, un nouveau débarque. Quentin et son look un peu ringard, ces cheveux qui pendent à l’arrière du cou…  Très vite, la bande fait pleuvoir sur lui brimades et insultes, de plus en plus cruelles. On l’appelle « Queue de rat ».

Raphaël ne prend jamais vraiment part à ce harcèlement mais ne s’en dissocie pas non plus. En silence, il n’a d’yeux que pour Iris, la sœur jumelle de Quentin, farouche et sanguine.

Et puis, Quentin finit par s’intégrer à la bande et par se rendre mystérieusement indispensable. Il leur fournit du shit, des bières. Ils se lancent des défis, de plus en plus idiots, inspirés par les vidéos des Jackass.

Dans une langue à la fois crue et sensible, Claudine Desmarteau retranscrit la violence et la virulence de l’âme adolescente, dans ce qu’elle a de plus noire. Le plaisir tiré du harcèlement, le plaisir à défier les autres et le monde entier. Le besoin irrépressible de se sentir vivant. Comme des frères est un roman vif et abrupt, parsemé de dialogues, qui se lit d’une traite.

Olivier Norek – Surface ****

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Pocket – mars 2020 – 394 pages

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La capitaine de police Noémie Chastain reçoit une décharge de fusil de chasse en plein visage pendant une descente dans l’appartement d’un narco-trafiquant. Nous la retrouvons quelques heures plus tard sur son lit d’hôpital, à sa sortie du bloc opératoire. Une quinzaine de plomb ont atteint la partie droite de son visage comme autant d’étoiles inscrites dans sa chair ; une cicatrice en forme de croissant de lune est désormais gravée sur sa joue droite.

Dans le miroir, Noémie ne se reconnaît pas ; cette femme défigurée ne peut pas être elle. Et puis son homme prend la fuite… Alors désormais, elle sera No, tout court.

No n’a qu’une hâte, réintégrer son poste à la brigade des Stups pour se jeter à corps perdu dans le travail. Mais le prestigieux 36 Quai des Orfèvres ne veut plus de cette capitaine de police hier encore héroïne nationale… On prépare sa mise au placard en l’envoyant un mois dans l’Aveyron, à Decazeville, un petit village bien trop paisible.

Surface est un polar qui se révèle fascinant dès les premières pages. L’écriture me captive dès les premiers mots. Noémie Chastain est un personnage très singulier, blessée et attachante. On se prend d’affection pour elle immédiatement ; sa vulgarité, son franc parler, sa vulnérabilité qu’elle masque avec une ironie et une répartie sans pareilles. Un portrait de femme unique ! Olivier Norek nous livre un thriller efficace et percutant, à l’intrigue bien ficelée et aux nombreux rebondissements jusqu’à la dernière page…! Une vraie réussite

Nicolas Delesalle – Mille soleils ***

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Le Livre de Poche – 2019 – 216 pages

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Ce lundi matin de février austral, il est 9h17 et ils sont quatre dans une voiture, qui file à travers le désert argentin sur la route 40 qui longe la Cordillère des Andes, avec un volcan immense qui domine la pampa.

Dans cette voiture, il y a Vadim, cinquantenaire d’un naturel taiseux ; les mots ils s’en méfie, parler c’est comme « manipuler un bâton de dynamique qui crépite » – il aime la physique des particules et le death metal. Il y a Alexandre, astrophysicien et programmateur, qui souffre depuis sa rupture avec la belle russe Léna. Il vient d’installer des panneaux solaires sur 1600 cuves de l’observatoire de Malargüe. Il y a Wofgang, un scientifique allemand rêveur et malchanceux, astrophysicien et spécialiste des rayons cosmiques. Et enfin Simon, astrophysicien hypocondriaque qui ne fait jamais rien sans consulter Clint Eastwood.

Leur 4×4 roule à toute allure vers Mendoza, où un avion pour Buenos Aires les attend. Vadim conduit beaucoup trop vite… Jusqu’au drame, aux pieds du volcan.

L’intrigue de Mille soleils se déroule le temps d’une journée ; les chapitres font défiler les heures, les minutes. Les quatre hommes se retrouvent seuls, sans réseaux ; trop d’espace et d’air pour ces citadins habitués à vivre dans des clapiers. Leurs pensées tournent en rond face à l’immensité sauvage. Ils se souviennent, voient leur vie défiler.

Un roman remarquablement écrit, efficace et tranchant. Où émotion et humour se côtoient habilement. Un huis clos à ciel ouvert, qui nous projette en plein coeur de la pampa et de l’âme humaine – et où certaines phrases résonnent intimement à l’oreille.

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« Il a une femme qu’il a épousé comme on achète un lecteur DVD et il a réussi à se reproduire sans dire plus de cent phrases. »

« On ne lui a simplement pas donné le temps de faire le deuil de ce qu’elle a été si longtemps, de ce qu’elle est encore maintenant, sous les replis du derme usé, une femme à la beauté éclatante. Qu »on lui donne le temps de faire le deuil des regards dans la rue ; le deuil du miroir, qu’on la laisse essayer de briller sur d’autres longueurs d’onde, qu’on lui laisse le temps d’apprendre à se trouver vieille, comme autrefois elle se trouvait belle. »

Samuel Western – Canyons ***

Gallmeister – juin 2019 – 224 pages

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Idaho, 1970. Ward organise une partie de chasse avec sa petite amie Gwen et son frère jumeau Éric. Ils ont la vingtaine, sont insouciants, débattent philo et s’enthousiasment d’un rien. Mais ce jour-là, Ward tue accidentellement Gwen, anéantissant à tout jamais leur avenir.

25 ans plus tard, Ward cultive ses terres ; il trouve du réconfort dans l’alcool et demeure prisonnier de son passé. Quant à Eric, il est devenu guitariste et parolier en mal de reconnaissance, lourdement endetté. Sa bête intérieure se réveille à chaque évocation du passé.

25 ans plus tard, leurs chemins se croisent et Ward propose à Eric de le rejoindre quelques jours dans son ranch en plein cœur du Wyoming afin de chasser dans les Bighorn Mountains.

Les deux anciens amis se lèvent à l’aube pour descendre au fond du canyon… Eric attend sa vengeance ; celle qui le délivrera de sa bête intérieure. Quant à Ward, il n’espère que la rédemption. Le poids de la culpabilité pèse sur son âme et l’envie de mourir le dévore sournoisement…

Quel roman magnifique. Quelle émotion et quelle justesse de ton. Ce sont les seuls mots qui me viennent en refermant ce roman. Canyons est une histoire de rédemption et de pardon qui m’a émue au point que les mots me manquent pour en parler correctement. Samuel Western brosse le portrait de deux hommes meurtris à la recherche du pardon qui ne parviendront à se dépouiller de leurs démons et à renaître qu’au contact de la nature… Une pépite au fort potentiel émotionnel.

Shiga Izumi – Quand le ciel pleut d’indifférence ***

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Éditions Picquier – mars 2019 – 125 pages

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Deux semaines après la catastrophe de Fukushima, un homme se promène dans sa ville natale, située à quelques kilomètres du lieu du drame. Les rues sont absolument désertes. Lui, a choisi de rester. Il se retrouve devant la porte d’une maison et ses souvenirs resurgissent, sans crier gare. La catastrophe a déjà eu lieu pour lui, c’était il y a trente ans, l’été de ses onze ans.

Il se souvient de Misuzu, une camarade d’école nouvellement arrivée de Tokyo. Il se souvient des grenouilles, qu’il a exterminées par dizaines. Et de ce paon, sublime emblème de son passé. Cet oiseau divin qui empêche le mal en absorbant le venin.

Pourquoi cet homme n’a-t-il pas fui comme les autres habitants ? Que cherche-t-il dans ces rues désertées aux effluves radioactives qui ne sont plus peuplées que par les fantômes du passé ?

Il plane une ambiance de fin du monde, le narrateur déambule dans une ville post-apocalyptique ; si Fukushima n’avait pas vraiment eu lieu, on se serait cru dans un roman de science-fiction.

Passé et présent cohabitent et se confondent dans ce singulier roman. L’homme erre de rues en rues et le passé surgit au coin d’un immeuble, au détour d’une rizière. « La mémoire n’était pas dans ma tête, elle était au bord de la route, elle était au détour d’une rue. »

Un beau roman japonais sur la mémoire, la culpabilité, la responsabilité. Le paon se matérialise comme métaphore de l’énergie nucléaire. Dans son esprit s’établit le parallèle entre l’accident d’il y a trente ans et celui de Fukushima, interrogeant la responsabilité humaine – le paon, cet oiseau censé être divin, qu’il a nourri jusqu’au drame… Et le nucléaire, censé être l’énergie de l’avenir, porté aux nues, qui n’a apporté que destruction« Nous avons détruit notre avenir au nom de cette illusion ».

Marion Richez – L’Odeur du Minotaure ***

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Sabine Wespieser – août 2014 – 128 pages

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C’est dans une boîte à livres vendéenne que j’ai déniché ce roman, déposé par une bibliothèque qui s’en séparait. Le titre et la quatrième de couverture m’intriguaient.

Aussitôt déniché, aussitôt lu. Un court récit que j’ai dévoré le temps d’une journée.

Marjorie est une petite fille d’abord, qui ne garde de son échappée près des vaches dans un champ, qu’une trace sur le bras. La trace des barbelés contre lesquels elle a lutté. On la retrouve plus tard, jeune fille vivant sa première histoire d’amour. Elle l’oubliera vite, de même que son enfance campagnarde un peu morne. Elle devient l’attachée privilégiée d’un ministre. Sûre d’elle, belle et vaniteuse, menant une vie aisée, elle se joue des hommes et de son passé. Elle serait même un peu croqueuse d’homme…

Et puis, un matin, un numéro s’affiche sur son téléphone… Sa mère lui annonce que son père est mourant. Au volant de sa voiture, Marjorie fonce sur l’autoroute. Puis la quitte brusquement. Se retrouve sur une sinueuse route de campagne. Il fait nuit. L’angoisse l’écrase et soudain un choc ébranle sa voiture. Elle vient de percuter un cerf immense.

Le cerf rend son dernier souffle et la vie de Marjorie bascule. Désormais, plus rien ne sera comme avant…

L’odeur du Minotaure est un roman d’une âpre beauté qui nous raconte la métamorphose d’une femme. Armée d’une écriture ciselée et poétique, Marion Richez raconte l’animalité qui colonise peu à peu Marjorie – ce « je » qui oscille entre humanité et bestialité. Un récit envoûtant et surprenant, qui m’a rappelé un ouvrage d’Eric Pessan sur le même thème – La Hante. De ce roman, j’ai tout aimé, sauf l’épilogue, qui m’a laissée profondément perplexe…

Marie Pavlenko – Un si petit oiseau ****

Chronique à venir ! Le 2 janvier, pour sa parution en librairie

Flammarion – 2 janvier 2019 – 400 pages

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Le nouveau roman de Marie Pavlenko s’ouvre sur l’accident de voiture d’Abigael et de sa mère. L’adolescente y perdra un bras et une main. Elle vit désormais avec une prothèse – qu’elle ne met pas toujours – et un avenir incertain, obscur. « Elle flotte dans un présent trop grand pour elle. » 

Abi cherche en vain la personne qui ne perdra pas son sourire en voyant sa prothèse ou sa manche vide, en comprenant sa réalité. Sa famille déménage, change de quartier. Histoire de ne pas avoir à affronter les regards, les questions… Abi coupe les ponts avec ses amis, ses amours. Il n’y a que sa tante Coline – et son franc parler – qu’elle laisse l’appeler sa « croquette manchote ». Jour après jour, l’adolescente tente d’accepter cette nouvelle réalité, d’apprivoiser sa douleur et sa perte.

« C’est comme si avant, à l’intérieur, j’avais une grande forêt, pleine d’oiseaux et de promesses. Elle a disparu, Coline, tu comprends? C’est comme ça. À la place, il y a des herbes jaunes, des mares sans eau, du silence et de la terre craquelée. »

Et puis un matin, Abi reçoit un colis. Un livre : La Main coupée, de Blaise Cendrars. Aucune mention d’expéditeur, elle ne sait pas qui lui envoie ce livre si bien choisi. Dans le même temps, Coline lui offre Yoru, un chaton de trois mois. Et elle retrouve Aurèle, son amoureux de l’école primaire… ensemble ils vont rire, observer la nature et les oiseaux…

Une lecture dévorée avec délectation et un beau roman sur le handicap écrit sans le moindre pathos mais avec une bonne dose d’humour. Marie Pavlenko a un talent fou pour mêler humour et émotion. J’ai ri. J’ai pleuré. Les mots de la romancière m’ont fait chavirer, et même décoller.

Un si petit oiseau est une belle pépite, au même titre que Je suis ton soleil. On y retrouve le même attachement pour des personnages sincères et vrais ; le même humour subtilement ravageur. Et la présence précieuse de la littérature, toujours – comme un baume souverain. Abi ne se laisse pas abattre, elle s’accroche à la vie et à l’espoir ; c’est une belle personne qui va puiser sa force dans la nature et la littérature. ❤

Antoni Casas Ros – Le Théorème d’Almodovar **

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Éditeur : Folio – Date de parution : mai 2009 – 156 pages

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Antoni a le visage défiguré à la suite d’un grave accident de voiture, dans lequel sa petite amie a trouvé la mort, il y a une dizaine d’années. Depuis, l’écrivain vit seul, reclus chez lui, ne sortant que très rarement, fuyant le regard des autres, autant que son propre regard dans la glace. Peu à peu, il se met à rêver qu’Almodovar adapterait son accident en film ; il se projette alors dans ce rêve éveillé qui semble, de façon étrange, le tenir en vie.

Un roman très particulier, qui mêle souvenirs, fantasmes et rêves éveillés. En fin de compte, on ne sait plus vraiment où se situe la frontière entre la réalité et le fantasme. L’écriture s’égare et nous égare entre réflexions sur l’amour, la vie, la mort aussi, et les événements de plus en plus farfelus qui surviennent dans la vie fantasmée de Antoni. J’avoue avoir été charmée par les premières lignes, puis au fil du texte je me suis perdue, j’ai complètement décroché de cette lecture qui était pourtant prometteuse.

« On peut marcher sur les mains. Être amoureux de quelqu’un qui vous ignore. Aimer un fasciste. Il y avait une telle syntonie entre ma mère et moi que les différences n’étaient que les franges d’un noyau passionné. »

« Que reste-t-il de nos amours ? Ces traces de visages décomposés en moments extatiques ou douloureux. Des fragments, des collages. »

Russell Banks – De beaux lendemains ***

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Éditeur : Babel Actes Sud – Date de parution : 1997 – 327 pages

4ème de couverture : « L’existence d’une bourgade au nord de l’état de New York a été bouleversée par l’accident d’un bus de ramassage scolaire, dans lequel ont péri de nombreux enfants du lieu.
Les réactions de la petite communauté sont rapportées par les récits de quatre acteurs principaux. Il y a d’abord Dolorès Driscoll, la conductrice du bus scolaire accidenté, femme solide et généreuse, sûre de ses compétences et de sa prudence, choquée par cette catastrophe qui ne pouvait pas lui arriver, à elle. Vient Billy Ansel, le père inconsolable de deux des enfants morts. Ensuite, Mitchell Stephens, un avocat new-yorkais qui se venge des douleurs de la vie en poursuivant avec une hargne passionnée les éventuels responsables de l’accident. Et enfin Nicole Burnell, la plus jolie (et la plus gentille) fille de la bourgade, adolescente promise à tous les succès, qui a perdu l’usage de ses jambes et découvre ses parents grâce à une lucidité chèrement payée.
Ces quatre voix font connaître les habitants du village, leur douleur, et ressassent la question lancinante — qui est responsable ? — avec cette étonnante capacité qu’a Russell Banks de se mettre intimement dans la peau de ses personnages. »

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Sam Dent, petit patelin au nord de l’Etat de New York, traversé par les vents. La vie y est rude. Comme le dit l’avocat Mitchell Stephens, fraîchement débarqué de Manhattan, on se croirait presque en Alaska, en terre désolée, dépeuplée, montagneuse. Un terrible accident de bus scolaire survient par une matinée enneigée et coûte la vie à quatorze enfants. C’est la stupeur parmi les habitants. Ce récit fait entendre quatre voix : Dolorès Driscoll, la conductrice du bus ; Billy Ansel, le père de deux enfants morts dans l’accident ; Mitchell Stephens, l’avocat qui décide de prendre à bras le corps cette affaire en misant sur la colère des parents ; et Nicole Burnell, l’adolescente survivante, qui a perdu l’usage de ses jambes… Quatre points de vue sur cet accident : on y décèle les effets du drame, la conscience d’un avant, d’un après. Une rupture dans le quotidien… Et transparaît cette question lancinante : comment vivre après ça ?

C’est un très beau roman, le premier que je lis de Russell Banks. J’ai découvert une écriture ciselée, forte et vraiment très belle, qui donne corps aux mots et forme aux émotions. L’auteur parvient à nous faire plonger dans la conscience de ces quatre personnages différents, différemment touchés par ce drame, mais qui tous n’en ressortent pas indemnes. Même le personnage de l’avocat, a priori extérieur à l’accident, est touchant. Tous sont heurtés d’une façon ou d’une autre par l’accident, ils doivent faire face à la mort, la perte, le deuil, la solitude. Qui est responsable ? Le roman semble aussi hanté par cette question et par le désir de trouver un responsable à cet accident. Comme pour lui donner un sens.

L’écriture est telle qu’on se projette complètement dans l’histoire, et on se glisse dans la peau de chaque protagoniste qui prend la parole ; pour chacun d’eux j’ai ressenti une véritable empathie. Le récit est sombre, mais l’espoir ne semble pas en être absent de façon absolue.

Cela m’a donné envie de lire d’autres livres de l’auteur sous peu !!