Jesmyn Ward – Le Chant des revenants ***

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Belfond – 2019 – 272 pages

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En plein coeur du Mississippi, Jojo a treize ans et c’est déjà un vrai petit homme ; il a grandi trop vite. Sa mère, ça fait un moment qu’il l’appelle par son prénom, Léonie. Léonie qui fuit la réalité trop sombre dans le crack. Léonie qui n’est jamais là. Léonie est une femme fragile qui demeure poursuivie par le fantôme de son frère, Given – « le fils arrivé trop tard et parti trop tôt ». Son père, Michael, purge une peine de prison – cela fait des années qu’il ne l’a pas vu.

Avec Kayla, sa petite sœur de trois ans dont il s’occupe à la façon d’un père/une mère plus que d’un frère, ils vivent chez Papy et Mamie, les parents de Léonie. Mamie a un cancer, elle ne quitte plus son lit depuis des mois. Quant à Papy, son coeur abrite un bien triste secret. Bribe par bribe, il va le révéler à Jojo, lui chargeant les épaules de ce sombre fardeau.

Ce qu’il faut savoir, c’est que Jojo et Kayla sont nés de l’amour d’un Blanc et d’une Noire. Chose que la famille de Michael n’a jamais digéré. Voilà pourquoi l’autre grand-père de Jojo, Big Joseph, n’a jamais voulu entendre parler d’eux.

Le jour où Léonie apprend que Michael sort de prison, elle décide de prendre la route avec Jojo, Kayla et sa meilleure amie ; direction le pénitencier d’état, où les attendent aussi le fantôme d’un prisonnier, un adolescent noir qui a une bien sombre histoire à leur révéler ; une histoire d’héritage, de violence, de paternité et de filiation.

Le Chant des revenants est un beau roman choral où les fantômes du passé sont bien décidés à hanter les vivants, et où l’ombre de Parchman plane sur les esprits. La langue de Jesmyn Ward se déploie au fil des pages à la façon d’une lente mélopée, dans laquelle les voix des vivants et des morts s’entremêlent pour survivre.

En lecture commune avec Ennalit qui l’a lu en VO.

 

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Brad Watson – Miss Jane **

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Éditeur : Grasset – Date de parution : septembre 2018 – 384 pages

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(Je n’ai pas pu m’empêcher d’afficher la couverture de la version originale du roman, tellement je la trouve sublime…)

Jane Chisolm vient au monde en 1915, dans une petite ferme du Mississippi. Le docteur Thompson, qui assiste à sa naissance, se rend compte qu’elle a une malformation. Malgré tout, cette belle enfant blonde aux yeux bleus, d’un caractère enjoué et insouciant, va survivre et grandir, toujours dans les jupes de sa sœur Grace, sa mère ayant besoin de temps pour souffler.

C’est vers l’âge de six ans que Jane se rend compte qu’elle est différente des autres. Elle a besoin de couches, et ne peut se retenir quand une envie pressante survient. L’enfant vagabonde et crapahute dans les bois et les pâturages alentours, suit les cours d’eau, aux côtés de son chien Manitou. Elle s’évade ainsi et semble oublier sa différence, pour un temps. Envers et contre tous, elle désire aller à l’école.

Un roman étrange et beau. Profondément triste aussi. Je ne saurais en fait pas comment le définir… J’ai aimé cette lecture, même si au fond, il ne s’y passe pas grand chose. Jane est cet oiseau, inaccessible, insaisissable, pour qui l’amour n’est pas possible et qui se résigne à la solitude.

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« À la fin du printemps, l’année de ses six ans, une conscience plus complexe d’être différente des autres avait commencé à se former dans son esprit, telle la racine d’une plante étrange au plus profond des bois. À certains moments, elle avait l’impression d’être une créature étrange et silencieuse m, un être invisible, davantage un fantôme qu’une personne, un enfant, une petite fille. »