Anne-Laure Bondoux – La Magnifique ***

Pocket – 2022 – 253 pages

*

À Maussad-Vallée, au milieu des champs et de nulle part, la vie n’est qu’une suite de calamités pour Bella Rossa… Alors qu’elle a tout juste vingt ans, la jeune femme a connu des sécheresses, des inondations, des incendies, des invasions de sauterelles, des coulées de boue, des épidémies… Sa mère l’a quittée quand elle était enfant et son père est devenu un vieil infirme toujours aussi odieux et violent en paroles – mais plus en gestes heureusement.

Bella Rossa ne supporte plus sa vie dans cette bourgade remplie d’abrutis et perdue, éloignée de toute civilisation ; les hommes deviennent tous fous furieux et injurieux dès qu’ils la croisent à cause de sa beauté flamboyante et – surtout – de son opulente poitrine. Elle n’attend qu’une seule chose : partir.

La jeune femme profite de la guerre pour se carapater avec sa cariole fraichement fabriquée et tout un stock de casseroles et chandeliers amassé au fil du temps, au fil de ses déboires. Sous le soleil implacable des plaines, Bella Rossa compte colporter sa marchandise de patelin en patelin, de ville en ville, peut-être jusqu’à l’océan. Elle espère retrouver ainsi la trace de sa mère. Sauf que la pire des calamités lui tombe dessus… L’amour.

Bella Rossa est une héroïne au tempérament de feu – une femme forte et fougueuse, qui ne se laisse jamais abattre et qui a plus d’un tour dans son sac. Les personnages secondaires sont tout aussi savoureux ; l’amoureux manchot, le père alcoolique et irrascible… Anne-Laure Bondoux nous offre un trio de personnages si attachants. Quelle pépite que ce roman piquant ! Une lecture féministe qui s’est révélée drôle, émouvante et surtout terriblement juste ❤️ Un bonheur de lecture par les temps qui courent.

Publicité

Chroniques Oubliées #6

Trop de chroniques en attente, légère baisse de motivation pour écrire sur mes lectures ces derniers temps. Je fais donc un billet unique pour rassembler ces dernières lectures.

Cynan Jones – Vers la baie

Un homme part en kayak seul, en mer. Il part en fait en mémoire de son père. Il souhaite disperser ses cendres sur cette mer qu’il aimait tant. Sa femme, enceinte, l’attend sur la plage. Un coup de tonnerre s’abat sur lui soudainement. Le kayak se retourne, l’homme s’évanouit – se réveille plus tard, seul au milieu de la mer, aucune terre en vue. La douleur vrille son corps. Sa mémoire vacille. Un de ses bras est paralysé ; un de ses doigts déchiqueté. J’ai aimé le style épuré. Les mots, tel un compte goutte, qui s’égrènent, poétiques, au rythme de ses pensées. Vers la baie est un très court roman, puissant dans l’instant. Mais qui sera vite oublié.

***

Taï-Marc Le Tanh – Et le ciel se voila de fureur

1865. Un chariot file en direction du Far West. Elles sont cinq gamines et un petit garçon aveugle recueilli sur la route. Abigaël, Lisbeth, Samantha, Ellen, Maureen et Anton. Une famille d’enfants perdus recueillis au fil des ans par Hidalgo, un mystérieux homme aux origines françaises ; un as de la gâchette. Ce petit pavé se déroule au fil de la mémoire d’une vieille femme qui se souvient de son enfance perdue dans l’immensité et la sauvagerie du Far West. Un roman d’aventure féministe et captivant, qui nous plonge dans l’Ouest sauvage, où la seule loi qui règne est celle de la vengeance.

***

Kate Chopin – L’éveil

Madame Pontellier. Une femme mariée, mère de deux enfants. Nous sommes à la fin du XIXème siècle en Louisiane. C’est l’été – dîners mondains, balades en bords de mer. Edna Pontellier a vingt huit ans. Elle rencontre Robert Lebrun et peu à peu, se réveille de la torpeur qu’était sa vie jusqu’à présent. Elle se réveille et passe sa vie au crible. Edna se remet à peindre. À créer. Semble se mettre soudainement à vivre. L’éveil est une lecture qui saisit, qui secoue, à l’écriture sensuelle et chargée d’intensité émotionnelle. Kate Chopin brosse un portrait de femme inoubliable, libérateur.

***

Aude Seigne – L’Amérique entre nous

Un couple débarque à New York après une semaine de traversée de l’Atlantique. Ils restent 3 mois sur le sol américain. 3 mois de road trip. Elle interview des stars complexées et sublimes. Il photographie la faune locale. Elle nous livre ses réflexions, entre introspection et souvenirs. Les chapitres alternent entre le passé – lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte – et le présent – l’asphalte qui se déroule, les villes grandioses, les paysages hypnotiques ; cette Amérique où la frontière entre réalité et fiction est si poreuse, si floue. Cette Amérique qu’elle attendait tant. Ce voyage qui est censé les réconcilier, les rapprocher. Ce voyage qui sera pour elle l’occasion d’aborder avec lui son amour pour un autre. Un roman que j’ai surtout apprécié pour l’aspect road trip américain ; j’ai été moins sensible aux réflexions sur l’amour et les relations de la narratrice.