Léonor de Récondo – Revenir à toi ***

Grasset – 18 août 2021 – 180 pages

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Magdalena a quatorze ans lorsque sa mère disparaît. Un jour, au début du printemps, en revenant du collège, ces mots se coincent en travers de sa gorge – « Maman est partie ». Son absence lui coupe les jambes, la brise dans son bel élan.

Devenue adulte, devenue une comédienne reconnue, Magdalena apprend que sa mère est vivante – elle apprend où elle habite. Sans réfléchir, elle saute dans un train et laisse toute sa vie en plan. Tandis que le train file, les souvenirs défilent, déferlent en elle. Le chagrin de l’adolescente qu’elle était demeure intacte.

Magdalena se rappelle son adolescence ; la façon dont elle s’est jetée à corps perdu dans la peau d’Antigone, sur scène. Pour oublier. Pour se sentir libre – et non enchaînée à cet l’abandon. Elle se rappelle sa mère Apollonia et sa dépression, annihilant tout autour d’elle.

Un roman puissant. L’écriture poétique et ciselée de Léonor de Récondo nous fait lentement succomber à l’émotion.

Revenir à toi est un beau voyage poétique ; un voyage vers la mère perdue puis retrouvée. Un voyage dans le passé. Un texte violemment beau – une vibrante déclaration d’amour à cette mère qui l’a abandonnée un jour sans un mot.

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Jón Kalman Stefánsson – Lumière d’été, puis vient la nuit ***

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Grasset – 26 août 2020 – 320 pages

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Un petit village islandais situé dans les fjords de l’Ouest où il n’y a ni église, ni cimetière ; peuplé en grande partie d’octogénaires et de centenaires, où tout le monde se connaît. À travers huit chapitres comme autant de chroniques de la campagne islandaise, Jón Kaman Stefansson met en scène des hommes et des femmes au destin d’une banalité extraordinaire.

Comme cet homme qui se met à rêver en latin ; directeur de l’Atelier de tricot, il part un matin pour la capitale en laissant sa femme et en revient métamorphosé, « plus proche du ciel que de la terre. » – parlant couramment le latin, avec des yeux neufs, une passion pour l’observation du ciel et les vieux grimoires.

Comme Jonás l’orphelin qui rédige un manuscrit sur les oiseaux.

Comme Sólrún et son chignon de cheveux roux.

Comme cette mère de famille qui décide de se prendre en main et de faire du sport… occasionnant une rencontre inattendue.

Et puis, il y a cet Entrepôt construit sur des ruines au sombre passé et qui abrite des ténèbres peuplées de fantômes.

Des hommes abandonnés, qui abandonnent la vie, les autres, leur famille, leur passé. Les ténèbres, la vie, la mort, la jalousie, le désir, la trahison.

La voix narrative appartient sans doute à un villageois, on ne saura jamais qui. Une voix universelle, omnisciente qui résonne à travers une chronologie éclatée. Une foule de personnages prend vie sous nos yeux ; je m’y suis parfois perdue. Mais ces personnages désespérément humains, hantés par leurs fantômes, m’ont touchée

Quel talent de conteur… J’aime l’écriture à la fois mélancolique et cocasse de Jòn Kalman Stefansson qui nous livre des fragments de vie ; ces vies qui oscillent entre perte et chagrin, lumière et ombres.

Bren McClain – Mama Red ***

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Le Nouveau Pont – 8 octobre 2019 – 330 pages

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Avec son premier roman Mama Red, Bren McClain nous offre une plongée dans l’Amérique profonde des années 50 ; nous atterrissons dans une petite ferme de Caroline du Sud. On y rencontre des personnages en proie aux mêmes démons : le passé, la famille, l’éducation violente, la pauvreté…

Sarah se retrouve désemparée après la mort de Harold, son alcoolique de mari, et toute seule pour élever un enfant de six ans, qui n’est pas vraiment le sien… Emerson Bridge est en effet le fils que son mari a eu avec la voisine, Mattie, la meilleure amie de Sarah…

Bren McClain nous peint le portrait d’une mère qui peine à joindre les deux bouts – certains matins, Sarah n’a même pas de quoi préparer un petit déjeuner à Emerson. C’est aussi une femme qui demeure hantée par son passé et notamment l’éducation plutôt violente que sa mère lui a donné. Les derniers mots, empreints de haine, que cette dernière lui a adressés : « Tu ne feras jamais une bonne mère. » restent gravés dans son cœur. Jour après jour, Sarah compte ses dettes, coud des robes, et son passé la rattrape.

Quand elle apprend qu’un enfant a remporté près de 680 dollars à la foire au bétail grâce à un bœuf, Sarah en veut absolument un pour son fils… Il comblerait le vide laissé par son père et permettrait de gagner l’argent qui leur manque.

Ce veau, ils vont pouvoir l’acheter grâce à Ike Trasher, un propriétaire terrien à la générosité providentielle qui débarque un matin dans leur vie. Un curieux personnage, qui fait tout pour devenir un homme, un vrai, selon le vœu de son père.

Et Mama Red ? C’est une vieille vache à qui Sarah va beaucoup se confier. Une vache qui est avant tout une mère ; qui va briser sa clôture à s’en blesser le cou, parcourir plusieurs kilomètres en pleine nuit, afin de rejoindre son veau. Grâce à Mama Red, la jeune femme va enfin comprendre ce qu’est l’essence d’une mère.

Ce roman, c’est aussi le destin de LC Dobbins, inscrit au concours de bétail par son père, un éleveur de renom prêt à tout pour gagner et qui ne cesse de vouloir faire de son fils un homme, un vrai. Qui lui farci la tête avec les valeurs viriles et la chasse… LC est élevé à la dure, les claques sont quotidiennes et la douceur, la tendresse n’ont pas lieu d’être.

Le premier roman de Bren McClain est écrit avec simplicité et justesse ; il aurait pu verser dans le mélo ou la miévrerie, mais non. Il à réussi à me prendre aux tripes, véritablement. Un roman étonnant qui m’a tour à tour émue et révoltée. Mama Red ne nous épargne pas et nous délivre de belles réflexions sur la bienveillance, l’attachement maternel, la maternité – mais aussi la paternité, la violence faite aux êtres humains mais aussi aux animaux. Enfin, c’est surtout un roman sur la résilience.

Lecture dévorée dans le cadre du #PicaboRiverBookClub ❤

Laure Limongi – On ne peut pas tenir la mer entre ses mains ***

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Grasset – 28 août 2019 – 288 pages

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La narratrice a quitté son île natale – la Corse – à la suite d’un deuil. Elle y revient sept ans plus tard, le cœur lourd, sans savoir si cela la rend heureuse ou non. Elle retrouve son passé. Elle se souvient de sa maison d’enfance ; la villa de Bastia, L’Alcyon – L’alcyon qui est un oiseau fabuleux nichant sur les flots de la mer et couvant ses œufs pendant sept jours. Elle décrit la maison familiale ainsi : « Un grand escalier de marbre tel un système sympathique reliant la folie de l’étage à la digestion difficile du rez-de-chaussée. Quatre générations écorchées. Un secret qui rampe, de la cave au grenier. »

C’est à L’Alcyon que la petite Huma va naître, quatrième génération d’une famille singulière : la mère vaporeuse, Alice ; la grand-mère Marie qui se fait appeler May car ça fait plus jeune ; et l’arrière-grand-mère Madeleine, l’ogresse bienfaisante. Une famille qui semble porter le fardeau d’une étrange mélancolie teintée de rancœur.

Huma, quel drôle de prénom. Nous sommes à la fin des années 70 et personne ne comprend ce choix de prénom. Mais sa mère l’a rêvé. Ce prénom est sorti de la bouche d’un corbeau. Huma, « ma petite fumée aspirée, mon esprit subtil sur les steppes, les déserts, les forêts. » Une petite fille modèle, qui aime les cloportes. Qui trouve très tôt un refuge dans la lecture – refuge contre le monde, contre cette grand-mère tyrannique et cette mère passive.

Peu à peu, l’écriture nous apprend que l’Alcyon héberge un secret

Il est rare qu’une écriture vous saisisse de cette façon, dès les premiers instants de lecture… Dès les premiers mots, je suis captivée et captive de l’écriture de Laure Limongi. Elle a une façon de décrire certaines scènes, on s’y croirait. Comme cette nuit d’orage où l’électricité est coupée et où, alors que le père raconte une histoire de fantômes, ils entendent des pas lourds au-dessus d’eux… Une écriture au fort caractère, tranchante et juste. On se croirait en Corse, dans un petit village auquel on accède par ces fameuses routes sinueuses. Certains passages sont terriblement évocateurs ; comme la fuite de Lavì et Alice, leur errance de village en village dans les montagnes corses, juste avant la naissance de Huma.

On ne peut pas tenir la mer entre ses mains ; est-ce la Méditerranée ou la mère dont il est question dans le titre ? Quoi qu’il en soit, Laure Limongi nous livre un très beau roman sur la famille et les secrets qui s’y blottissent, les racines et la Corse, qui semble naviguer entre fiction et autofiction.

Rocco Giudice – Mangoustan **

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Allary éditions – 22 août 2019 – 240 pages

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Dans ce court roman, nous suivons le destin de trois femmes.

~ Celui de Laure, à Singapour. Après trente ans de vie commune et deux enfants, son mari la quitte pour leur femme de ménage. Laure a la cinquantaine bien entamée et ne s’attendait pas à un tel coup du sort. Elle se retrouve seule à l’autre bout du monde, le cœur brisé, humiliée.

~ Celui d’Irina, à Genève. Mariée à un homme de bonne famille, de vingt ans son aîné, la jeune femme d’origine ukrainienne ne cesse de vouloir toujours plus ; toujours plus d’argent, de pouvoir. Sa relation se trouve ternie par son désir obsessionnel de revanche sur la vie… Elle ne parvient pas à accepter son enfance rustre et pauvre à Kiev ; cette enfance qu’elle enfouie, qu’elle renie, et dont elle a profondément honte.

~ Enfin, le destin de Melania à Washington. Melania, la femme de Trump. La femme de cette aberration. First Lady contre son gré, elle multiplie les signes d’opposition à son mari grâce à un code vestimentaire très élaboré.

Mais quels liens unissent ces trois femmes ? Chacune a un parcours de vie différent mais elles subissent ou ont subi la domination masculine, elles ont eu des rêves, des illusions, puis ont renoncé aux premiers et perdu les dernières.

Elles vont se retrouver toutes les trois à Hong Kong un weekend de septembre ; pile au moment où le typhon répondant au nom de Mangoustan – du nom d’un savoureux fruit thaïlandais – s’apprête à s’abattre sur la ville.

Un roman qui se lit avec plaisir, mais qui m’a semblé un peu léger ; en effet, j’ai eu l’impression que ces trois portraits de femmes n’étaient qu’esquissés. J’ai été frustrée d’en apprendre au fond si peu sur chacune d’elles. Quant à l’utilisation d’une personnalité réelle, cela m’a quelque peu déroutée et agacée, ne connaissant pas la vie personnelle et publique de Melania, je n’ai pas su sur quel pied danser – réalité ou imagination ? Finalement, Mangoustan est un premier roman à l’écriture travaillée qui propose un questionnement féminin intéressant.

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« Louloute, tu comprendras bientôt que la vie, faut pas la laisser couler. Il faut la secouer, la violenter, lui faire rendre tout son jus. Il fait désirer, aimer, chanter, lire, danser, manger, t’enivrer, rire, pleurer même, mais il ne faut pas la regarder passer et ceci justement parce quelle passe. »

Marie-Aude Murail – En nous beaucoup d’hommes respirent ****

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Éditeur : L’Iconoclaste – Date de parution : 29 août 2018 – 440 pages

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Derrière cette sublime couverture dentelée se cache l’histoire de la famille de Marie-Aude Murail. Une histoire qui commence avec la rencontre de Raoul et Cécile – alias Moussia – ses grands-parents maternels.

C’est en vidant la maison de ses parents que la romancière tombe sur une véritable boîte aux trésors : des paquets de lettres, des mèches de cheveux, des photos, des images pieuses et des menus de mariage se mêlent aux journaux intimes. A partir de ces trésors, Marie-Aude déroule l’histoire de sa famille. Au fur et à mesure que les paquets de lettres sont déficelés et et les journaux dépouillés, une histoire sur trois générations se dessine, de la Grande Guerre aux années 2000. Trois générations pour trois histoires d’amour…

« C’est l’écriture manuscrite qui m’a attirée, car elle retient la chair et le sang ».

Au fil des chapitres, l’auteure écrit à partir des archives familiales, jusqu’au dernier chapitre qui s’ouvre sur un dialogue avec la jeune femme qu’elle était à dix-huit ans… Le récit de Marie-Aude Murail est enrichi de fragments de lettres manuscrites et de photos – afin de garantir une immersion complète.

La romancière en profite pour évoquer le statut d’écrivain, la vocation d’artiste, notamment à travers la figure de son père mais plus largement à travers sa fascinante famille d’artistes : des frères et sœurs écrivains et compositeur de musique, dans le droit chemin du grand-père Raoul Barrois.

Marie-Aude Murail développe une réflexion sur l’écriture et l’inspiration – qui pour elle, se nourrit de ses lectures : « En moi beaucoup d’écrivains respirent. » Sa passion pour l’écriture naît dès les premières années. Quand elle était enfant, elle pouvait passer des heures dans son lit, à fantasmer et imaginer. Ses personnages, elle les créaient déjà. Ses récits de jeunesse, elle les faisait illustrer par sa sœur Elvire.

En nous beaucoup d’hommes respirent est un livre foisonnant & enrichissant sur de nombreux points. A côté de l’écrivain jeunesse talentueux et prolixe, se tient une femme qui cherche sa place dans la lignée féminine en tant que femme, mère et épouse. Devant nos yeux se dessine une fresque familiale incroyable ; elle se dévore à la façon d’un roman. Une auteure dont j’aime définitivement la façon de s’exprimer, les mots qu’elle choisit, le personnage qu’elle est et qu’elle incarne.

Bref, vous l’aurez compris, ce livre est un concentré d’émotions brutes, c’est un coup de cœur, un petit chef-d’oeuvre qui m’a conquise. ❤

Et je vous donne rendez-vous sur mon Instagram pour un concours en partenariat avec les éditions de l’Iconoclaste : il s’agit de remporter un exemplaire de cette merveille !!

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« Je ne sais pas vivre sans joie. »

« Maman pensait que les joies que procure l’amour s’accompagnent nécessairement de ce qu’elle appelait La Facture, du titre d’une pièce de Françoise Dorin. La facture, c’est la peur quotidienne de perdre ceux qu’on aime, soit qu’ils meurent, soit qu’ils trahissent. »

« Je veux savoir toute ma vie dire non à la contrainte, à la facilité, à la vulgarité, à la routine, à l’embrigadement, à la dépoétisation de la vie quotidienne. Non à l’habitude de vivre. Oui au changement, à la création continuelle, au paradoxe. »

Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit, Douwe Draaisma.

Jean-Baptiste Andrea – Ma Reine ****

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Éditeur : L’Iconoclaste – Date de parution : août 2017 – 221 pages

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L’été 1965 s’installe dans la Vallée de l’Asse, en Provence. Shell a douze ans et des parents rabat-joie qui tiennent la station service du coin. Shell n’est pas un enfant comme les autres ; solitaire et retardé, il ne va plus à l’école. Le médecin dit que son cerveau a cessé de grandir. Shell sait juste qu’il a beaucoup de larmes, que le temps qui passe est incompréhensible et que les lettres se mettent à danser devant ses yeux lorsqu’il tente de lire.

Un jour, il décide de partir à la guerre, pour prouver à tous qu’il est un homme, un vrai. Il se retrouve sur le plateau qui surplombe la Vallée et nulle guerre à l’horizon. Seulement une fille – Viviane – aux yeux plein de colère et aux mèches blondes ensauvagées. Viviane devient sa Reine ; pour la garder auprès de lui, Shell est prêt à toutes les folies qu’elle lui propose. Par le jeu et les mots de sa Reine, la réalité se métamorphose, l’impossible devient possible, le merveilleux remplace un réel souvent cruel et décevant.

Un conte aux éclats d’enfance, dont la langue poétique et lancinante m’a émue aux larmes. Je me suis attachée à Shell – simple d’esprit et grand sensible – et à Viviane, cette enfant brisée. Pour reprendre les mots de la quatrième de couverture, ce livre est « une ode à la liberté, à l’imaginaire et à la différence ».

Un roman puissant que je ne suis pas prête d’oublier – ❤

De nombreux billets sur la blogosphère, dont ceux de Lilylit & Fanny.

La page Facebook du roman.

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« Mais j’avais une reine, je savais déjà que je ferais tout pour elle, pas parce que j’avais juré mais parce que j’en avais envie, et j’ai pensé que c’était peut-être ça, être un héros : faire des choses qu’on n’est pas obligé de faire. »

« J’ai allumé assez de bougies pour chasser la nuit du plateau entier. J’avais mille ans, j’étais vieux comme les pierres et les petites flammes brillaient partout, il n’y avait pas assez de place dans l’univers pour les faire tenir. Je les ai toutes soufflées et la nuit est revenue. »

Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

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La rentrée littéraire approche à grands pas… Et je viens de m’inscrire au challenge 1% Rentrée littéraire de 2015, inauguré par Sophie, du blog Délivrer des livres. J’y participe pour la première fois, mais je le suis depuis quelques années de loin.

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589 livres à paraître entre mi-août et mi-octobre 2015 pour cette nouvelle rentrée littéraire.

Il s’agit pour réussir ce challenge, comme pour les précédentes éditions, de lire 1% des livres de cette rentrée littéraire, soit 6 livres !

Je vais donc tenter d’atteindre ces 1%, voire de les dépasser, pourquoi pas! Il y a pas mal de bouquins qui me tentent cette année…

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Le challenge se terminera le  31 juillet 2016.

 * Si vous souhaitez participer à ce challenge, rendez-vous chez Délivrer des Livres *