Clémentine Mélois – Dehors, la tempête ***

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Grasset – mars 2020 – 192 pages

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Dans ce savoureux petit ouvrage tout de rouge vêtu, Clémentine Mélois nous raconte la lecture et ses lectures sous toutes les coutures. Des préliminaires – « D’abord, j’ouvre le livre en grand et je colle mon nez au milieu des pages pour les respirer. » – aux incipit inoubliables, en passant par ces personnages qui nous hantent à jamais.

Chapitre après chapitre, l’autrice raconte ses romans préférés et décortique la façon dont la fiction a toujours façonné sa vie, depuis son plus jeune âge. L‘on retrouve Le Seigneur des Anneaux aux côtés de Moby Dick, Le Comte de Monte Cristo et Charlie la chocolaterie 

« Parfois, au détour d’un texte, j’ai l’impression que l’auteur m’invite à entrer chez lui. »

Un petit ouvrage insolite, truffé d’humour qui offre de nombreux parallèles entre réalité et fiction. Certains passages de livres, certains personnages sont pour l’autrice indissociables de ses souvenirs d’enfance ou d’adolescence. Elle s’amuse à penser comme ses personnages préférés, à goûter ce qu’ils mangent et boivent. Une façon de passer de l’autre côté du miroir, d’ouvrir une porte dérobée.

Clémentine Mélois nous offre une balade dans ses livres et dans ses souvenirs et on ne peut que se régaler… Elle parle bibliothèques, livres de chevet, odeur de livres. Elle s’interroge et nous interroge sur notre capital émerveillement ; à l’âge adulte sommes-nous encore capable de nous émerveiller ? de frayer avec le merveilleux ?

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« Une bibliothèque est comme un portrait. Dans le choix des livres et dans leur classement se révèle, il me semble, la vraie nature des gens. »

« Toutes les vies valent-elles la peine d’être racontées ? »

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Coups de coeur littéraires – 2019

La fin de l’année approche… C’est l’heure des bilans. Dans mon petit carnet, je retrouve le titre de plus de 130 livres. Parmi eux, de très belles découvertes, et des coups de coeur.

De la littérature jeunesse, l’Amérique, toujours, les Amérindiens, un père sans enfant et des enfants sans parents, des histoires de deuil, quelque soi l’âge que l’on a, que l’on soit enfant, époux, père ou femme, un combat contre la maladie, les premiers émois adolescents, des personnages fascinants, adolescents ou trentenaires, des femmes fortes, qui se mettent à peupler ma mémoire, pour une durée indéterminée… Mon paysage littéraire en 2019 était étonnement riche et j’ai dévoré de jolies pépites.

Voici les 15 pépites qui m’ont marquée :

(Tous ne figurent pas sur la photo, certains ont été empruntés en bibliothèque ou prêtés)

Et vous, quels livres ont marqué votre paysage littéraire en 2019 ?

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Sarah Ladipo Manyika – Comme une mule qui apporte une glace au soleil ***

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10-18 – mai 2019 – 140 pages

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Morayo Da Silva est une professeur nigériane à la retraite, habitant San Francisco. Son anniversaire approche, elle a envie de s’acheter des fleurs, d’en offrir. Et elle réfléchit au tatouage qu’elle aimerait se faire faire sur le corps… Chaque anniversaire est pour elle une fête, et c’est aussi l’occasion de faire quelque chose de nouveau – nager, s’initier à la plongée sous-marine, même à soixante quinze ans. Elle déambule dans les rues de Haight-Ashbury, à pied ou au volant de sa Porsche, portant ses turbans et tissus les plus colorés, savourant sa liberté.

Mais après une chute dans sa salle de bain, elle se retrouve à La Bonne Vie, un centre de rééducation où le quotidien lui paraît bien fade. Alors, Morayo survit grâce aux souvenirs – son amie Jocelyn, sa ville natale Jos, son ex-mari diplomate César et son amant Antonio… et elle convoque ses personnages de romans préférés, les fait se rencontrer, discuter, vivre d’autres vies. Elle leur invente de nouvelles destinées – la littérature lui est si précieuse. Morayo est une femme qui a toujours un livre sur elle, pour survivre en toutes situations.

J’ai dévoré ce petit roman en deux temps trois mouvements : une lecture trop courte à mon goût, qui me laisse un petit goût d’inachevé. On a envie d’en apprendre davantage sur Morayo, sur sa vie, son passé… Ce récit tient plus de la nouvelle que du roman. Je reste donc sur ma fin, même si j’ai pris plaisir à dévorer ces pages, où souvenirs et littérature côtoient la joie de vivre et la légèreté incroyable d’une femme qui ne sera jamais vieille.

Yannick Haenel – Tiens ferme ta couronne ***

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Folio – février 2019 – 368 pages

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Jean a écrit un scénario long et indigeste sur la vie de Melville, que seul Michael Cimino, le réalisateur maudit de Voyage au bout de la nuit, pourrait réaliser. En cherchant à le rencontrer, Jean se retrouve à New York à la Frick Collection, à patienter devant Le Cavalier polonais de Rembrandt.

Jean a 49 ans ; plutôt solitaire, il passe ses journées seul à siroter de la vodka et à buller devant des films – il développe une obsession pour Apocalypse Now. Il aime aussi déclamer des noms de poètes dans la nuit. Jean est un personnage loufoque et décalé, un peu timbré et complètement à la ramasse. « Il faut être fou, sans doute, pour éprouver une telle insouciance alors qu’on frôle le gouffre. » Il n’a plus d’argent sur son compte, ne fréquente quasiment plus personne à part son voisin Tot, un homme curieux qui collectionne les fusils de chasse et qui s’absente souvent en lui demandant de s’occuper de Sabbat, son dalmatien.

A la poursuite du daim blanc de la vérité, Jean nous embarque dans une aventure aux accents cinéphile et littéraire, franchement surréaliste, de Paris à New York, en passant par Colmar et le lac de Némi en Italie.

Tiens ferme ta couronne est un roman halluciné à l’écriture séduisante qui m’a au début pas mal déroutée : je ne voyais absolument pas où j’allais, et puis, j’ai cessé de me poser la question et j’ai savouré cette curieuse lecture. Au fil des pages, je me suis laissée emporter par cette drôle d’histoire, oscillant entre scepticisme, curiosité et attachement.

Petit clin d’œil à un précédent roman de l’auteur, Les Renards pâles. Dans lequel Jean vivait dans une voiture, stationnée au 27 rue de la Chine ; « nous n’avions plus d’identité car l’identité n’était qu’un piège, un consentement au contrôle ».

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« J’ai pensé que peut-être il me fallait devenir fou pour devenir sage. »

Marie Pavlenko – Un si petit oiseau ****

Chronique à venir ! Le 2 janvier, pour sa parution en librairie

Flammarion – 2 janvier 2019 – 400 pages

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Le nouveau roman de Marie Pavlenko s’ouvre sur l’accident de voiture d’Abigael et de sa mère. L’adolescente y perdra un bras et une main. Elle vit désormais avec une prothèse – qu’elle ne met pas toujours – et un avenir incertain, obscur. « Elle flotte dans un présent trop grand pour elle. » 

Abi cherche en vain la personne qui ne perdra pas son sourire en voyant sa prothèse ou sa manche vide, en comprenant sa réalité. Sa famille déménage, change de quartier. Histoire de ne pas avoir à affronter les regards, les questions… Abi coupe les ponts avec ses amis, ses amours. Il n’y a que sa tante Coline – et son franc parler – qu’elle laisse l’appeler sa « croquette manchote ». Jour après jour, l’adolescente tente d’accepter cette nouvelle réalité, d’apprivoiser sa douleur et sa perte.

« C’est comme si avant, à l’intérieur, j’avais une grande forêt, pleine d’oiseaux et de promesses. Elle a disparu, Coline, tu comprends? C’est comme ça. À la place, il y a des herbes jaunes, des mares sans eau, du silence et de la terre craquelée. »

Et puis un matin, Abi reçoit un colis. Un livre : La Main coupée, de Blaise Cendrars. Aucune mention d’expéditeur, elle ne sait pas qui lui envoie ce livre si bien choisi. Dans le même temps, Coline lui offre Yoru, un chaton de trois mois. Et elle retrouve Aurèle, son amoureux de l’école primaire… ensemble ils vont rire, observer la nature et les oiseaux…

Une lecture dévorée avec délectation et un beau roman sur le handicap écrit sans le moindre pathos mais avec une bonne dose d’humour. Marie Pavlenko a un talent fou pour mêler humour et émotion. J’ai ri. J’ai pleuré. Les mots de la romancière m’ont fait chavirer, et même décoller.

Un si petit oiseau est une belle pépite, au même titre que Je suis ton soleil. On y retrouve le même attachement pour des personnages sincères et vrais ; le même humour subtilement ravageur. Et la présence précieuse de la littérature, toujours – comme un baume souverain. Abi ne se laisse pas abattre, elle s’accroche à la vie et à l’espoir ; c’est une belle personne qui va puiser sa force dans la nature et la littérature. ❤

Bilan 2018 & Coups de coeurs 💕 


Je me répète chaque année, mais quelle folie ce temps qui file à une allure surréaliste… Plus on vieillit et plus ce fichu temps nous file entre les doigts.

Cette année, mon bébé est devenue un grand bébé ; elle s’est mise à marcher, à crapahuter dans tout l’appartement, à vider les placards régulièrement, à dire « non non non » et à hurler « chaaaat » dès qu’elle voyait une boule de poils à moustaches. Elle s’est mise à nous faire plein de bisous en tendant sa petite lippe, à nous dire « monamou » en nous tendant tous les livres qu’on lui a déjà lu 2397474 fois. Elle s’est mise aussi à nous arracher nos lunettes, nous foutre deux-trois baffes dans la tronche sans raison et notre bienveillance a vacillé plus d’une fois… Bref, avec un enfant on en apprend tous les jours (surtout sur soi et le constat n’est pas toujours reluisant). Mais l’amour est inimaginable, démesuré et fou. Toujours. ♥️

Côté lectures, j’atteins les 130 lectures cette année, dont 33 bandes dessinées & albums, ce qui est un record pour moi…! Les lectures de 2018 sont marquées par davantage de littérature jeunesse, davantage de BD, toujours énormément de littérature étrangère… Et de belles et étonnantes découvertes en littérature française. De beaux échanges avec vous, que ce soit sur le blog ou sur Instagram. De beaux partenariats notamment avec Grasset et sa collection de littérature étrangère qui est une véritable mine d’or… 

Et 2019 s’annonce tout aussi excitant littérairement parlant ; au mois de janvier, je rencontre deux auteures – Marie Pavlenko et Anne-Laure Bondoux – et j’assiste à la présentation de presse de l’école des loisirs pour leur rentrée littéraire d’hiver. J’ai hâte. 2019 sera aussi placé sous le signe du voyage : nous partons à la conquête du Far West tous les 3 en juillet…! 

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Voici les livres qui ont marqué mon année

 

* Côté romans *

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* Côté bandes dessinées et albums *

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* Côté jeunesse *

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Je vous souhaite à toutes et à tous une très belle année 2019, riche en littérature, en lectures, en voyages, en échanges, en découvertes… Et un beau réveillon ✨

 

 

Bilan livresque de l’année 2017

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Je n’en reviens toujours pas de devoir écrire ce bilan… Déjà ! Cette année 2017 a filé à une allure folle. Une année tellement riche. Tellement de changements. Même si l’arrivée d’un petit bout de chou a quelque peu changé mes habitudes – pour ne pas dire révolutionné ma vie de bout en bout – mon amour des livres et ma consommation littéraire n’ont – presque – pas changé. Juste avant la naissance, j’ai lu à un rythme assez soutenu – merci gros bidon et petit congé mat’ – et après j’ai dévoré les bouquins à une allure plus modérée. Je commence aussi à connaître le bonheur de faire découvrir les livres à ma fille, qu’ils soient en carton ou en tissus – en papier il vaut mieux éviter de la laisser seule avec, même si elle adore piquer mon livre quand elle me voit lire à côté d’elle. Bref, 2018 me réserve encore de beaux horizons littéraires, je l’espère…!

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135 livres lus cette année, dont 21 bandes dessinées & albums.

Parmi mes lectures, voici celles qui m’ont particulièrement marquée :

° Littérature étrangère °

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° Littérature jeunesse °

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° Littérature française °

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° Romans graphiques °

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° Poésie °

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° Ovni °

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° Pavés chéris °

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Je vous souhaite à tous une très belle année 2018, de belles et enrichissantes lectures, des découvertes culturelles, des pépites et des étoiles dans les yeux.

 

Martin Page – Manuel d’écriture et de survie ****

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Editeur : Seuil – Date de parution : 2014 – 171 pages

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Dans ce Manuel d’écriture et de survieMartin Page répond aux lettres d’une jeune écrivaine du nom de Daria. À travers cette correspondance, l’auteur nous livre des réflexions sur l’écriture, l’art, l’écrivain et la condition d’écrivain.

Ces lettres sont aussi l’occasion pour Martin Page de se livrer ; au fil des échanges, on en apprend davantage sur lui, son quotidien, ses habitudes littéraires. Ces lettres sont comme une fenêtre ouverte sur une part de son intériorité. On découvre un regard sur le monde, une pensée ; ses influences artistiques et humanistes. Martin Page convoque des auteurs, peintres, artistes, scientifiques pour étayer ses propos. Un petit bouquin truffé de références littéraires, de conseils, de culture ; riche d’enseignements sur l’écriture, mais aussi la vie, tout simplement.

Un petit bijou qui nous offre de belles réflexions sur la fiction, l’imaginaire et qui regorge de conseils de lecture. Un texte essentiel pour tout amoureux de l’art et des livres, dont la lecture nous enrichit.

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« L’art est un crime contre la réalité. Par ses incessantes transformations, il remet en cause l’intégrité du monde et de la société, comme le meurtre remet en cause l’intégrité du corps d’une personne. Un œuvre d’art coupe le souffle, accélère notre cœur, nous transforme, enrichit notre rapport aux formes, aux couleurs et aux sons. Nous ne sommes pas changés au point d’en mourir, mais la réalité jusque-là connue meurt pour être remplacée par une autre, plus complexe, plus étrange. »

« Nous naissons avec mille bras et mille cœurs, et nous n’arrêtons pas d’en perdre tout au long de notre vie. On nous déforeste sans cesse, c’est douloureux, mais nous sommes vastes, personne n’arrivera à bout de nous. »

« Un écrivain ne braque pas de banques, il braque le réel. L’art m’a permis de vivre, dans tous les sens du terme.

 

Julia Kerninon – Une activité respectable ****

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Éditeur : Le Rouergue – Date de parution : – pages

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« … allongée dans ma chambre sur le lit, un livre posé légèrement sur le nombril, en me sentant tellement à ma place, tellement complète. »

Julia Kerninon revient sur la façon dont est né son amour des livres et de la littérature. Tout a commencé grâce à ses parents, deux lecteurs fous des mots, accros aux livres. Surtout sa mère-léopard qui l’emmène dès ses premières années à Paris, déambuler chez Shakespeare & Compagnie. La romancière rend hommage à l’enfance livresque que ses parents lui ont ainsi donné. Ce petit cercle familial empreint de lecture. Leur maison pleine de livres, avec un pêcher dans le jardin.

L’écriture de Julia Kerninon s’écoule lentement, mot après mot – elle est à la fois sinueuse et fluide. Avec talent, elle inscrit des mots sur son amour des lettres. J’ai aimé ses réflexions et ses souvenirs : ses lectures compulsives, les conseils de sa mère, cette figure incontournable dans sa vie d’écrivain, qui l’a poussée dans les bras de la littérature et lui a donné sa vocation. Sa mère qui lisait tout ce qui lui tombait sous la main et sous les yeux.

Je découvre une voix forte et déterminée, qui me plaît tout de suite. Comment n’ai-je pas lu cette auteure avant ?! Autobiographie littéraire et livre-témoignage essentiel à tout amoureux des livres, hérissé de post-it, ce bouquin fera certainement l’objet de nombreuses relectures…  ❤

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« Nous avions beaucoup, beaucoup de chance, me disait-elle, parce que nous avions les livres et que dans les livres les phrases étaient éternelles, noir sur blanc, solides, crédibles – elles n’étaient pas en l’air, elles ne venaient pas de n’importe qui (…) et elles nous livraient le monde entier, le monde accéléré, perfectionné, lavé de ses scories, sans temps mort, un cours d’eau pur et bondissant, un monde dans lequel nous pouvions nous échapper chaque fois que le monde réel cessait d’être intéressant, ce qui arrivait beaucoup trop souvent quand quelqu’un venait nous parler. »

Cécile Coulon – Le rire du grand blessé ***

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Éditeur : Points – Date de parution : août 2015 – 135 pages

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1075 est un Agent chargé d’empêcher une population droguée aux Livres de se perdre dans son addiction, il a pour rôle de refréner leurs ardeurs ; il est surtout chargé d’assurer la sécurité lors des Manifestations à Haut Risque pendant lesquelles un Liseur offre cent-dix pages de mots à la foule parquée dans un stade… Les mots sont dotés d’un pouvoir stupéfiants, ils font ressentir une multitude d’émotions violentes à la foule, ce sont des armes chargées. Il y a les Livres Frisson qui font hurler d’angoisse, Livres Terreur qui inspirent une panique sans borne, les Livres Chagrin qui provoquent un flot de larmes… Les Livres Tendresse ont moins de succès. Les mots : une drogue publique, ils provoquent l’exacerbation des émotions.

Une seule exigence pour être Agent : être analphabète et faire le serment de ne jamais apprendre à lire. Les Agents sont surveillés à toute heure du jour et de la nuit ; ils vivent en vase clos. Cette fonction est la seule issue de secours, la seule planche de salut pour les oubliés de la société, les laissés-pour-compte.

Ce nouveau régime de terreur mis en place par un obscur gouvernement est le suivant : faire surveiller les lecteurs par ceux qui ne savent pas déchiffrer une lettre. Le pouvoir est donné aux analphabètes, ils deviennent l’élite du pays, tandis que les lecteurs sont considérés comme de vulgaires junkies. Mais un jour, au hasard des couloirs d’un hôpital, 1075 rencontre une institutrice…

Je n’en dirai pas plus car l’intrigue se dévoile petit à petit et ce court roman est très bien ficelé!

Dès les premières lignes, ce livre de pure science fiction m’a fait pensé à Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, qui était pour moi un très beau coup de cœur, par rapport aux livres qui inspirent le danger. J’ai aussi pensé au roman d’Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes.

On sent une maîtrise incroyable de l’écriture de Cécile Coulon. Le récit est fluide, les mots percutants tout autant que l’histoire en elle-même. J’avais déjà été saisie par l’écriture de l’auteure dans Méfiez-vous des enfants sages. Je ne suis pas déçue ici. J’ai été totalement captive et captivée par l’histoire.

J’ai été plongée littéralement cette histoire qui mêle avec brio des réflexions autour de la liberté, la lecture, la littérature et une évidente critique d’une certaine littérature commerciale.

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« Cinquante mille spectateurs pour un Livre Frisson. La Lecture à peine commencée, des passionnés s’évanouiraient au premier rang, pousseraient des hurlements d’angoisse à crever les tympans. »

« Aucun détail laissé au hasard : rien ne les poussait à apprendre à lire. On enlevait magazines, livres, jeux, calendriers, notices, étiquettes. Ce qui comportait mots, phrases ou paragraphes était banni. Les tubes de dentifrice ne portaient aucune mention, pas plus que les pots de moutarde. »