Marie Reppelin – La Carte des confins ***

Pocket Jeunesse – 2021 – 456 pages

*

Blake est un pirate célèbre, tout jeune capitaine de L’Avalon… Il est à la recherche d’un compas marin magique qui lui permettrait de trouver la mystérieuse carte des Confins qui, une fois en sa possession, lui donnera accès à un monde fabuleux.

Lorsque nous faisons connaissance avec le pirate fougueux, il a rendez-vous avec un receleur qui doit lui vendre le fameux compas… Un receleur qui se trouve être une surprenante jeune femme à la chevelure flamboyante et au caractère bien trempé, avec laquelle il n’est pas si simple de négocier…

La rencontre entre Blake et Callie marque le début de ce roman très prometteur! Encore une fois, Mes Premières 68 me fait sortir de ma zone de confort avec ce roman mêlant piraterie, magie et aventure.

La Carte des Confins est un roman à deux voix ; les chapitres alternent les voix de Callie et de Blake. L’écriture est fluide et l’intrigue terriblement prenante! Les rebondissements sont nombreux, les dialogues savoureux, et l’humour souvent au rendez-vous. Je me suis rapidement attachée aux deux personnages principaux et je me suis régalée avec ce roman d’aventure.

Publicité

Marion Brunet – Vanda ***

Le Livre de Poche – mars 2021 – 224 pages

*

De Vanda, personne ne sait grand chose ; son passé demeure obscure. C’est une femme aux cheveux fous, aux tatouages hypnotiques, qui vit seule avec Noé son fils de six ans, dans un minuscule cabanon, au bord de la Méditerranée. Noé, alias Bulot, qui n’a jamais connu son père. Mère et fils vivent tous les deux en marge des autres, de la ville. Ils n’ont besoin de personne d’autre ; ils se suffisent à eux-mêmes.

« Toi et moi contre le reste du monde. »

Vanda est une vraie mère louve, sauvage, protectrice, possessive. Elle aime son fils à la folie. « Rien que son fils et elle, il n’y a que ça qui compte vraiment, au final. Son visage dans sa nuque, elle renifle son odeur comme une bête, se retient de le mordre. » Leur relation est fusionnelle.

Et puis un jour, Simon, le père de l’enfant, débarque dans leur vie après sept ans d’absence. Sept ans pendant lesquels il ne s’est jamais douté qu’il avait un fils. Le monde de Vanda s’apprête à voler en éclats.

Vanda m’a littéralement bouleversée. Cette femme éprise de liberté, solitaire, qui se fout du regard des autres, folle de son fils – prête à tout pour ne pas le perdre et dont la rage ne demande qu’à être libérée.

Marion Brunet nous offre à travers une écriture violemment poétique un saisissant portrait de femme et de mère ; quand la sphère intime se heurte à la violence de la société. L’émotion des dernières pages est intense.

Une lecture comme un uppercut, de laquelle je ne sors pas indemne.

***

« Vanda a admis très tôt qu’elle était seul, comme on est seule au jour de sa mort. Elle en a consommé la douleur jusqu’à en faire une identité, une armure. »

« Quand son fils est né, quand elle l’a reçu contre elle la première fois, ça a déchiré quelque chose, en dedans. Il était là et il n’avait qu’elle. Il va t’aimer toute sa vie, elle se répétait, et elle ne savait pas si c’était un bonheur ou une putain de malédiction. »

« Le coeur de Noé tremble jusqu’aux prémices d’un sanglot mais la peur est trop grave pour libérer de nouvelles larmes. Il est trop tôt. A moins que la seule défense possible soit l’envol, l’envolée d’un rire qui ne prend sa source dans aucune drôlerie, qui se suffit à soi-même, un rire qui s’écoute grelotter, racler, battre le bruit des vagues. Un rire qui ne tient pas la distance. Le même rire que celui de sa mère. Il a six ans, il va tout perdre. »

Sigrid Baffert – La Chose du MéHéHéHé ****

LA_CHOSE_MEHEHEHEHE_DP300-1.jpg

Editions MeMo – octobre 2019 – 84 pages

*

La Chose du MéHéHéHé, c’est le petit dernier de la collection Polynie… Et c’est tout simplement dé-so-pi-lant ! Je crois n’avoir jamais été déçue par cette collection.

Saï, Mo et Vish, trois pieuvres aventureuses, viennent de trouver une Chose bien étrange, qui flotte à la surface de la mer. Et pourtant, des choses bizarres, elles ont l’habitude d’en voir ; des choses qui tombent du ciel tous les quatre matins qui finissent par tapisser le fond de la mer. Des choses rondes, carrées, tordues, du plastique, des tiges… des crachats noirs déversés sur leurs têtes. Mais cette Chose-là est différente. Elle a des rayures rouges et blanches ; elle est dure comme un coquillage géant d’un côté et molle comme des algues brunes de l’autre. Et cerise sur le gâteau, cette Chose est aussi grosse que Krakenko, l’orque ogresse !!

20191008_213203

 

Un Tcha-kou-tcha d’urgence s’impose. Les pieuvres filent rassembler la communauté d’anémones albinos, oursins bicéphales, méduses mercureuses, poissons velus, crevettes bouffies, huîtres huppées, concombres de mer et autres créatures farfelues des fonds marins, afin de débattre du pourquoi du comment de cette Chose. Ils décident de consulter le Grand Bras-Ma… Et si cette Chose venait tout simplement du MéHéHéHé…?

20191008_213828

Les dessins de Jeanne Macaigne m’ont conquise : tout simplement sublimes, parfait contraste entre les bestioles colorées et l’obscurité des fonds marins – une très belle palette de couleurs. Les illustrations se marient à merveille avec l’écriture de Sigrid Baffert et nous propulsent immédiatement dans son univers déjanté et pétri d’un humour comme je les aime. J’ai aimé découvrir ce monde à travers les yeux d’une faune sous-marine attachante et insolite – et tous ces néologismes croustillants !

Ce petit roman est un concentré d’humour et d’imagination fertile. C’est désopilant et savoureux à souhait. Un roman jeunesse intelligent et engagé puisqu’il choisi d’aborder la question écologique en réinventant le point Nemo…

« Croyez-moi, qui dit humain quelque part, dit début des emmerdements. »

20191008_220707

Gaëlle Nohant – L’Ancre des rêves ***

9782253070788-001-T

Éditeur : Le Livre de poche – Date de parution : 2017 – 336 pages

*

Benoît, Lunaire, Guinoux et Samson. Quatre frères dont la mère – Enogat – leur a toujours interdit de s’approcher de la mer et qui, chaque nuit, font un cauchemar, toujours le même. Chaque frère se débat avec les tentacules de son propre cauchemar dès lors qu’il ferme les yeux pour la nuit.

Lunaire a le sentiment étrange que les personnages de son rêve existent ou ont existé… Pour en avoir le cœur net, l’adolescent va mener son enquête dans le plus grand secret et faire la connaissance d’Ardélia, une vieille femme qui va lui livrer son passé… Un passé empreint de bateaux, de marées, de marins qui partent et se font avaler par les océans.

Cette lecture nous transporte dans des contrées marines fascinantes ; elle me rappelle par moments l’ambiance du Grand Marin de Catherine Poulain. Il se dégage de ce roman une magie certaine, un charme magnétique et une ambiance qui nous fait frissonner.

Un roman somptueux qui dresse le portrait d’une famille singulière et nous raconte son histoire, hantée par les tragédies du passéUne famille pleine de fantômes. Gaëlle Nohant, dont je découvre pour la première fois la plume, nous parle de ces secrets enfouis qui défigurent une famille sur plusieurs générations, leur empreinte silencieusement violente sur l’enfance. « Les blessures et les tragédies pouvaient-elles se transmettre d’une branche à l’autre de l’arbre généalogique, à travers les rêves ? »

***

« Peut-être les rêves ressemblaient-ils à ces pelotes de réjections que les oiseaux de proie abandonnent dans leur nid en s’envolant, quelque chose que la nuit recrachait pour qu’on soit plus léger au lever du jour. »

Elena Ferrante – Poupée volée **

Poupee-volee

Éditeur : Folio – Date de parution : septembre 2017 – 208 pages

*

Leda quitte la ville pour passer des vacances en bord de mer. Se rendant chaque jour à la plage, elle observe les familles, les querelles et les discussions animées des uns et des autres. Nina et sa fille Lena captent particulièrement son attention. L’enfant passe son temps à jouer avec sa poupée, dont elle ne se sépare jamais.

Observer cette mère et sa fille, leur relation, renvoie Leda à son propre passé, sa propre relation à ses filles, à la façon d’un jeu de miroirs.

Un jour, Leda s’empare de la poupée de l’enfant, sans vraiment savoir pourquoi. Un geste insensé qu’elle ne s’explique pas, comme beaucoup de choses dans sa vie – ses accès de folie, de fureur, son comportement envers ses deux filles.

Un intriguant portrait de femme qui oscille entre raison et folie. Elena Ferrante analyse toujours avec brio la psychologie féminine, les relations entre une mère et sa fille, la maternité qui peut être vécue de façon très complexe. Il m’a cependant manqué un je ne sais quoi pour garder en mémoire ce roman sur le long terme.

Véronique Olmi – Cet été-là ***

9782246770114FS

Éditeur : Grasset – Date de parution : 2010 – 281 pages

*

On s’y croirait, sur cette plage de Normandie où se sont réunis trois couples d’amis pour fêter, comme chaque année, le 14 juillet. Delphine et Denis, qui comptent se croiser le moins possible. Marie, Nicolas et ses vieux démons. Lola et Samuel, son petit jeunot.

Une bande de quarantenaires qui vivent plus ou moins bien leur âge, entre la femme infidèle, la comédienne en mal de carrière, et la femme qui ne sort qu’avec des hommes trop jeunes pour elle…

Tout ce petit monde va être chamboulé par Dimitri, un adolescent très étrange qui s’immisce dans le groupe et semble tourner autour de Jeanne, la fille de Delphine. Il semble mentir sur beaucoup de choses. Est-il maladroit ou sournois ? « Ce visage ingrat autour duquel la lumière tremblait, et ces yeux noirs, comme deux incrustations brutales »

De cet adolescent à l’étrange laideur, qui a l’air perdu, chacun s’en fait une image différente… « Il portait le visage des enfants abandonnés et des inconnus dangereux, des voleurs d’adolescentes, et des grands frères offensifs. Il était ce que l’on craignait de lui et ce qu’on n’en pouvait définir, et ainsi imaginé et incompris, il prenait toute la place. » Les vieux démons de chacun resurgissent, accompagnés des remords et des rancunes. 

Une certaine attente s’installe, une tension latente, un abcès qui ne demande qu’à être crevé… Les tensions s’exacerbent entre certains personnages et les dialogues oscillent entre tendre moquerie et agressions mesquines. Par contraste avec les petits conflits humains, il y a l’élément marin, son appel, son rythme. La mer comme une présence à la fois réconfortante et implacable, cruelle.

Un roman très juste, des personnages touchants dans leurs imperfections. L’écriture de Véronique Olmi décrit avec justesse et précision les émotions et sensations. Une lecture forte qui n’a qu’un seul défaut : la couverture qui ne reflète pas du tout la profondeur de ce roman…

***

« Et alors elles l’entendirent. Le rythme puissant de la mer qui revenait, qui remontait les kilomètres en charriant son monde, s’accordant à la lune et aux lois de la terre, imperturbable et ponctuelle. »

« Il savait que la vie est pleine de derniers soirs, d’amours qui meurent, d’enfants qui grandissent tout seuls, et qu’aucun peintre jamais n’a pu capter l’exacte lumière d’un ciel orange. »

Alessandro Baricco – Océan mer ***

Océan mer

 

Éditeur : Folio – Date de parution : 2002 – 282 pages

*

En ouvrant ce roman, on fait la connaissance de personnages très curieux, tout droit sortis d’une imagination farfelue : Plasson, qui ne peint que des tableaux blancs, Dira, la drôle d’enfant très intelligente pour son âge, Elisewin et son étrange maladie, le père Pluche et ses prières, le professeur Bartleboom qui écrit un Encyclopédie des limites observables dans la nature avec un supplément consacré aux limites des facultés humaines, Ann Devéria et son désir irrépressible de vivre… Et puis il y a ces enfants qui vous inventent un rêve avant de dormir.

Ils séjournent tous à la pension Almayer, en face de la mer, balayée par le vent du nord, sur les terres de Carewall. L’atmosphère est assombrie par le naufrage d’un navire, l’Alliance, qui semble avoir eu lieu peu de temps avant la rencontre de tous ces personnages.

Le début de ce récit est très étrange, aucun indice de temps ne nous ai donné pour savoir à quelle époque nous sommes. Et l’écriture est pour le moins déroutante : des bouts de phrases, des alinéas incongrus, des passages en forme de dialogues de théâtre… On ne sait pas où l’auteur nous emmène, mais on va quelque part.

Comme le dernier roman que j’ai lu d’Alessandro Baricco, Trois fois dès l’aube, était un coup de cœur, je me suis laissée entraîner, à l’aveuglette. L’écriture elle belle, l’auteur n’a pas son pareil pour décrire la mer, c’est hypnotisant.

Finalement, c’est un roman énigmatique, charmant et absurde. Un véritable ovni littéraire, qui pourrait très certainement en dérouter – voire en agacer – plus d’un, mais qui m’a fait sourire et m’a plu. C’est à la fois un roman d’aventure, une réflexion poétique et philosophique, où la mer semble être le personnage central vers qui tous les êtres sont attirés, et qui les transforme à jamais.

Cette lecture est une folie douce ! 

Elle nous emporte on ne sait où, mais ça n’a aucune importance.

***

« Ce sont les désirs qui vous sauvent. Ils sont la seule chose vraie. »

« C’est le bord de la mer, père Pluche. Ni la terre ni la mer. Un endroit qui n’existe pas. »

« La première chose c’est mon nom, la seconde ces yeux, la troisième une pensée, la quatrième la nuit qui vient, la cinquième ces corps déchirés, la sixième c’est la faim, la septième l’horreur, la huitième les fantasmes de la folie, la neuvième est la chair et la dixième est un homme qui me regarde et ne me tue pas. »

« Peut-être que le monde est une blessure et quelqu’un en ce moment la recoud, avec ces deux corps qui s’emmêlent. »

« Rien ne pourra me prendre le souvenir de ces moments où j’étais, de tout mon être, tienne. »

 

Véronique Olmi – Bord de mer **

bord-de-mer-511920-250-400

Éditeur : Babel Actes Sud – Date de parution : 2003 – 128 pages

4ème de couverture : « Une femme offre à ses fils deux jours de vacances à la mer. Espérant fuir l’angoisse du quotidien, elle entre dans l’irrémédiable renoncement.
Elle vit seule avec ses deux petits et pour la première fois les emmène en vacances. Cette escapade doit être une fête, elle le veut, elle le dit, elle essaie de le dire.
Ensemble ils vont donc prendre le car. En pleine nuit, sous la pluie, faire le voyage. Mais les enfants sont inquiets : partir en pleine période scolaire, partir en pleine semaine, partir en hiver à la mer les dérange. Et se taire, et se taire, surtout ne pas pleurer, surtout ne pas se faire remarquer, emporter toutes ses affaires pour se rassurer, juste pour se rassurer, pour ne plus avoir peur de la nuit. Car demain tout ira bien, demain ils seront heureux. Au soleil, ils iront voir la mer… »

***

Bord de mer est un roman très dérangeant. Une mère célibataire part sur un coup de tête au bord de la mer avec ses deux enfants, elle leur fait manquer l’école pour passer deux jours à la mer. Ils partent au milieu de la nuit, comme des fugitifs. Les enfants n’ont jamais vu la mer, ne sont jamais partis en vacances. Mais cette escapade se révèle n’être qu’un prétexte, on le sent dès les premières pages. La tension grimpe au fil du texte. La fin est glaçante. Tout au long de ce bref roman, on se sent de plus en plus mal à l’aise, l’atmosphère est pesante, il pleut sans arrêt et le malaise grandit. Un roman très noir, mais saisissant, empreint de poésie, et porté par une belle écriture.

***

« Reviens ! J’étais un ordre, j’étais un cri, mais les vagues couvraient ma voix, cet océan on aurait dit une machine, ça faisait autant de boucan qu’à l’usine. »

« Le sommeil n’était plus un refuge, simplement un endroit. Un endroit où tout peut arriver, tout peut vous sauter dessus et vous descendez, vous descendez quelque part, profond, personne pour vous rattraper, juste une descente. »

« Dans les lumières blanches de la grande roue le ciel devenait tout pâle, je savais que tout autour c’était la nuit à des kilomètres à la ronde. Et le silence. Moi j’étais un petit point furieux avec du noir tout autour. J’étais une étoile vieille et toujours là. »