Ian Manook – Heimaey ***

Le Livre de Poche – 2019 – 576 pages

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Pour renouer avec elle, Soulniz propose à sa fille Beckie de lui faire découvrir l’Islande et ses merveilles, 40 ans après l’avoir lui-même découverte. Beckie a dix-huit ans et depuis la mort de sa mère, elle s’éloigne de son père. Soulniz a l’impression de la perdre ; il est donc prêt à tout pour sauver leur relation.

Mais les retrouvailles se trouvent vite ternies par l’atmosphère de leur voyage … Ces mots anonymes déposés sur leur pare-brise. Cet homme étrange qui semble être toujours au mêmes endroits qu’eux. Cette voiture qui semble les suivre.

Heimaey est un polar prodigieusement dépaysant qui se dévore ! Suspense et immersion islandaise sont au rendez-vous. Le contraste entre la splendeur de l’Islande – sa nature à couper le souffle – et l’horreur de l’intrigue est saisissant. Un thriller talentueux et très addictif porté par une belle écriture terriblement efficace.

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Romain Puértolas – La Police des fleurs, des arbres et des forêts ****

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Le Livre de Poche – juin 2020 – 320 pages

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Été 1961. Il fait une chaleur à crever dans le petit village perdu de P.. On a retrouvé le corps du jeune Joël, seize ans, égorgé et découpé en petits morceaux à l’aide d’une scie à métaux. Les morceaux ont été placés dans huit grands sacs des Galeries Lafayette et remisés dans une des cuves de l’usine de confiture. Dans ce village de rase campagne où il ne se passe jamais rien, c’est le branle-bas de combat ! Un des flics les plus brillants de la grande ville est dépêché rapidement sur place pour résoudre l’affaire.

Le jeune inspecteur citadin rencontre le garde champêtre, un drôle de personnage aux allures de gendarme de Guignol… Et il découvre un maire qui ne parle que de ses pots de confiture et des villageois apathiques et étrangement peu affectés par ce drame sanglant. Tous s’accordent pour dire que Joël était un brave gars très gentil. Très vite, les complications pleuvent : un orage a coupé toute liaison téléphonique, l’autopsie a été réalisée par le vétérinaire du coin et le cadavre est déjà enterré.

Dès les premières pages, le ton est donné. C’est cocasse et absurde. Le mystère imbibe les pages. Comme je me suis régalée de bout en bout à la lecture de ce drôle de polar sous forme de missives envoyées par l’officier de police à la Procureur de la République. S’y ajoute la retranscription de ses enregistrements audio ainsi que ses notes personnelles prises sur n’importe quel bout de papier.

Ça se déguste avec un plaisir incontestable. Humour exquis et intrigue bluffante. Je n’ai absolument pas vu venir la fin ! Je me suis faite complètement berner par l’auteur. La police des fleurs, des arbres et des forêts est un polar épistolaire original et truculent que j’ai lu d’une traite.

Camilla Grebe – Un cri sous la glace **

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Le Livre de Poche – 2018 – 502 pages

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Jespere Orre, PDG controversé et mal-aimé d’une célèbre chaîne de prêt-à-porter scandinave, demande en mariage Emma, l’employée d’une de ses boutiques. La jeune femme est obligée de garder ses fiançailles secrètes jusqu’au jour J…

Deux mois plus tard, le corps atrocement mutilé d’une femme est découvert dans la maison de Jesper Orre. En découvrant la scène de crime, Peter et son collègue enquêteur ne peuvent s’empêcher de penser à un crime similaire qui a eu lieu il y a dix ans et qui ne fut jamais élucidé. Ils reprennent contact avec Hanne, une profileuse avec qui Peter a rompu il y a dix ans et qu’il n’a plus jamais revue… Hanne qui tient à tout prix à dissimuler sa maladie.

Au fil des chapitres, les voix de Peter et d’Hanne retentissent, ainsi que celle d’Emma, deux mois plus tôt…

Un thriller qui se révèle vite addictif, que je dévore au début sans trop savoir où je vais. L’écriture de Camilla Grebe est efficace ; l’alternance des points de vue et des temporalités est cohérente.

Hélas, dès la page 389 je devine sans difficultés le dénouement final. Je termine donc ce thriller sans surprise et déçue, avec une fin bien trop convenue et prévisible. Dommage !

Patrice Gain – Terres fauves ***

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Le Livre de Poche – janvier 2020 – 248 pages

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L’écrivain new-yorkais David McCae est en train d’écrire les Mémoires du gouverneur de l’État de New York. Le ghost-writer n’a pas vraiment la tête à ça, d’autant que son mariage avec Louise est en train de battre de l’aile. Son éditeur ne cesse de lui mettre la pression tandis que le gouverneur désire ajouter un nouveau chapitre à ses Mémoires… David doit s’envoler pour l’Alaska afin de rencontrer Dick Carlson, un personnage énigmatique, alpiniste de haute renommée, très populaire auprès du peuple américain et ami proche du gouverneur.

Il a pour mission de recueillir ses confidences, sauf que le personnage est porté sur le wiskey, mégalomane et aussi aimable qu’un mur« ses airs de vieux mercenaire suffisant et versatile ». Mais quand il boit, il se révèle étonnamment bavard. Trop bavard

David tire la gueule, loin de New York, perdu en plein Alaska, il doit faire face à un vieux grincheux et à l’hostilité des éléments naturels, lui qui ne jure que par la ville.

Cerise sur le gâteau, Dick Carlson lui demande de l’accompagner dans son lodge perdu en pleine nature, à Ravencroft… Après les confidences alcoolisées de l’alpiniste, David s’y retrouver abandonné. Il va devoir apprendre à survivre ; survivre au froid, à la solitude, aux ours qui rôdent dans la forêt…

Le roman de Patrice Gain est machiavélique. On tourne les pages de ce thriller avec frénésie, suspendus à l’écriture. C’est captivant, mais aussi terrifiant de comprendre l’engrenage dans lequel le personnage se retrouve. De ce voyage en terres fauves, David n’en sortira pas indemne. Une lecture authentique et sauvage, à la plume efficace, dont je me suis délectée.

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« De grands corbeaux. Pas de ces corvidés des plaines de l’est deux fois moins épais. Le soir, quand la lumière se faisait plus rare, ils s’aventuraient sur le rebord de la fenêtre et frappaient les carreaux de leur bec puissant jusqu’à se blesser. C’était terrible de voir le reflet de leurs yeux fous dans la vitre ébranlée par les coups. »

Ron Rash – Un silence brutal ***

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Gallimard – 21 mars 2019 – 272 pages

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L’intrigue de ce nouveau roman de Ron Rash que j’attendais tant se déroule dans un petit coin des Appalaches, entre rivière et montagnes, une région chère à l’auteur, que l’on retrouve déjà dans Un pied au paradis.

Les est un shérif à trois semaines de la retraite. Adepte de méthodes peu orthodoxes pour régler certains conflits, il entretient une relation à la fois complexe et complice avec Becky, poétesse éprise de la nature et directrice du Locust Creek Park. Aux yeux des autres, elle apparaît bizarre, ne se déplaçant qu’à vélo, n’ayant ni télévision ni téléphone… Engagée dans la protection de la nature de façon quasi obsessionnelle, Becky demeure traumatisée par la fusillade qui eût lieu dans son école quand elle était enfant.

Les et Becky vont prendre tous les deux la défense d’un vieux paysan esseulé, Gerald Blackwelder, un vieil homme au palpitant fragile, profondément attaché à ses terres, accusé de braconner du poisson sur le domaine du relais de pêche Tucker.

Les deux personnages prennent la parole à tour de rôle dans ce roman aux accents de polar, sombre et poétique, qui dépeint avec sensibilité et justesse un monde ravagé par la misère et la meth, un monde déchiré entre la nature et ses impitoyables exploitants. Décidément, Ron Rash est un de mes auteurs américains préférés, il me tarde de le rencontrer demain chez Gallimard…

Paula Hawkins – La Fille du train ***

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Editeur : Pocket – Date de parution : septembre 2016 – 456 pages

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Je tiens encore à remercier Camilla, du blog Lectures Gourmandes, pour cette belle réception ! En effet, j’ai gagné ce livre grâce au concours qu’elle avait organisé sur son blog. Quelques jours plus tard, je recevais mon précieux ! Et je me suis littéralement jeté dessus, d’habitude j’attends toujours un peu après avoir acheté ou reçu un livre, mais là je n’ai pu résister.

Chaque matin, Rachel prend le train qui relie Ashbury à Londres. Chaque soir, elle prend le train du retour. Le train s’arrête toujours au feu rouge au même endroit et Rachel ne peut s’empêcher d’observer le couple qui vit dans un des lotissements visibles depuis la fenêtre du train, une belle maison victorienne. Elle les a baptisés Jason et Jess, leur a inventé un métier et une vie. Tous les matins, Rachel les voit s’activer et semble se projeter énormément en eux. Leur vie en apparence parfaite et idéale lui rappelle sa vie avec Tom, le mari qui l’a trompée et quittée pour une autre, après cinq ans de vie commune. On perçoit la solitude de la narratrice, dont l’imagination semble débordante. Rachel a tendance à boire souvent le soir, seule, sans parvenir à oublier son ex-mari. Lorsqu’un matin elle aperçoit Jess avec un autre homme, l’illusion parfaite se brise.

J’ai trouvé la quatrième de couverture bien trop bavarde, et elle peut induire en erreur le lecteur ; en effet tout au long du roman, ce n’est pas une seule voix de femme que nous entendons, mais trois voix de femmes différentes. De fait, le récit alterne les voix de Rachel, Megan et Anna.

Très vite l’intrigue me rappelle le roman de Gillian Flynn, Les Apparences. C’est un roman qui joue sur les apparences, la perfection qui n’est qu’apparente, l’extériorité. Mais je n’en dirai pas plus, afin de ne rien révéler de plus… La Fille du train est un page turner terriblement efficace, au suspens haletant. Une fois qu’on en a commencé la lecture, on a du mal à s’arrêter, et en ce sens, les conditions sont remplies, ce polar est un vrai plaisir de lecture et j’ai aimé les descriptions psychologiques assez fouillées des personnages féminins et masculins. Dans ce roman policier, on a plutôt affaire à une anti-héroïne, alcoolique, mal dans sa peau, divorcée…  Rien de très glamour, et pourtant on finit par éprouver de l’empathie pour Rachel.

Le seul petit bémol pour cette lecture : je me suis doutée de la fin à peu près 80 pages avant le dénouement… Mais pour autant, cela n’a pas gâché ma lecture. Il ne me reste plus qu’à voir ce que nous réserve l’adaptation cinématographique.

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« La tête appuyée contre la vitre du train, je regarde défiler ces maisons, comme un travelling au cinéma. J’ai une perspective unique sur elles, ; mêmes leurs habitants ne doivent jamais les voir sous cet angle. Deux fois par jour, je bénéficie d’une fenêtre sur d’autres vies, l’espace d’un instant. Il y a quelque chose de réconfortant à observer des inconnus à l’abri, chez eux. »