Parinoush Saniee – La Voix cachée ***

9782757856468

Éditeur : Points – Date de parution : janvier 2018 – 288 pages

*

À quatre ans, Shahaad ne parle toujours pas. Alors tout le monde pense qu’il est attardé, gogole… autrement dit débile. Pour sa famille et pour ses proches, cet enfant n’est pas normal. Les surnoms et les moqueries pleuvent sur lui sans qu’il s’en rende vraiment compte. Shahaad est un enfant plein de joie de vivre, naïf, qui prend plaisir à rendre heureux ses cousins. Mais c’est surtout une âme solitaire ; il aime jouer et parler avec ses amis imaginaires, Asi et Babi.

Et puis, l’enfant finit par se rendre compte que tout le monde se moque de lui. Ce jour là, le monde autour de lui s’effondre et la colère s’empare de son cœur, l’embrase.

La voix cachée est un roman sensible et poétique qui délivre l’histoire d’une famille aux multiples paradoxes. A travers les voix du fils et de la mère, le récit évoque également le quotidien en Iran ; la police des mœurs, les relations amoureuses interdites hors mariage, le climat de tension qui règne…

Un roman émouvant et juste qui met l’accent sur l’écoute, l’importance de la bienveillance et de l’amour pour s’épanouir et grandir au sein d’une famille…

Publicité

Shida Bazyar – Les nuits sont calmes à Téhéran ***

Couv-Shida-201x300

Éditeur : Slatkine & Cie – Date de parution : 25 janvier 2018 – 246 pages

*

Sorhab, Peyman et Behsad. Amis d’enfance engagés dans la révolte. Nous sommes en 1979, le Shah n’est plus au pouvoir, la révolution tant attendue a eu lieu. L’espoir anime les foules, les gens sortent dans la rue. Khomeiny, érigé en guide spirituel de la révolution islamique, devient plus imposant, ses photos envahissent les murs. Les rassemblements se déroulent à nouveau dans la clandestinité. Behsad est très impliqué dans la révolution, il s’engage dans un mouvement armé, se coupe de sa famille. Puis refait surface. Il m’a fait penser au mari de Massoumeh, l’héroïne du Voile de Téhéran. Face au destin de son pays, Behsad n’aura d’autre choix que de finir par fuir, avec sa femme et ses enfants.

Les nuits sont calmes à Téhéran est un beau roman choral qui traverse les années en donnant voix aux cinq membres d’une même famille. Behsad – Nahib – Laleh – Mo – Tara. L’histoire iranienne et son évolution se dessinent à travers les pensées et le regard de ces cinq personnages.

Un roman humain et porteur d’espoir, qui explore les liens familiaux dans l’exil et la fuite, l’attachement aux racines. Une lecture que j’ai aimée, aux personnages touchants et qui m’a captivée par son contexte historique, mais dont j’attendais peut-être un tout petit peu plus, au niveau émotionnel, pour en faire un coup de coeur.

***

« Qu’est ce que ca fait d’avoir des parents qui sont soudain délivrés de leur attente ? Des parents qui ont gagné une fois dans leur vie ? »

Parinoush Saniee – Le voile de Téhéran ****

téhéran

Éditeur : Points – Date de parution : mai 2016 – 610 pages

*

Nous sommes en Iran, dans les années 60. Grâce à la modernisation opérée par le Shah, les filles ont accès aux études. Massoumeh, seize ans, est très douée au collège et désire poursuivre ses études. Avant de partir s’installer à Téhéran, ses frères font pression pour qu’elle se marie, car ils ont peur qu’elle se fasse pervertir par la vie citadine… Seul son père semble la comprendre ; grâce à son indéfectible soutien, Massoumeh intègre la classe de 4ème au collège de Téhéran. Elle y rencontre une adolescente un peu folle et extravertie, Parvaneh, qui devient sa meilleure amie. Un soir en rentrant des cours, elles passent par la pharmacie et découvrent le nouvel assistant du pharmacien, Saiid Zareii. Massoumeh tombe tout de suite follement amoureuse de lui ; et c’est réciproque. Il la guette matin et soir au seuil de la pharmacie… Mais quand ses frères découvrent cette histoire d’amour naissante, la foudre s’abat sur la maisonnée, et un mariage forcé est organisé dans la précipitation avec un homme qu’elle n’a jamais vu…

D’abord désespérée, en colère et le cœur brisé, Massoumeh décide finalement d’affronter son destin. M’attachant immédiatement à l’héroïne, j’ai éprouvé un immense sentiment révolte pour ce qui lui arrivait ; je me suis identifiée à cette jeune femme brisée qui devient épouse malgré elle et va traverser de nombreuses épreuves. Sur une quarantaine d’années, nous suivons son évolution et celle de son pays : le régime du Shah, les attentats communistes qui se trament dans l’ombre, le changement des mœurs, la révolution qui se préparent et s’abat sur le pays, les oppositions entre islamistes et communistes, la guerre contre l’Irak…

C’est un roman autobiographique qui met en relief les conflits sociaux et politiques… On apprend beaucoup de choses sur l’histoire de ce pays tiraillé entre tradition et modernité. Ce roman nous offre également le témoignage magnifique d’une femme au parcours semé d’embûches, dans un pays où les femmes n’ont quasiment aucun droit et où elles dépendent des hommes, dans une absence d’égalité flagrante.

J’ai éprouvé une telle empathie pour cette femme que j’ai souvent été émue aux larmes. J’ai tellement aimé ce roman que j’ai eu bien du mal à écrire cette chronique…  Cette histoire m’a bouleversée et les dernières pages laissent un goût amer. Un livre puissant, dont j’ai dévoré les mots et que j’ai terminé à regrets.

Un immense merci aux éditions Points pour cette découverte et ce grand coup de cœur…!

éditions POints

 

***

« Il y avait eu tant de vie autrefois dans cette maison désormais silencieuse. J’ai séché mes larmes et, le cœur lourd, j’ai verrouillé les portes, prenant congé de ce chapitre de ma vie, de mon bonheur et de ma jeunesse. Et je suis partie. »

« Je me demande souvent ce que cette vie m’a apporté. Ai-je jamais eu une destinée à moi ? Ou n’ai-je été qu’un élément dérisoire du destin des hommes de ma vie, d’hommes qui m’ont tous, d’une manière ou d’une autre, sacrifiée sur l’autel de leurs convictions et de leurs objectifs ? »

Firouz Nadji-Ghazvini – Les anges ne reviendront pas ***

product_9782207254790_195x320

Éditeur : Denoël – Date de parution : 2005 – 117 pages

4ème de couverture : « Téhéran, quelques mois avant la révolution islamique. Un climat de terreur sourde règne sur la ville. Entre les soubresauts de la Savak, la police politique du shah, et les premières exactions des mollahs, chaque jour apporte son lot d’attentats inexpliqués. Quatre étudiants amoureux de Tchekhov expriment leur angoisse et leur nostalgie par la voix de Kamran, le narrateur, hypersensible aux transformations souterraines du Téhéran doré de sa jeunesse… »

***

Téhéran, au début de la révolution islamique. Kamran, Niloufar, Mithra et Nader sont quatre étudiants épris de théâtre et de littérature, spectateurs impuissants face à la tragédie qui a lieu sous leurs yeux. Un récit sombre porté par une écriture  lumineuse et poétique. Réalité et rêveries du narrateur s’entrecroisent avec mélancolie.

***

« – Pourquoi êtes-vous tous si convaincus de ce goût universel des hommes pour la barbarie ? »

« Il dit que c’est avec l’idée de la vérité que le monde prend vie, que c’est en supprimant tout ce qui la contredit qu’on existe. On parle de crime. Mais c’est avec le crime que le monde naît. Tenter de l’empêcher est vain. »

« Je suis venu sur la plage pour regarder s’échouer les vagues et récupérer le poisson échappé de mes rêves. Je suis là pour écrire une lettre, la déchirer et la confier aux flots. Il paraît que la nature ne se répète jamais. Pourtant, en cet instant, il me semble que tout se répète uniformément. Comme les oiseaux, j’ai envie de crier ma peur du couchant. J’attends l’obscurité et le bleu paisible de la nuit. Je regarde les mouettes tournoyer encore et encore par-dessus les vagues. Je me dis qu’il faut goûter les plaisirs les plus infimes puisqu’il n’y en aura pas d’autres. »