Carole Trébor – Jeanne, la fille du docteur Loiseau T1 : Le Cadeau de Kiki de Montparnasse ***

Albin Michel Jeunesse – 2021 – 219 pages

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Ce roman nous plonge dans le Paris des années 20. Et plus précisément en 1924, dans l’entre-deux guerres. Jeanne a douze ans ; elle vit avec ses trois frères et sœurs et son père, dans une maison située pas loin du quartier de Montparnasse qui a l’époque est en pleine effervescence littéraire et artistique, notamment avec la vague surréaliste.

Jeanne rêve de devenir médecin, comme son père. Elle adore le suivre quand il fait ses consultations à domicile. Son oncle Léon et sa tante Lucienne tiennent une pharmacie dans le quartier du petit Montrouge. Depuis deux nuits, l’oncle Léon ne dort plus : on lui a volé des médicaments. Mais aucune trace d’effraction n’est visible… Le mystère reste entier! Jeanne pense savoir par où le voleur s’est introduit. Mais elle n’en dit rien. Elle est bien déterminée à résoudre ce mystère toute seule.

Ce premier tome de la série des Jeanne Loiseau m’a profondément plu ! L’écriture est savoureuse et intelligente, émaillée de clins d’œil historiques à l’époque et à ses figures artistiques : Raymond Queneau, Jacques Prévert et Kiki de Montparnasse. J’aime d’autant plus que l’intrigue se déroule dans mon quartier, c’est drôle de voir les personnages y évoluer ; la rue des Plantes, l’Avenue du Maine, l’avenue Jean Moulin qui s’appelait alors l’Avenue de Châtillon, les Catacombes…

On s’attache à Jeanne, sa détermination, son courage pour aller à l’encontre des préjugés de l’époque ; son indignation quant à la place des femmes : pourquoi les femmes ne pourraient-elles par devenir de grandes scientifiques ? En 1920, les femmes représentent 14% des étudiants en médecine…

Un premier tome intelligent, vif et drôle, à mettre entre toutes les mains et sur les étagères de tous les CDI 😉

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Brad Watson – Miss Jane **

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Éditeur : Grasset – Date de parution : septembre 2018 – 384 pages

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(Je n’ai pas pu m’empêcher d’afficher la couverture de la version originale du roman, tellement je la trouve sublime…)

Jane Chisolm vient au monde en 1915, dans une petite ferme du Mississippi. Le docteur Thompson, qui assiste à sa naissance, se rend compte qu’elle a une malformation. Malgré tout, cette belle enfant blonde aux yeux bleus, d’un caractère enjoué et insouciant, va survivre et grandir, toujours dans les jupes de sa sœur Grace, sa mère ayant besoin de temps pour souffler.

C’est vers l’âge de six ans que Jane se rend compte qu’elle est différente des autres. Elle a besoin de couches, et ne peut se retenir quand une envie pressante survient. L’enfant vagabonde et crapahute dans les bois et les pâturages alentours, suit les cours d’eau, aux côtés de son chien Manitou. Elle s’évade ainsi et semble oublier sa différence, pour un temps. Envers et contre tous, elle désire aller à l’école.

Un roman étrange et beau. Profondément triste aussi. Je ne saurais en fait pas comment le définir… J’ai aimé cette lecture, même si au fond, il ne s’y passe pas grand chose. Jane est cet oiseau, inaccessible, insaisissable, pour qui l’amour n’est pas possible et qui se résigne à la solitude.

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« À la fin du printemps, l’année de ses six ans, une conscience plus complexe d’être différente des autres avait commencé à se former dans son esprit, telle la racine d’une plante étrange au plus profond des bois. À certains moments, elle avait l’impression d’être une créature étrange et silencieuse m, un être invisible, davantage un fantôme qu’une personne, un enfant, une petite fille. »

Shilpi Somaya Gowda – Un fils en or ****

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Éditeur : Folio – Date de parution : janvier 2017 – 544 pages

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Anil, originaire du petit village de Panchanagar, est un jeune homme indien qui s’apprête à partir aux Etats-Unis afin de poursuivre ses études de médecine au Texas, au Parkview Hospital. Il laisse derrière lui Leena, avec qui il a passé son enfance, à cause de ses études. A l’aube de quitter son pays, Anil n’a pourtant rien oublié de ses sentiments pour elle.

Lorsqu’ils étaient adolescents, la mère d’Anil ne voyait pas d’un bon œil qu’il fréquente cette jeune fille, issue d’une famille très modeste. Ma est donc soulagée lorsqu’il part au Texas, même si elle aurait préféré qu’il prenne la succession de son père, qui arbitre les conflits entre voisins, cousins, frères, époux. Sa sagesse et sa sagacité sont réputées dans tout le village et il place tous ses espoirs en son fils aîné pour reprendre son rôle auprès des villageois.

Le récit met en parallèle le destin de ces deux jeunes indiens, nés au même endroit, aux destinées pourtant si divergentes. Alors qu’au Texas Anil déchante face à la dureté du quotidien aux urgences et la mentalité raciste, de son côté, Leena se retrouve engagée dans un mariage arrangé avec un homme qu’elle n’a vu qu’une seule fois. Chacun va connaître la souffrance ; la réalité se mettant en travers de leurs rêves.

J’ai aimé cette plongée dans l’Inde, une Inde aux mille saveurs, mille parfums, où la pauvreté des intouchables côtoie les castes supérieures. Un pays aux multiples contradictions, fascinant mais cruel, avec ses rumeurs, ses jugements sur les apparences. Anil est un personnage très attachant ; il se retrouve tiraillé entre deux pays. Entre son rêve de devenir médecin aux Etats-Unis et son attachement aux racines familiales et traditionnelles de son pays.

Ce roman est tout simplement magnifique. C’est une lecture qui m’a complètement happée. Je l’ai lu d’une traite, m’abreuvant aux mots, grâce à une écriture fluide, qui coule de source. Je ne suis pas prête de l’oublier.

Merci aux éditions Folio pour cette belle découverte !

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« Comment avaient-ils pu s’éloigner autant l’un de l’autre, après avoir commencé leur vie au même endroit ? Il essaya de démêler l’enchevêtrement des émotions qu’il sentait venir en lui, des sensations qu’il n’avait jamais éprouvées auparavant, avec Amber ou qui que ce soit d’autre. »