Carole Trébor – Jeanne, la fille du docteur Loiseau T1 : Le Cadeau de Kiki de Montparnasse ***

Albin Michel Jeunesse – 2021 – 219 pages

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Ce roman nous plonge dans le Paris des années 20. Et plus précisément en 1924, dans l’entre-deux guerres. Jeanne a douze ans ; elle vit avec ses trois frères et sœurs et son père, dans une maison située pas loin du quartier de Montparnasse qui a l’époque est en pleine effervescence littéraire et artistique, notamment avec la vague surréaliste.

Jeanne rêve de devenir médecin, comme son père. Elle adore le suivre quand il fait ses consultations à domicile. Son oncle Léon et sa tante Lucienne tiennent une pharmacie dans le quartier du petit Montrouge. Depuis deux nuits, l’oncle Léon ne dort plus : on lui a volé des médicaments. Mais aucune trace d’effraction n’est visible… Le mystère reste entier! Jeanne pense savoir par où le voleur s’est introduit. Mais elle n’en dit rien. Elle est bien déterminée à résoudre ce mystère toute seule.

Ce premier tome de la série des Jeanne Loiseau m’a profondément plu ! L’écriture est savoureuse et intelligente, émaillée de clins d’œil historiques à l’époque et à ses figures artistiques : Raymond Queneau, Jacques Prévert et Kiki de Montparnasse. J’aime d’autant plus que l’intrigue se déroule dans mon quartier, c’est drôle de voir les personnages y évoluer ; la rue des Plantes, l’Avenue du Maine, l’avenue Jean Moulin qui s’appelait alors l’Avenue de Châtillon, les Catacombes…

On s’attache à Jeanne, sa détermination, son courage pour aller à l’encontre des préjugés de l’époque ; son indignation quant à la place des femmes : pourquoi les femmes ne pourraient-elles par devenir de grandes scientifiques ? En 1920, les femmes représentent 14% des étudiants en médecine…

Un premier tome intelligent, vif et drôle, à mettre entre toutes les mains et sur les étagères de tous les CDI 😉

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Constance Joly – Le matin est un tigre ***

9782290210192

J’ai Lu – janvier 2020 – 160 pages

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« Le matin est un tigre qui rampe doucement, en attendant de vous sauter à la gorge. »

Depuis quelques temps, Alma a la désagréable impression que sa vie lui échappe, lui file insidieusement entre les doigts. Depuis six mois, sa fille Billie va mal. Depuis le jour de ses quatorze ans, elle tousse, maigrit et se plaint de douleurs au thorax, « comme si une plante vénéneuse poussait dans sa poitrine. » Son instinct de mère le lui souffle, sa fille a un chardon dans le corps, elle en est certaine.

Depuis que le chardon s’est emparée de sa fille, Alma n’a plus de désir ; son corps est une une carcasse vide. Elle ploie sous le poids des problèmes qui prennent la forme de valises plus ou moins lourdes et encombrantes. Bouquiniste sur les quais de Seine et mélancolique de nature, Alma trouve refuge dans la rêverie pour s’extraire du réel, l’annihiler. Les passants ont des visages d’enfants et le bruit de la ville se transforme en brise marine.

D’entrée de jeu, j’ai été saisie par la beauté de l’écriture, métaphorique et très imagée. Constance Joly utilise une plume poétique et brute qui rend l’émotion palpable. Je n’ai pas résisté à ce surréaliste roman d’apprentissage maternel et l’ai dévoré le temps d’une journée… J’ai tout aimé de ce roman porteur d’espoir que je relirai à l’occasion…

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« Les mots sont de pauvres choses, se dit-elle. Ils sont pratiques et incomplets, incapables d’exprimer la complexité de nos vies, la subtilité de ses nuances. Il faudrait les décrasser, les lessiver, les essorer pour leur faire dégorger un sens nouveau. »