Delphine Bertholon – Celle qui marche la nuit ****

Albin Michel – 2019 – 236 pages

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Malo vient d’emménager dans une vieille petite bicoque, en pleine campagne, entourée de forêts, quelque part près de Nîmes. Son père et sa belle-mère sont aux anges, leur rêve se réalise. Mais Malo a dû quitter son meilleur ami Pop’ et ses virées en skate dans les rues parisiennes, ses weekend au cinéma ; Paris et les Buttes Chaumont lui manquent.

En plus, depuis qu’ils sont arrivés, malgré la canicule, une sueur glacée lui colle au dos… Cette maison, il ne la sent pas du tout. Tout ces bruits, ces craquements, ce silence trop dense. Sa petite sœur de cinq ans se met à hurler la nuit et il ne la reconnaît plus – elle parle toute seule et son regard n’est plus le même. Elle semble s’être liée d’amitié avec une fille qu’elle est la seule à voir. Mais le pire dans tout ça, c’est que ses parents ne se rendent compte de rien.

Pour passer le temps, Malo explore la maison, de la cave au grenier, bien décidé à en percer le mystère. Il enfourche son vélo chaque jour et parcourt les forêts à la façon du petit poucet, pour ne pas se perdre. C’est comme ça qu’il tombe sur une maison en ruines, aux airs inquiétants… Dans laquelle il va découvrir une cassette audio et exhumer une histoire vieille de 30 ans.

Le roman de Delphine Bertholon est terriblement bien écrit et l’intrigue, sous la forme du journal intime de Malo, est bien ficelée et accrocheuse ; tous les ingrédients sont réunis pour faire frissonner et ménager le suspense. L’atmosphère est gluante et angoissante. Ça se dévore, le cœur battant !

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Chroniques oubliées #6

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Cela faisait un moment que je n’avais pas eu recourt aux Chroniques oubliées pour compulser ces lectures pour lesquelles j’ai du mal écrire une chronique entière mais que je tiens quand même à vous présenter. Au programme aujourd’hui, un roman de Laurent Gaudé au sujet poignant, un polar technologique et un roman graphique addictif.

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9fc4213c8b3414aa57bce58b5b319765Le commandant Salvatore Piracci sillonne les mers à bord du Zeffiro. Au large de l’île de Lampedusa, cela fait vingt ans qu’il est chargé de rechercher les clandestins, les sauvant parfois de la noyade. Parmi ces rescapés, une jeune femme éreintée par la vie, rouée de coups par le sort – « c’était de la visage de la vie humaine battue par le malheur. » Deux ans plus tard, elle retrouve le commandant. La jeune femme lui confie son histoire et a une demande particulière à lui faire… il n’y a que la vengeance qui la maintient en vie. Eldorado met en lumière ces êtres en fuite, qui quittent leur vie, leur patrie, leurs familles pour survivre, pour espérer un destin meilleur. Un roman poignant ; on se laisse emporter et saisir par l’émotion contenue dans la plume de l’auteur. « Ces silhouettes qui n’ont ni nom ni histoire, dont personne ne sait rien – ni d’où elles viennent ni ce qui les anime. »

 

 

 

 

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Depuis que son meilleur ami Arnaud est entré à l’Institut Alice, une nouvelle école pour surdoués, Sam n’a plus aucune nouvelle de lui. C’est pourtant curieux, ils sont inséparables. Afin de percer le mystère qui pèse sur le silence de son ami, l’adolescente, également surdouée, décide de passer le test d’admission à son tour… Un roman ingénieux et addictif, rondement mené. Un polar technologique qui s’inspire de l’univers de Lewis Carroll qui m’a beaucoup plu et que j’ai dévoré.

Editions du Rocher – 2019 – 168 pages

 

 

 

 

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81W4eKeScwLLa vie d’Anya lui semble cauchemardesque ; son petit frère enterre ses bijoux, sa mère cuisine trop gras, et elle est complexée par ses rondeurs et son accent russe. Au lycée, elle a du mal à s’intégrer. Un matin, l’adolescente loupe volontairement le bus et en pénétrant dans une forêt, elle tombe dans un puits. Elle y passe plusieurs heures aux côtés d’un squelette… et le fantôme à qui il appartient ne tarde pas à se manifester. Il s’agit d’Emily, une adolescente tombée dans ce même puits quelques décennies auparavant. Emily va l’aider à sortir du trou puis la suivre et vite se rendre indispensable à Anya. Elle devient sa meilleure amie, sa confidente. Mais le fantôme ne lui cacherait-il pas quelque chose ? Anya peut-elle lui faire confiance ? Une BD qui se déguste avec frénésie et moult frissons. Les dessins en noir et blanc installent une ambiance singulière, feutrée. L’intrigue est bien ficelée. Un vrai plaisir de lecture !

Editions Rue de Sèvres – 2019 – 221 pages

Xavier de Moulins – La vie sans toi **

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JC Lattès – mars 2019 – 304 pages

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Eva et Paul sont restés ensemble malgré le drame qui les a ébranlés il y a 8 ans. Eva passe sa vie à voyager pour le travail, sauter dans l’Eurostar pour Londres, attraper des vols pour l’Amérique du Sud. Tout ça pour gérer l’argent des riches. Les rendre encore plus riches. Elle vit à cent à l’heure, immergée dans les chiffres, le monde de la finance. Les sables mouvants des marchés financiers. Quant à Paul, il peint dans son atelier – il se retrouve en panne d’inspiration alors que son exposition a bientôt lieu.

Le père s’est réfugié dans sa peinture et la mère dans son travail.

Les voix de l’homme et de la femme alternent, chapitre après chapitre. Les Je se succèdent, se répondent. Qu’est ce qui les ronge depuis 8 ans ?

Eva fait la connaissance d’Andreas Serain, comme serein mais avec un a. Un homme doux et mystérieux. Qui l’attire dans ses filets. Parfaite occasion pour la mère de famille meurtrie de s’extraire de cette vie peuplée par les fantômes du passé.

Décidément les thrillers ne me réussissent pas ces derniers jours. Encore une déception. La vie sans toi est un thriller psychologique avec une pointe de surnaturel sur le deuil, les fantômes du passé qui s’est révélé bien vite addictif et dont j’ai tourné les pages avec avidité. Mais quelle fin décevante ! Un retournement de situation auquel je n’ai pas cru le moins du monde ; la dissociation d’identité, voie de la facilité ? …

Fernanda Melchor – La saison des ouragans **

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Grasset – 20 mars 2019 – 288 pages

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« Ils progressaient sous le chant du passereau recruté pour jouer les sentinelles dans les arbres, dans leur dos, sous le tintement des feuilles violemment écartées, ou le bourdonnement des pierres fendant l’air tout près d’eux, ou encore sous la brise chaude pleine d’urubus éthérés se découpant sur un ciel presque blanc, dans une puanteur plus redoutable encore qu’une poignée de sable jetée au visage, une véritable infection qui donnait envie de cracher pour éviter quelle ne s’enfonce jusque dans les tripes et qui leur ôtait l’envie d’avancer. Mais le chef montra le bord du ravin et tous les cinq, à quatre pattes sur l’herbe sèche, ne faisant ensemble qu’un seul corps, dans un nuage de mouches vertes, finirent par reconnaître ce qui émergeait au dessus de l’écume jaune de l’eau : c’était le visage putréfié d’un mort entre les joncs et les sacs en plastique que le vent ramenait de la route, un masque sombre où grouillaient une myriade de couleuvres noires, et qui souriait. »

Aux abords du village de La Matosa, dans un canal d’irrigation, des enfants font une macabre découverte : ils tombent sur le corps sans vie de celle que l’on appelait la Sorcière, depuis toujours, sans même jamais avoir connu son vrai prénom – peut être n’en avait-elle même pas, sa propre mère proclamant à qui voulait l’entendre qu’elle était née du Diable. Les hommes avaient l’habitude de se rendre chez elle pour vendre leurs corps ; les femmes pour y chercher un remède et des réponses à leurs maux.

Au fil des chapitres, nous remontons le fil des événements pour comprendre le sens de ce meurtre et découvrir la vie d’hommes et de femmes misérables : Luismi, toxico tout rachitique, dont la petite amie se retrouve aux urgences après d’importants saignements survenus après l’une de ses visites chez la Sorcière. Norma qui est abusé à l’âge de douze ans par Pepe, son beau-père. Munra qui était au volant du camion qui a transporté le cadavre de la Sorcière. Et Brando, un adolescent pervers et misogyne.

Un roman mexicain dont l’écriture très travaillée m’apparaît au début un peu hermétique – des phrases à rallonge, qui n’en finissent plus… Je finis pourtant par me laisser porter par les mots de Fernanda Melchor, envoûtants ; mais je suis effarée par la noirceur de ce roman ! C’est noir de chez noir…

L’auteure peint le portrait d’une société mexicaine qui se débat avec ses démons les plus odieux ; misère, drogue, folie et abus en tous genres sont monnaie courante dans cette région où les rumeurs et les fantômes vous guettent à chaque coin de rue. Fernanda Melchor nous plonge dans les profondeurs de l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus laid. C’est cru, violent, sanglant et pervers. Certains passages m’ont révulsés, d’autres m’ont carrément donné la nausée… Les chapitres défilent et le sentiment de malaise grandit, jusqu’aux derniers mots. Un roman ambitieux et étonnant, que je referme avec soulagement. A lire, le cœur bien accroché.

Anne-Laure Bondoux – Valentine ou la belle saison ***

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Fleuve éditions – 2018 – 408 pages

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Valentine a 48 ans, elle est divorcée depuis une dizaine d’années, a deux enfants qui vivent leur vie loin d’elle et n’a pour seul travail la rédaction d’un guide pour ados. Sur un coup de tête, après une promenade dans les rues de Paris et deux martinis, elle décide de s’installer quelques temps chez sa mère Monette et son chat Léon, dans les collines de sa Corrèze natale.

La seule chose dont Valentine est certaine, c’est d’être arrivé au terme de la première moitié de sa vie. Mais que faire de la seconde moitié ? En attendant, elle reste avec sa mère, le chat, les arbres, la boue des chemins sous les semelles, l’air piquant et le feu de bois, les parties de scrabble. Sans oublier quelques verres de Suze, pour se remonter.

En faisant un brin de ménage, elle retombe sur la boîte à chapeaux dans laquelle Monette conservait les photos de classe des enfants. Valentine constate avec effroi que sur beaucoup de photos une silhouette est entièrement recouverte au marquer noir…

Et puis un matin, son frère débarque avec son vélo, ses états d’âme et une révélation pour le moins bouleversante.

Je prends plaisir à retrouver l’écriture vive et alerte de Anne-Laure Bondoux. Je me suis attachée immédiatement à ces deux personnages féminins drôles et touchants : Valentine et Monette, et j’ai dégusté chaque page de ce roman aux allures de polars, lumineux et optimiste envers et contre tout, qui nous invite à percer le mystère d’un secret de famille à plusieurs tiroirs… D’une écriture teintée d’un humour comme je les aime – tendre et malicieux – l’auteure se joue de la réalité ; cette réalité que les personnages ont du mal à accepter.

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« A 50 ans, je me dis qu’on n’est parfois rien de plus qu’un petit garçon dans un costume de grande personne. »

Marie-Christophe Ruata-Arn – Sept roses rouges pour Rachel **

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Éditeur : La Joie de Lire – Date de parution : 2018 – 272 pages

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Elena est en route avec sa mère pour Cigliano, petit village italien écrasé par la chaleur estivale. La jeune fille est furieuse car elle devait passer la soirée avec son amoureux musicien et ses amies Prune et Sarah. Mais elle a loupé son bac, elle n’a donc pas son mot à dire… En août, il fait une chaleur à crever dans la plaine du Pô et il n’y a aucun réseau. Mère et fille font le voyage afin de signer le contrat de vente de la maison de la grand-mère, la nonna Rachel. Des histoires un peu folles s’échangent dans le village à propos de cette vieille bicoque perdue au milieu des rizières où Elena a passé tous ses vacances d’été lorsqu’elle était enfant. Selon certains, les semaines précédant sa mort, la nonna aurait été vue en train de parler et de danser seule au milieu de son salon, en pleine nuit. Comme personne n’a envie d’entrer dans cette maison qui semble bruissante d’esprits, c’est Elena qui va s’y coller, afin de se racheter une conduite auprès de ses parents.

Un joli roman surnaturel, d’une surprenante poésie que j’ai trouvé charmant et déroutant. J’ai aimé cette histoire d’amour et de fantôme. Alors oui, la fin est attendue et facile, peut-être trop convenue, mais le côté insolite de ce roman m’a séduite.

Roman lu dans le cadre de l’opération masse critique Babelio

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