Chroniques oubliées #5

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En voyant la liste de mes billets en attente de publication qui s’allonge dangereusement, je me dis qu’il est vraiment temps de faire une nouvelle session de « Chroniques oubliées » ! Dans ce billet, je vous parle de Chaplin, de la ségrégation dans les années 50 en Alabama, de Los Angeles, la ville aux milles visages, mais aussi de la Syrie et de son fameux festival du cheval…

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A1F+DRpBAsLDans ce premier tome, nous découvrons l’enfance et la jeunesse de Charles Spencer Chaplin, ce génie du cinéma américain. On apprend qu’il n’a pas connu sa mère et que son père était un mime et chanteur dramatique… qui a mal fini. Il quitte Londres pour New York, espérant ainsi échapper au fantôme de son père et construire sa propre légende. Il veut la gloire, le succès, la reconnaissance. Que son nom soit sur toutes les lèvres. On suit Chaplin aux USA, de New York à L.A.… L’ascension fabuleuse et rapide du succès, le personnage de Charlot qui se construit grâce au hasard et à l’improvisation… Les dessins sont magnifiques, mais demeurent curieux : à cause de leurs airs toujours excédés et calculateurs, j’ai trouvé les personnages très antipathiques. Une BD à dévorer !

Rue de Sèvres – septembre 2019 – 72 pages

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9782205079258-couvClaudette Colvin, c’est l’adolescente noire qui refusa de céder sa place à une blanche dans un bus, à Montgomery, dans l’Alabama. Celle qui fut éclipsée ensuite par la figure de Rosa Parks, parce qu’elle passait moins bien à l’écran. Émilie Plateau nous offre une immersion dans la peau de cette adolescente noire des années 50, en Alabama. Claudette grandit dans un quartier pauvre, élevée par sa grande-tante et son grand-oncle. Le décor est planté grâce au trait de crayon très parlant et suggestif et un ton absurde et pince-sans-rire. Dessiner pour rendre compte de l’absurdité et de la violence d’une époque envenimée par le racisme. Une fois cette BD refermée, Claudette Colvin devient enfin quelqu’un ; cette adolescente condamnée, qu’on a effacée des mémoires au profit de Martin Luther King, un homme qui en impose davantage et de Rosa Parks, une femme plus distinguée. Un roman graphique qui se veut aussi féministe et qui offre un éclairage nouveau sur l’histoire de la ségrégation.

Dargaud – janvier 2019 – 138 pages

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I23708Dans ce très court texte, on rencontre Alice et Oona, vendeuses dans un magasin de vêtements de luxe. Des vêtements qu’elles ne pourraient jamais se payer. On est à LA. La ville qui n’a pas de centre, où toutes les folies sont permises, où les jeunes femmes rêvent toutes d’être actrices, de percer. Alice suit des cours de théâtre auprès d’un acteur à la retraite, vieillissant. Elle se contente d’une pomme le midi. Pour arrondir ses fins de mois, Alice s’embarque dans un curieux commerce. Un récit bref qui fait grimper le malaise jusqu’aux derniers mots.

La Table Ronde – octobre 2019 – 48 pages

 

 

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imageDepuis les années 20, le général Gouraud est connu en Syrie pour avoir fait cesser la révolte des nationalistes syriens dans un bain de sang. C’est le général français que l’on maudit à chaque malheur qui s’abat sur la Syrie. Christopher Donner entreprend un voyage en Syrie avec trois amis ; parmi eux, Jean-Louis Gouraud, écrivain, Daniel Rondeau, photographe et Daniel Marinier, cinéaste. Ils sont invités à Damas à l’occasion du Festival du cheval. Les quatre visiteurs se sentent privilégiés de découvrir ce pays ravagé par huit années de guerre civile, mais très vite, ils se rendent compte qu’ils se sont fait avoir… On prétend que Jean-Louis Gouraud serait le petit-fils du général Gouraud, venu s’excuser devant le tombeau de Saladin pour tout le mal que son ancêtre a fait à la Syrie. Or, le général est mort sans avoir jamais eu d’enfant. Un témoignage aux accents absurdes, qui mêle farce et politique. « C’est en quittant Damas qu’on voit la guerre, et ce qu’on voit de la guerre c’est qu’elle est bel et bien finie : pour qu’elle continue, il faudrait qu’il y ait encore des trucs à détruire, encore un peu de vie. Là, tout est mort, ratiboisé, hiroshimiesque. »

Grasset – novembre 2019 – 160 pages

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Joseph Ponthus – À la ligne **

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La Table ronde – janvier 2019 – 272 pages

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Le narrateur est ouvrier intérimaire ; il travaille ponctuellement dans les conserveries de poissons et abattoirs bretons… Il embauche tous les matins à 4h, 5h ou 6h… et quand il débauche, les odeurs d’écailles ou de boyaux lui collent à la peau. Il dort le jour, vit la nuit. Il s’immerge jour après jour dans cet entêtant travail à la chaîne, à la ligne. Égoutteur de tofu pendant toute une nuit ; dépoteur de chimères, préparateur de couronnes de crevettes ou de poissons panés… Huit heures par jour derrière des machines.

Et le besoin d’écrire s’incruste en lui ; écrire sur la paradoxale beauté de l’usine. L’usine, ce monde à la fois fascinant et glauque, ce monde parallèle, il ressent le besoin de le mettre par écrit. Proust, Ronsard, Apollinaire… Peu à peu, les auteurs resurgissent et viennent au secours de cet ancien étudiant en lettre et éducateur dans le social. La littérature est sa victoire sur l’aliénation et la violence de l’usine.

Entre les mots, on découvre aussi la femme aimée, la figure maternelle, la mer aussi. Figures féminines si fortes et présentes.

La ligne ici c’est la ligne de production mais c’est aussi la ligne d’un récit qui prend la forme d’une « odyssée où Ulysse combat des carcasses de bœufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes. » (pour reprendre les mots de la 4ème de couverture).

L’écriture tour à tour drôle, distanciée, révoltée et fraternelle met en relief l’absurdité de la réalité et charrie des descriptions parfois glauques et écœurantes. L’auteur de ce premier roman très ambitieux joue sur les mots, jongle avec les phrases ; le texte défile comme une succession de poèmes en prose, ponctués d’une ironie mordante. La poésie déboule, ça secoue, ça ébouriffe, ça percute. Ça chamboule. C’est beau. C’est curieux.

Bilan 2018 & Coups de coeurs 💕 


Je me répète chaque année, mais quelle folie ce temps qui file à une allure surréaliste… Plus on vieillit et plus ce fichu temps nous file entre les doigts.

Cette année, mon bébé est devenue un grand bébé ; elle s’est mise à marcher, à crapahuter dans tout l’appartement, à vider les placards régulièrement, à dire « non non non » et à hurler « chaaaat » dès qu’elle voyait une boule de poils à moustaches. Elle s’est mise à nous faire plein de bisous en tendant sa petite lippe, à nous dire « monamou » en nous tendant tous les livres qu’on lui a déjà lu 2397474 fois. Elle s’est mise aussi à nous arracher nos lunettes, nous foutre deux-trois baffes dans la tronche sans raison et notre bienveillance a vacillé plus d’une fois… Bref, avec un enfant on en apprend tous les jours (surtout sur soi et le constat n’est pas toujours reluisant). Mais l’amour est inimaginable, démesuré et fou. Toujours. ♥️

Côté lectures, j’atteins les 130 lectures cette année, dont 33 bandes dessinées & albums, ce qui est un record pour moi…! Les lectures de 2018 sont marquées par davantage de littérature jeunesse, davantage de BD, toujours énormément de littérature étrangère… Et de belles et étonnantes découvertes en littérature française. De beaux échanges avec vous, que ce soit sur le blog ou sur Instagram. De beaux partenariats notamment avec Grasset et sa collection de littérature étrangère qui est une véritable mine d’or… 

Et 2019 s’annonce tout aussi excitant littérairement parlant ; au mois de janvier, je rencontre deux auteures – Marie Pavlenko et Anne-Laure Bondoux – et j’assiste à la présentation de presse de l’école des loisirs pour leur rentrée littéraire d’hiver. J’ai hâte. 2019 sera aussi placé sous le signe du voyage : nous partons à la conquête du Far West tous les 3 en juillet…! 

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Voici les livres qui ont marqué mon année

 

* Côté romans *

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* Côté bandes dessinées et albums *

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* Côté jeunesse *

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Je vous souhaite à toutes et à tous une très belle année 2019, riche en littérature, en lectures, en voyages, en échanges, en découvertes… Et un beau réveillon ✨

 

 

Elizabeth Brundage – Dans les angles morts ****

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Éditeur : La Table Ronde – Date de parution : janvier 2018 – 528 pages

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1979. En rentrant chez lui un soir de tempête de neige, George Clare retrouve sa femme Catherine assassinée dans leur chambre, encore en chemise de nuit. Leur fille Franny, qui n’a que trois ans, est restée seule dans sa chambre toute la journée. Pour le shérif Lawton, le mari a tout du coupable idéal…

Cette vieille ferme, entourée de champs à perte de vue, ils l’ont eu pour une bouchée de pain, huit mois plus tôt lors d’une vente aux enchères. Ce que le mari a caché à sa femme, c’est que la ferme fut le théâtre du suicide d’un couple de fermiers criblé de dettes ; les parents des frères Hale, Eddy, Wade et Cole. Ils se sont suicidés dans la chambre où George et Catherine dorment. Cette même chambre où la jeune femme sera retrouvée assassinée à coup de hache.

Elizabeth Brundage déroule les quelques mois qui précèdent la mort de Catherine ; la rencontre, le mariage, l’arrivée de la famille à Chosen suite à la prise de poste de George à l’université. La façon dont Catherine s’est tout de suite sentie épiée dans cette ferme, ne s’y sentant pas à sa place. Les courants d’air froid dans certaines pièces – comme si des fantômes hantaient les lieux. Le caractère singulier de George, qui nous est dévoilé à travers les gens qui le côtoient. On en apprend davantage aussi sur l’histoire des frères Hale.

Dans les angles morts est une belle surprise. Un roman profondément beau et complexe, aux allures trompeuses de thriller. En effet, il s’agit davantage d’un roman psychologique aux accents surnaturels, dont l’écriture poétique et ciselée m’a émue et transportée. J’ai aimé ces deux histoires familiales qui se lient l’une à l’autre à travers leurs fantômes ; et notamment l’histoire de ces deux femmes qui rêvaient d’une autre vie, l’une d’air et l’autre de chair.

Au fil des chapitres, l’auteure fait défiler les personnages pour nous permettre de comprendre ce qui s’est passé. Une lecture lente et dense, qui prend son temps pour se dévoiler – on retient son souffle jusqu’aux derniers mots, jusqu’aux derniers instants. Un livre puissant sur les amours contrariées, la culpabilité et le mensonge, aux personnages tantôt attachants tantôt repoussants, dont la psychologie demeure très travaillée.

Un coup de ❤

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