Laurine Roux – Le Sanctuaire ***

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Les éditions du Sonneur – août 2020 – 160 pages

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Le Sanctuaire, c’est cette zone montagneuse et isolée du reste du monde où s’est réfugiée la petite famille de Gemma pour échapper à un mystérieux virus qui aurait été transmis par les oiseaux et qui aurait exterminé une bonne partie de l’humanité.

Gemma, la plus jeune des deux sœurs, est une enfant devenue chasseuse de génie, qui ne sort jamais sans son arc. Si elle connaît le moindre recoin du Sanctuaire, du monde avant la pandémie elle ne connaît en revanche que les récits de ses parents et de sa sœur June.

Leur mère est souvent plongée dans ses souvenirs du monde d’avant la pandémie, ses livres et ses récits mythologiques. Leur père est un être tyrannique qui dispense une éducation à la dure, pour permettre à ses filles de survivre dans ce monde où l’ennemi prend n’importe quelle forme, et surtout celle des oiseaux…

Un jour que Gemma s’aventure seule un peu plus loin dans la forêt, elle tombe sur un vieil homme sauvage et virulent qui vit entouré de crasse et de rapaces. Parmi eux, un aigle avec lequel l’enfant va nouer des liens spéciaux ; à son contact, elle se sent étrangement vivante. Cette vérité nouvelle percute de plein fouet celle de son père qui lui a toujours appris à maudire et abattre les oiseaux. Peu à peu, le désir de transgression la taraude et le désir de goûter à la liberté s’empare d’elle.

Dès les premières lignes, l’écriture de Laurine Roux m’a embarquée au coeur de ce monde post-apocalyptique ; le charme des mots a opéré. Le Sanctuaire est un très joli roman, sauvage et poétiquenature et poésie sont omniprésentes. 

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Dan O’Brien – Rites d’automne ***

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Editions 10-18 – 1993 – 224 pages

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Dan O’Brien est spécialiste des espèces en voie de disparition. Dans les années 80, il s’occupe de la réinsertion de faucons pèlerins dans les Rocheuses. Après l’échec de la remise en liberté de quatre faucons, Dan rentre tout penaud avec un seul faucon auquel il finit par s’attacher plus que de raison.

Ce faucon privé d’apprentissage naturel l’émeut et il éprouve le besoin de lui donner malgré tout sa chance. Il était censé entamer la migration hivernale propre à son espèce… Alors Dan entreprend ce voyage migratoire avec l’oiseau au regard perçant qu’il a surnommé Dolly. De la frontière canadienne au golfe du Mexique, imitant ainsi le trajet des faucons sauvages.

Ce récit est un voyage inoubliable à travers le grand Ouest américain et un hommage vibrant à la beauté sauvage des faucons pèlerins. L’auteur nous offre des descriptions de paysages à couper le souffle.

Dan O’Brien convoque Yeats et Crazy Horse – figure incontournable de la liberté absolue – et nous délivre un texte sublime sur la liberté, établissant un parallèle entre le faucon et les Sioux. Une très belle lecture, ensauvagée et poétique.

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« Le pèlerin exerce un pouvoir sur l’imagination de l’homme parce qu’il est source d’inspiration. C’est un oiseau magnifique, d’une beauté discrète.les adultes ont le dos recouvert de minuscules plumes bleu-noir, qui ont toutes leur dégradé de couleur particulier, et un large poitrail d’un blanc saumoné, piqueté de taches sombres. »

« Si les yeux sont le miroir de l’âme, l’âme du pèlerin doit être impénétrable et majestueuse. Il y a des rivières impétueuses dans ces yeux là, des montagnes, des océans, et aussi la hâte et la volonté d’englober tous ces éléments dans la sphère d’influence du pèlerin. »

Marie Pavlenko – Un si petit oiseau ****

Chronique à venir ! Le 2 janvier, pour sa parution en librairie

Flammarion – 2 janvier 2019 – 400 pages

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Le nouveau roman de Marie Pavlenko s’ouvre sur l’accident de voiture d’Abigael et de sa mère. L’adolescente y perdra un bras et une main. Elle vit désormais avec une prothèse – qu’elle ne met pas toujours – et un avenir incertain, obscur. « Elle flotte dans un présent trop grand pour elle. » 

Abi cherche en vain la personne qui ne perdra pas son sourire en voyant sa prothèse ou sa manche vide, en comprenant sa réalité. Sa famille déménage, change de quartier. Histoire de ne pas avoir à affronter les regards, les questions… Abi coupe les ponts avec ses amis, ses amours. Il n’y a que sa tante Coline – et son franc parler – qu’elle laisse l’appeler sa « croquette manchote ». Jour après jour, l’adolescente tente d’accepter cette nouvelle réalité, d’apprivoiser sa douleur et sa perte.

« C’est comme si avant, à l’intérieur, j’avais une grande forêt, pleine d’oiseaux et de promesses. Elle a disparu, Coline, tu comprends? C’est comme ça. À la place, il y a des herbes jaunes, des mares sans eau, du silence et de la terre craquelée. »

Et puis un matin, Abi reçoit un colis. Un livre : La Main coupée, de Blaise Cendrars. Aucune mention d’expéditeur, elle ne sait pas qui lui envoie ce livre si bien choisi. Dans le même temps, Coline lui offre Yoru, un chaton de trois mois. Et elle retrouve Aurèle, son amoureux de l’école primaire… ensemble ils vont rire, observer la nature et les oiseaux…

Une lecture dévorée avec délectation et un beau roman sur le handicap écrit sans le moindre pathos mais avec une bonne dose d’humour. Marie Pavlenko a un talent fou pour mêler humour et émotion. J’ai ri. J’ai pleuré. Les mots de la romancière m’ont fait chavirer, et même décoller.

Un si petit oiseau est une belle pépite, au même titre que Je suis ton soleil. On y retrouve le même attachement pour des personnages sincères et vrais ; le même humour subtilement ravageur. Et la présence précieuse de la littérature, toujours – comme un baume souverain. Abi ne se laisse pas abattre, elle s’accroche à la vie et à l’espoir ; c’est une belle personne qui va puiser sa force dans la nature et la littérature. ❤

Aimée de Jongh – Le Retour de la bondrée ***

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Éditeur : Dargaud – Date de parution : janvier 2016 – 160 pages

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Simon Antonisse est libraire. Mais en ces temps de crise, la librairie qu’il tient avec sa femme, et qu’il a hérité de son père, prend l’eau ; il est poussé à mettre la clé sous la porte et à fermer boutique, mais il ne parvient pas à s’y résoudre. Au cours d’un trajet en voiture, il est témoin d’un suicide sur la voie ferrée… Ce suicide le traumatise et fait resurgir des souvenirs de son passé, et notamment de son adolescence, marquée par une tragédie. En vidant peu à peu la réserve de livres située dans la cabane de son père, il tombe sur Le Guide des oiseau, un livre qu’il lisait à l’époque, quand il désirait devenir ornithologue.

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Les bulles alternent le temps présent et la résurgence du passé. Assailli par ces images du passé, Simon fait la rencontre d’une jeune femme qui va l’aider peu à peu à sortir la tête de l’eau et devenir pour lui un échappatoire au quotidien.

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La bondrée, c’est cet oiseau qui survit en repartant de zéro, métaphore du renouveau.

Un roman graphique néerlandais d’une profonde justesse et d’une grande sensibilité, dont les dessins m’ont tout de suite touchée. Épurés, ciselés, en noir et blanc. Il s’en dégage une émotion brute. Un petit bijou, où l’espoir, malgré la noirceur, est toujours présent, que je vous invite à découvrir de toute urgence.

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