Andrew Ridker – Les Altruistes ***

Les-altruistes

Rivages – 28 août 2019 – 432 pages

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Dans la famille Alter, il y a Arthur le père, qui enseigne l’ingénierie à l’Université de Danforth dans le Missouri, espérant ardemment être titularisé à la fin de chaque année scolaire, en vain. Francine la mère, thérapeute à domicile qui est morte il y a deux ans d’un cancer foudroyant. Maggie la fille, anorexique se voilant la face et s’affamant depuis la mort de sa mère, qui multiplie les petits boulots pas toujours payés, qui lutte contre le capitalisme à outrance et tente de rééquilibrer le monde avec de menus larcins par-ci par-là. Et Ethan le fils, qui avoue son homosexualité à ses parents à l’adolescence. Depuis la mort de sa mère, Ethan s’est complètement replié sur lui-même, il ne sort plus de chez lui, paye tout en ligne, se fait livrer et dépense des sommes astronomiques. Il ne supporte plus les lieux publics et le regard des autres l’angoisse.

Vivant à New York, Maggie et Ethan reçoivent tous les deux une lettre manuscrite de leur père, leur demandant de venir le voir chez lui, à Saint Louis. La lettre ne comporte pas plus d’explication. Mais depuis la mort de Francine, Maggie et Ethan semblent avoir pris leurs distances vis à vis du père de famille. On va vite comprendre pourquoi…

D’une écriture maîtrisée et acérée, maniant l’ironie et l’humour justement dosé avec brio, Andrew Ridker nous offre un premier roman très abouti et désopilant ; l’histoire d’une famille morcelée, chaque membre en proie à ses propres démons, qui portent différents noms : Remord, Culpabilité, Argent, Cupidité

L’écriture est vraiment remarquable et ma lecture est vite devenue addictive. J’ai dévoré cette tragi-comédie avec plaisir et délectation. Les Altruistes est une de ces lectures jouissives dont on redemande ! Je crois qu’Andrew Ridker est un nom à retenir pour les prochaines années en matière de littérature américaine…

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« Le feu s’acharnait contre la famille Alter. Une série d’embrasements avait ponctué tout l’automne, une de ces suites d’incidents sans lien entre eux et qui ne prennent un aspect prémonitoire qu’avec le recul. »

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Eve Chambrot – La Fuite ***

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Éditeur : Envolume – Date de parution : août 2016 – 104 pages

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Un homme, chef d’une entreprise qu’il a lui-même fondée, cherche à prospérer à tout prix. Il aime gagner de l’argent. Il se marie avec Sabine, plus par nécessité que par passion. Il désire ardemment un fils, ils auront deux filles. Il commence à en vouloir à sa femme, qui n’est pas capable de lui donner un fils. Bientôt, son entreprise bat de l’aile et il se retrouve en pleine faillite…

Peu à peu, on assiste à la descente aux enfers de cet homme et au lent processus de destruction et de folie qui s’empare de lui. Il commence par perdre la foi ; lorsque son entreprise fait faillite, il se met à mentir à sa famille, afin de ne pas perdre la face et de sauvegarder les apparences. Il part tous les matins comme s’il allait travailler mais se retrouve sur une aire d’autoroute, à lire des poèmes dans sa voiture.

C’est l’histoire d’un homme qui perd pied avec la réalité. Il commence à mentir à ses amis proches et ses anciens collègues pour leur soutirer de l’argent. Tous les mensonges et les moyens sont bons pour obtenir de l’argent, il y prend goût. Il ment à sa femme, qu’il entraîne sans s’en rendre compte dans cette spirale infernale. Parallèlement, il semble de plus en plus obsédé par son ancien amour, Ornella et il demeure hanté par l’œuvre de Dante, L’Enfer.

C’est un roman qui fait littéralement froid dans le dos et qui m’a révolté tout comme il m’a fasciné ; l’aspect religieux est très présent. Le comportement de cet homme est insupportable et on ne comprend pas l’absence de réaction de sa femme. L’écriture s’avère tranchante comme une lame de rasoir et l’auteure décrit avec brio la transformation psychologique de cet homme au départ ordinaire. On sent la rage qui l’anime et son désespoir. J’ai lu ce roman, aux allures de thriller, en véritable apnée et j’en suis sortie sous le choc.

Mille mercis aux éditions Envolume pour cette lecture !

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« Son mari est comme une grenade dégoupillée qui serait posée sur la table de la cuisine, on vaque à ses occupations en la tenant à l’œil, on essaie d’éviter toute vibration intempestive et on creuse les épaules par avance en prévision de l’explosion. »

« J’ai décidé ce jour-là qu’il n’y aurait pas d’autre Noël dans ces conditions. Il fallait se résoudre, trancher dans le vif. Tout cela avait assez duré. »

« Sommes-nous, oui ou non, responsables de nos actes ? Sommes-nous responsables de nos actes quand nous y sommes poussés par la réalité extérieure, la vie à affronter, le manque de chance, l’économie qui bat de l’aile, les banquiers sourds et aveugles, le fisc en embuscade, un mariage qui se délite, la trahison des proches, les dogmes qui empêchent le bonheur ? De qui est-ce la faute, à la fin ? Est-ce la faute de la marionnette ou de Celui qui tire les ficelles ? »