Fabrice Caro – Le discours **

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Folio – février 2020 – 224 pages

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Lors d’un dîner en famille, Adrien apprend qu’il doit faire un discours pour le mariage de sa sœur Sophie, alors qu’il a encore du mal à se remettre de sa rupture avec Sonia, qui date du mois dernier. « C’est le plus beau cadeau que tu puisses faire à ta sœur » lui dit son beau-frère… 

Le problème d’Adrien, c’est qu’il n’ose pas dire non. Il n’ose pas, tout court. On peut très bien l’appeler Aurélien pendant deux ans sans qu’il nous corrige. 

Et puis, il faut dire qu’il n’arrive pas à se sortir de la tête son ex, à qui il a envoyé un sms à 17h24, et auquel elle n’a jamais répondu.

Adrien se retrouve pris au piège ; entre le gratin dauphinois et le gâteau au yaourt, il va tenter de sauver sa peau tout en essayant de renouer avec son ex. 

Le temps d’un dîner en famille, nous nous retrouvons plongés dans les pensées de ce quarantenaire à la personnalité un peu farfelue ; Adrien est un anti-héros lâche, peureux, hypocondriaque et superstitieux. 

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé le style complètement absurde et cocasse qui m’avait pliée en deux dans Zaï Zaï Zaï Zaï. Certaines scènes m’ont vraiment fait exploser de rire, je me suis surprise à ricaner toute seule, mon livre à la main. Si j’ai passé un savoureux moment de lecture, je ne suis pas certaine que ce roman me reste autant en mémoire que la BD…

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Frédéric Beigbeder – 🤣 ***

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Grasset – janvier 2020 – 320 pages

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« Après avoir donné aux consommateurs l’envie d’acheter des choses dont ils n’avaient pas besoin, puis fait désirer aux hétéros des femmes qui n’existaient pas, je devais à présent provoquer l’hilarité des automobilistes pour leur faire oublier la désintégration du modèle social français. »

Octave Parango, c’est le double littéraire de Beigbeder, c’est ce personnage que nous suivons depuis 99 francs. Dans les années 90, il a travaillé dans la publicité ; dans les années 2000, il était dans le milieu de la mode ; aujourd’hui, à 50 ans, il est l’humoriste le plus drôle de France et il passe à la radio chaque jeudi à 8h55, sur France Publique, la plus grande radio nationale de service public.

Mais ce jeudi matin, à 8h58, la vie d’Octave Parango vient de faire faillite. En l’espace de 3 minutes, il se fait virer en direct, devant la France entière, pour avoir osé se pointer sans son texte. Il a voulu jouer le jeu de l’improvisation, et il a perdu : « un gros plantage et tu dégages. »

Ce dernier opus de la trilogie de Beigbeder sur les aliénations s’ouvre sur l’éviction d’Octave en direct à l’antenne ; les chapitres qui suivent nous permettent de remonter le temps et nous révèlent les quelques heures qui ont précédé ce suicide professionnel – la soirée d’Octave dans les rues du 8ème arrondissement, en pleine révolte des gilets fluos.

Une narration sous kétamine, passant du Je au Il et du Il au Je, au fil des chapitres et des heures qui défilent. Octave se souvient de sa jeunesse, des années 80, l’âge d’or du Caca’s Club… et cherche, en vain, l’inspiration pour son intervention du lendemain. Il en profite aussi pour faire un constat désabusé et corrosif de notre société actuelle.

Un livre au ton mordant et cynique, mélange de culture littéraire et de provocation. Dans ce monde où les bouffons, les acteurs de télé-réalité et autres comiques peuvent devenir président, premier ministre ou gouverneur, le rire devient synonyme de danger. Le nouveau roman de Beigbeder, au titre délibérément provocateur, se révèle être une satire efficace et déjantée des dérives de notre société du divertissement où le rire et la violence sont intimement liés.

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« Pour mieux se figurer ce qu’est l’humanité dans les années 2020, il faut fermer les yeux et imaginer une foule de huit milliards de personnes mortes de rire. Littéralement décédées, entassées par terre, se gondolant. MDR. LOL. PTDR. Mouahahahaha. »

« Ma vie est un one-man-show dans un vieux cabaret qui va bientôt être transformé en magasin de coques pour smartphones. »

 

Alessandro Baricco – Smith & Wesson ***

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Gallimard – 2018 – 160 pages

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Nous sommes en 1902, aux Etats-Unis. Tom Smith et Jerry Wesson se rencontrent aux pieds des chutes du Niagara, capitale mondiale du suicide. L’un passe son temps à rédiger des statistiques météorologiques, l’autre à repêcher les corps engloutis par les rapides. Il se rencontrent et finissent par faire la paire. Mais qu’est-ce qui les a réellement amené ici ? Qui est vraiment Smith, cet homme retenu et respectable, qui mesure ses propos quand Wesson peut se montrer grossier ?

Lorsque Rachel Green, jeune journaliste en détresse de vingt-trois ans, frappe à leur porte, c’est le début d’une drôle d’aventure… La jeune femme leur propose un projet complètement loufoque : plonger dans les chutes du Niagara et s’en sortir vivant. Ces trois personnages un peu -complètement – délurés vont réfléchir aux modalités leur permettant de descendre les chutes du Niagara dans un tonneau à bière…

Cette courte pièce de théâtre est tout à fait étonnante. A la fois tragique et hilarante, on ne cesse d’osciller entre le rire et l’émotion. Les répliques s’enchaînent à un rythme soutenu, à la façon d’une curieuse mélodie de plus en plus rapide, mêlant humour et justesse de ton. L’auteur joue sur l’opposition des caractères de Smith et Wesson – ce duo de comiques attachants dont la trajectoire heurte un jeune femme perdue. Une tragi-comédie qui m’a littéralement secouée.

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« Nous avons décidé que le 21 juin, jour du solstice d’été, le premier être humain de l’histoire des êtres humains se jettera dans les chutes du Niagara non pas pour mourir, mais pour vivre, une bonne fois pour toutes, et vivre vraiment. Ce sera une jeune fille de vingt-trois ans et, contre toute attente, elle ne mourra pas dans ce saut car messieurs Smith et Wesson, au lieu d’inventer d’infaillibles fusils à répétition, lui donneront les moyens de survivre aux cascades, défiant les lois de la nature et de la physique, pour triompher, avec l’aide de Dieu et un bol phénoménal. »