Kate DiCamillo – Louisiana **

Louisiana

Editions Didier Jeunesse – 2019 – 160 pages

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Floride, fin des années 70. La grand-mère de Louisiana Elefante perd un peu la boule. Persuadée que sa famille est porteuse d’une malédiction depuis plusieurs générations, elle embarque sa petite-fille en pleine nuit pour un road-trip des plus singuliers. Il est 3h du matin lorsqu’elle lui annonce que « l’heure du jugement a sonné ». Louisiana se rend vite compte qu’elle ne reverra pas de sitôt sa maison… ni ses meilleures amies, ni Monsieur Chien, ni Archie son chat. Elle en a le coeur brisé.

Quelques heures plus tard, la gamine se retrouve à la frontière entre la Floride et la Géorgie, dans une voiture en panne sèche, avec une grand-mère qui souffre subitement d’une rage de dent et s’écroule sur la banquette arrière. Les aventures ne font que commencer

A travers de courts chapitres, l’écriture de Kate DiCamillo se révèle drôle, impertinente et tendre. Je me laisse prendre dans les filets de cette histoire somme toute bien farfelue.

Louisiana est une ado dégourdie et malicieusement désespérée, qui possède un talent de poids : une voix d’ange lorsqu’elle se met à chanter. Quant à la grand-mère, elle est aussi petite que virulente, elle possède un regard perçant et un tempérament drôlement autoritaire.

L’intrigue qui vire chamallow pleine de bon sentiments m’a finalement un peu agacée. Je ne suis pas certaine que ce roman restera gravé dans ma mémoire, mais ça n’en demeure pas moins une lecture pleine de charme sur la quête des origines, la quête de sens d’une enfant.

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Véronique Olmi – La Promenade des Russes ***

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Le Livre de Poche – 2008 – 256 pages

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Sonietchka a treize ans et vit à Nice avec sa grand-mère Babouchka. Babouchka qui craint toujours de tomber et s’agrippe au bras de sa petite-fille – menaçant de lui démonter l’épaule – quand elles sortent se promener. Qui fait des réussites en trichant et écrit des lettres au président de la République et aux journalistes d’Historia – des lettres qui parlent toutes des Romanov et de Lénine. Qui invite à déjeuner ses vieilles amies russes. Babouchka, c’est la dernière survivante de la Révolution bolchevique. Elle a de grands yeux bleus comme les bébés et parle souvent en russe à ses doigts

Sonietchka suit sa grand-mère dans ses lubies et nous raconte leur quotidien de façon si drôle et délicieusement cocasse. L’adolescente vit dans l’absence d’une mère instable et d’un père absent. En cherchant le sommeil, elle s’adresse à Anastasia – ce mystère jamais résolu qui hante sa grand-mère – et chaque nuit elle rêve de Manderley – « la nuit je suis plein de monde ».

Un roman attendrissant et drôle, qui se révèle émouvant et juste – je me suis rapidement attachée à cette voix délurée de gamine et au personnage extravagant de la grand-mère russe tellement impayable. J’ai aimé retrouver l’écriture de Véronique Olmi, fourmillant de métaphores et de comparaisons, une écriture enjouée et vive. Un vif plaisir de lecture !

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« J’ai regardé un peu les étoiles pour réfléchir à tout ça, cette façon incroyable qu’ont les gens d’avoir des vies secrètes, des rêves étranges et des idées tordues. »

Florent Oiseau – Les Magnolias ***

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Allary Éditions – 2 janvier 2020 – 224 pages

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Alain a la quarantaine et sa carrière d’acteur est au point mort. Il n’a pas joué un seul rôle depuis celui d’un cadavre il y a dix ans, dans une série de l’été regardée par 6 millions de téléspectateurs. Pour tuer le temps, il adore lister tous les noms ridicules qui peuvent être donnés aux poneys. Quand il a un petit coup de mou, il éprouve le besoin de se cacher dans son panier à linge de la taille d’un bunker.

Ses semaines sont rythmées par ses visites à Rosie dans sa camionnette ; il aime parcourir son corps potelé avec un masque de plongée. Chaque dimanche, Alain saute dans sa Renault Fuego couleur Gerbe et rend visite à sa grand-mère aux Magnolias, sa maison de retraite. Il lui parle dans le creux de l’oreille, nourrit les canards et puis un après-midi, sans crier gare, elle lui demande de l’aider à mourir.

Si l’instant d’après, elle a tout oublié, ce n’est pas le cas d’Alain qui va enquêter sur les vies secrètes de cette grand-mère qu’il croyait connaître…

Pour couronner le tout, son meilleur ami Rico – qui est aussi son agent – le genre d’homme à devenir homosexuel pour s’offrir un meilleur avenir, emménage chez lui, avec ses sandwichs aux flageolets.

Le roman de Florent Oiseau est délicieusement insolite ; un style cocasse et absurde, des métaphores savamment désopilantes. Un anti-héros tellement paumé qu’il en devient touchant et attendrissant. Bref, je ne peux que vous souhaiter la découverte de cette prose intelligente et drôle qui ne se lit pas mais se déguste, tiraillé par une troublante hilarité.

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« Derrière chaque vieille dame sommeille une danseuse de cabaret. »

Marie-Christophe Ruata-Arn – Sept roses rouges pour Rachel **

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Éditeur : La Joie de Lire – Date de parution : 2018 – 272 pages

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Elena est en route avec sa mère pour Cigliano, petit village italien écrasé par la chaleur estivale. La jeune fille est furieuse car elle devait passer la soirée avec son amoureux musicien et ses amies Prune et Sarah. Mais elle a loupé son bac, elle n’a donc pas son mot à dire… En août, il fait une chaleur à crever dans la plaine du Pô et il n’y a aucun réseau. Mère et fille font le voyage afin de signer le contrat de vente de la maison de la grand-mère, la nonna Rachel. Des histoires un peu folles s’échangent dans le village à propos de cette vieille bicoque perdue au milieu des rizières où Elena a passé tous ses vacances d’été lorsqu’elle était enfant. Selon certains, les semaines précédant sa mort, la nonna aurait été vue en train de parler et de danser seule au milieu de son salon, en pleine nuit. Comme personne n’a envie d’entrer dans cette maison qui semble bruissante d’esprits, c’est Elena qui va s’y coller, afin de se racheter une conduite auprès de ses parents.

Un joli roman surnaturel, d’une surprenante poésie que j’ai trouvé charmant et déroutant. J’ai aimé cette histoire d’amour et de fantôme. Alors oui, la fin est attendue et facile, peut-être trop convenue, mais le côté insolite de ce roman m’a séduite.

Roman lu dans le cadre de l’opération masse critique Babelio

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Angélique Villeneuve – Maria ***

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Éditeur : Grasset – Date de parution : février 2018 – 180 pages

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Maria aime s’occuper de son petit-fils de trois ans, Marcus, qu’elle aime comme son propre enfant. Leur relation est très fusionnelle. Ensemble ils observent les oiseaux, réinventent le monde… C’est décidé, plus tard Marcus volera.

Marcus n’est pas élevé comme tous les enfants. Un jour il porte une robe à volants, le jour suivant ses ongles sont peints en rouge. Pour leur deuxième enfant, la fille de Maria a fait un choix radical : nul ne connaîtra le sexe de l’enfant. C’est un bébé. Un bébé qui s’appelle Noun. Libre à Noun de choisir son genre comme on choisit un pays.

Maria est une grand-mère touchante et singulière ; elle perçoit le monde de façon synesthésique ; les personnes qui l’entourent, les sons, les événements ont une couleur. « Maria sait la couleur des gens, la couleur des sons et celle des odeurs. Les couleurs invisibles sont son secret et son privilège. »

La naissance de Noun cause une petite révolution – si ce n’est un raz-de-marée – dans sa vie : elle perd son emploi de coiffeuse et William la quitte en laissant ces quelques mots sur la table « C’est trop difficile. » La naissance de cet enfant est aussi la naissance d’un chagrin pour Maria, il fait émerger « sa honte, sa rage inexprimable », tout comme sa crainte de mal faire ou mal dire.

Je découvre l’écriture d’Angélique Villeneuve, riche et sensorielle. Un roman délicat et poétique, qui évoque la question du genre et ses extrêmes, sans aucun jugement.