Yasha Breen – Château Charbon **

CVT_Chateau-charbon_2732

Slatkine & Cie – août 2020 – 224 pages

*

Marceau passe son temps à accompagner les gens à leur insu. Il aime les suivre sans qu’ils le sachent. C’est sa façon à lui de se faire des amis, d’être avec les gens, de partager leur quotidien. Comme cette fille qu’il a un jour croisé dans le bus et qu’il suit quotidiennement – Louise.

De Marceau, on ne sait pas grand chose, si ce n’est qu’il demeure traumatisé par la mort de son frère et par la dislocation de sa famille.

Parallèlement, on suit Schwartz, dont le passe-temps est de voler des fringues de valeur pour les revendre sur le bon coin, tout en dealant.

Et le Château Charbon, lieu de squat associatif privilégié pour des activités et ateliers qui finira démantelé.

De cette lecture, j’en suis ressortie un peu perdue, ne sachant pas du tout où l’auteur voulait en venir. L’écriture ne m’a pas transcendée et je ne suis pas parvenue à m’attacher à cette bande de losers. Sans boulot. Qui vagabondent. Volent. Dealent. Je n’ai pas saisi le sens de ce roman que j’ai trouvé bien maladroit ; les thèmes qui y sont abordés auraient mérité d’être davantage analysés, explorés – l’autisme, la culpabilité, la délinquance. Bref, je suis complètement passée à côté !

Publicité

Nathacha Appanah – Tropique de la violence ***

product_9782070197552_195x320

Éditeur : Gallimard – Date de parution : octobre 2016 – 174 pages

*

À 26 ans, Marie tombe amoureuse de Cham, infirmier comme elle, originaire de l’île de Mayotte. L’année suivante elle se marie et le suit pour vivre sur cette île dont il lui a tant parlé, lui racontant son enfance, ses légendes. Une fois sur place, la réalité la rattrape. Elle désire ardemment un enfant, n’y parvient pas. C’est une clandestine débarquée d’un kwassa sanitaire qui lui donnera un enfant emmailloté de bandelettes, aux yeux vairons. Elle l’appellera Moïse.

L’oeuvre de Nathacha Appanah met en scène cinq personnages, cinq destins qui vont se croiser. Et que l’île va détruire et transformer. Chaque personnage prend la parole à tour de rôle. Il y a Marie Moïse son fils avec son œil vert, l’œil du djinn. Bruce, le chef de bande de  Gaza, le bidonville de Kaweni. Olivier, le flic. Stéphane, le directeur de l’association d’aide aux jeunes.

L’auteure décrit avec talent l’atmosphère de cette île fascinante et terrifiante, nous offrant un contraste saisissant entre son apparence paradisiaque et la violence humaine qui y règne. Mayotte, c’est le parfum d’ylang-ylang à la tombée de la nuit, le chant des roussettes, les manguiers aux fruits sucrés, les légendes qui circulent à propos des esprits, des djinns, le bleu du lagon dans la baie de Mamoudzou.

Mais derrière ses apparences sauvages et sublimes, celle que l’on appelle l’île aux parfums cache une violence incroyable, une jeunesse livrée à elle-même, dès le plus jeune âge. Drogue, prostitution, trafics en tous genres, absence d’avenir. Mayotte ce sont aussi les kwassas kwassas qui charrient des centaines de clandestins, le mourengé au son des tambours… On découvre un pays sauvage et au bord du chaos, qui exhale le sang, le meurtre, la folie, l’enfer de la pauvreté, la lie, la fange. « Gaza c’est un no man’s land violent où les bandes de gamins shootés au chimique font la loi. Gaza c’est Cape Town, c’est Calcutta, c’est Rio. Gaza c’est Mayotte, Gaza c’est la France. »

Un court roman percutant, porté par une langue âpre et poétique, qui m’a fait l’effet d’un coup de poing. Une plume incroyable, que j’ai trouvée sublime au point d’avoir envie de scander à voix haute certains passages.

***

« J’ai un tel désir pour ce pays, un désir de tout prendre, tout avaler, gorgée de mer après gorgée de mer, bouchée de ciel après bouchée de ciel. »

« La nuit était silencieuse, épaisse et chaude. Elle se pressait contre moi et j’ai eu l’impression qu’elle pourrait m’avaler et que ce serait sans douleur et tout doucement. J’ai sorti le couteau et j’ai fait quelques figures dans l’air comme si je pouvais découper la nuit en morceaux et porter ces morceaux à ma bouche. »

« Pendant longtemps, je ne suis pas sorti de Gaza. Pendant longtemps j’ai été mort car je suppose  que c’est ce vide-là qu’on a dans le ventre et dans le cœur quand on est mort. »

 « Quand Stéphane me demandait pourquoi je lisais toujours le même livre, je haussais les épaules parce que je ne voulais pas lui expliquer que ce livre-là était comme un talisman qui me protégeait du monde réel, que les mots de ce livre que je connaissais par cœur étaient comme une prière que je disais et redisais et peut-être que personne ne m’entendait, peut-être que ça ne servait à rien mais qu’importe. »