Sophie Gliocas – Les Enchanteresses ***

Hachette – 2021 – 396 pages

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Bluenn vient d’arriver dans une campagne bretonne avec son père et sa sœur. Elle a dû quitter son confort citadin et sa petite vie de lycéenne parisienne pour ce coin perdu… Autant dire qu’elle tire la tronche ; sa rentrée au lycée du village est loin de l’enchanter.

Bluenn se lie avec Flora, une ado différente, sans amie, souvent moquée par les autres. Ensemble, elles essuient remarques, moqueries de la part d’Antoine et sa bande de pimbèches. Il y a Lizig aussi, dont des photos dénudées ont circulé sur le net suite à une trahison amoureuse. Depuis, les moqueries pleuvent sur elle.

Lors d’une sortie scolaire dans la forêt de Brocéliande, les filles se retrouvent ensemble et découvrent un mystérieux grimoire. Le soir d’Halloween, les trois filles l’ouvrent et lisent une incantation… Et dès le lendemain, de curieux événements se déroulent au lycée. Il semblerait qu’elles soient désormais devenues des enchanteresses et qu’elles aient le pouvoir de se venger de leurs harceleurs

Un roman dans lequel je me glisse de prime abord avec méfiance. Et qui finalement me plaît beaucoup. Les Enchanteresses est une lecture que j’ai dévorée! Les personnages féminins m’ont beaucoup plu. C’est un roman surnaturel qui se révèle beaucoup plus fin et intelligent qu’il n’y paraît, avec des personnages féminins au tempérament fort ; un roman ensorcelant et féministe, dont j’ai très envie de découvrir la suite.

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Stephen King – Carrie ***

Carrie

Le Livre de Poche – 2010 – 288 pages

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Carrie White, c’est cette adolescente de dix-sept ans, solitaire, timide, peu grâcieuse avec une allure bovine. Depuis toujours, elle est la risée du lycée ; ses camarades passent leur temps à se moquer d’elle – les moqueries sont de plus en plus méchantes et cruelles. Comme cette fameuse scène sanglante dans les douches collectives.

Son calvaire au lycée est accentué par le fanatisme religieux dans lequel sa mère la fait baigner. Une mère irrascible, qui fait des crises d’hystérie et l’enferme des heures dans un placard pour la punir.

Lorsque Tommy Ross, un des garçons les plus séduisants et populaires du bahut, l’invite au Bal de Printemps, Carrie ne sait pas si elle doit se réjouir ou se méfier…

Et puis il y a ce don qu’elle ne maîtrise pas encore… Ce pouvoir étrange et déstabilisant de déplacer les objets à distance, de provoquer des chutes, briser des miroirs, griller des ampoules… Surtout quand elle se trouve submergée par un trop-plein d’émotions et de stress.

Mon premier Stephen King, enfin! Je suis sortie de cette lecture conquise!

La narration, habilement ficelée, m’a happée – ces allers retours dans le passé et le futur à l’aide de coupures de journaux, extraits d’articles et témoignages de spécialistes et anciens élèves… Une multiplication des points de vue qui participe à la tension dramatique et l’accentue.

Carrie est une lecture angoissante à souhait, le personnage de la mère est terrifiant et le malaise grandit au fil des pages de façon crescendo, la tension nous noue les entrailles jusqu’à la toute fin… Une pépite horrifique.

Claudine Desmarteau – Comme des frères ***

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L’Iconoclaste – mars 2020 – 320 pages

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« Ça s’est passé un samedi. Depuis, je hais les samedis. J’avais seize ans. Depuis, je ne sais plus si je suis jeune ou vieux. Bien sûr que c’est jeune, vingt-deux ans. Ce que je sais, c’est que mon adolescence a pris fin ce samedi-là. »

Le jour maudit. C’était il y a six ans. Depuis, Raphaël n’est plus le même. Avec Lucas, Thomas, Ryan, Saïd, Idriss, Kevin, ils étaient toute une bande d’inséparables, ils étaient comme des frères. Après le temps de l’enfance insouciante, ils zonent dans les rues de la ville de plus en plus grise, ruminent leur ennui avec des Twix et du Coca… Ils attendent que quelque chose se passe.

Un jour, un nouveau débarque. Quentin et son look un peu ringard, ces cheveux qui pendent à l’arrière du cou…  Très vite, la bande fait pleuvoir sur lui brimades et insultes, de plus en plus cruelles. On l’appelle « Queue de rat ».

Raphaël ne prend jamais vraiment part à ce harcèlement mais ne s’en dissocie pas non plus. En silence, il n’a d’yeux que pour Iris, la sœur jumelle de Quentin, farouche et sanguine.

Et puis, Quentin finit par s’intégrer à la bande et par se rendre mystérieusement indispensable. Il leur fournit du shit, des bières. Ils se lancent des défis, de plus en plus idiots, inspirés par les vidéos des Jackass.

Dans une langue à la fois crue et sensible, Claudine Desmarteau retranscrit la violence et la virulence de l’âme adolescente, dans ce qu’elle a de plus noire. Le plaisir tiré du harcèlement, le plaisir à défier les autres et le monde entier. Le besoin irrépressible de se sentir vivant. Comme des frères est un roman vif et abrupt, parsemé de dialogues, qui se lit d’une traite.

Pierre-Antoine Brossaud – Guenon **

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Le Rouergue – 2019 – 200 pages

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Manon est une adolescente très timide et réservée de quinze ans. Traverser la cour de récréation au collège, c’est comme pénétrer sur un terrain miné, c’est l’épreuve de force. Elle regarde ses pieds et fonce. Manon n’a pas d’amis ; elle ne parvient à se lier avec personne. Par contre, elle voue une véritable passion aux Flamby – elle peut en avaler six en une nuit. Quant aux KitKat, elle les engloutit sans cérémonie.

Manon est en surpoids, ce qui fait d’elle une cible idéale pour toutes les moqueries. Les filles, comme les garçons, l’appellent Guenon, grosse truie ; sur son passage on la traite de moche, de grosse. Le harcèlement dont elle est victime est d’une violence inouïe

L’adolescente n’ose en parler à personne. Elle se replie sur elle-même toujours plus et s’interdit tellement de choses. Les cours de sport sont un supplice

Et puis un jour, elle rencontre enfin une belle personne. Amaury, un garçon avec qui elle s’entend bien.

Un roman sur le harcèlement adolescent très cruel, violent, mais hélas tellement réaliste. L’écriture de Pierre-Antoine Brossaud rend compte de toute la violence qui peut exister au collège. Et cette violence, elle est avant tout verbale : les insultes, les souillures indélébiles que laissent certains mots. Certains passages m’ont révoltée, révulsée, ils m’ont donné un nœud à l’estomac. La souffrance de Manon est palpable. Une lecture comme une brûlure, dont la fin m’a prise au dépourvu

Anne Cortey – En émois ****

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école des loisirs – août 2019 – 160 pages

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Avant même d’ouvrir ce livre, je savais déjà que j’allais l’aimer. L’illustration de la couverture me happe immédiatement. Des tons mauves et jaunes, des airs mélancoliques. Le trait de crayon est connu, c’est celui de Cyril Pedrosa.

Ce roman nous propulse dans les collines de Provence, en plein été. La canicule bat son plein. Jeanne, comme tous les ans, ne part pas en vacances. Ses parents sont débordés au magasin à cause de la saison touristique, elle est livrée à elle-même toute la journée. Elle donne à boire aux ânes, aide ses parents, s’occupe de son frère Ulysse lorsqu’il rentre du centre aéré. Son seul vrai plaisir, c’est d’aller se baigner au lac avec son ami Gwen. Un après-midi, elle y entend la sonnerie d’un téléphone… l’appareil se trouve caché derrière des herbes. Au bout du fil, une voix cherche un certain Kevin.

Parallèlement au quotidien de Jeanne, nous découvrons celui d’un garçon qui a fugué. Il ne désire qu’une chose : partir. Loin du collège et ses ses souvenirs de harcèlement ; loin de ses parents qui ne l’entendent ni le comprennent, qui demeurent une entrave à ses rêves – un père aux propos violents et une mère effacée. Ce qui le fait vivre et survivre, c’est le volley-ball. Il veut entrer en lycée sport études à la rentrée mais son père s’y oppose violemment. Il est anéanti.

Les voix des deux adolescents se succèdent. Le passé du garçon nous parvient sous la forme de flash-back qui s’insèrent dans la narration grâce à des pages rose saumon. Cyril Pedrosa nous offre d’incroyables illustrations sur deux doubles pages qui rendent plus immersive la lecture.

Je suis absolument conquise par ce roman, original dans la forme et prodigieusement juste et bouleversant dans le fond. Cette Provence écrasée de chaleur, cette adolescence si bien décrite dans ses premiers émoisJ’ai été happée par cette histoire au doux parfum de mélancolie et par cette nature omniprésente qui semble exacerber les émotions et les sentiments qui agitent les personnages. L’écriture d’Anne Cortey est fluide et subtilement évocatrice.

Vous l’aurez compris, c’est un coup de ❤

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« Quand je regarde devant moi, j’ai le vertige. Est-ce que ça ressemble à ça, la vie ? A cette sensation de devoir sauter dans le vide, sans trop savoir où on va ? »

Marie-Aude Murail – Sauveur & Fils – Saison 5 ***

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Ecole des loisirs – septembre 2019 – 320 pages

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Quel délice de retrouver notre cher Sauveur, sa drôle de famille recomposée et ses patients au lubies parfois curieuses. Entre la saison 4 et la saison 5, il s’est écoulé deux ans. Louise vit toujours avec Sauveur et Lazare et ses deux enfants Paul et Alice. Le vieux briscard de Jovo traîne toujours dans le coin, se vantant avec effusion de son braquage et de ses meurtres légendaires…

Sauveur se retrouve envahi par toute une clique de nouveaux patients qui le croient psychologue animalier… On le consulte pour connaître son animal de soutien émotionnel, pour soigner la dépression de son chien, pour découvrir qu’un perroquet du Gabon peut devenir muet après un divorce ou encore que les chats sont plus efficace qu’un antidépresseur.

Mais des patients un peu plus traditionnels le consultent aussi ; comme Louane qui a peur d’une main sorte du trou des cabinets pour l’y entraîner, Frédérique qui découvre que Donald Trump est son père, Samuel qui suit un stage pour apprendre à draguer.

Une saison 5 qui garde le rythme, savoureuse à souhait, qui regorge d’humour et aborde les thèmes propres à l’adolescence contemporaine – harcèlement, questions de genre, relations parentales – avec justesse et bienveillance.

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{Chroniques des précédents tomes : Saison 1 – Saisons 2 & 3 – Apparemment je n’ai pas chroniqué la saison 4.}