Ian Manook – Heimaey ***

Le Livre de Poche – 2019 – 576 pages

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Pour renouer avec elle, Soulniz propose à sa fille Beckie de lui faire découvrir l’Islande et ses merveilles, 40 ans après l’avoir lui-même découverte. Beckie a dix-huit ans et depuis la mort de sa mère, elle s’éloigne de son père. Soulniz a l’impression de la perdre ; il est donc prêt à tout pour sauver leur relation.

Mais les retrouvailles se trouvent vite ternies par l’atmosphère de leur voyage … Ces mots anonymes déposés sur leur pare-brise. Cet homme étrange qui semble être toujours au mêmes endroits qu’eux. Cette voiture qui semble les suivre.

Heimaey est un polar prodigieusement dépaysant qui se dévore ! Suspense et immersion islandaise sont au rendez-vous. Le contraste entre la splendeur de l’Islande – sa nature à couper le souffle – et l’horreur de l’intrigue est saisissant. Un thriller talentueux et très addictif porté par une belle écriture terriblement efficace.

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Tess Sharpe – Mon territoire ***

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Pocket – octobre 2020 – 592 pages

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Harley n’a que 8 ans lorsqu’elle perd sa mère et voit son père assassiner un homme de sang froid. Son père n’est autre que Duke McKenna, un des barons de la drogue les plus brutaux de la côte californienne, toujours en guerre contre les Springfield, eux aussi plongés jusqu’au cou dans le trafic des précieux cristaux.

Harley aime passer des heures en forêt ; son enfance est parsemée de fusillades et règlements de compte – à 12 ans elle sait déjà tenir un revolver pour se défendre, et quelques années plus tard, elle apprend à se débarrasser d’un corps. Son père l’a élevée de façon à ce qu’elle lui ressemble ; il lui apprend à survivre dans n ‘importe quelle situation.

Devenue jeune femme, Harley vadrouille, fusil en main, afin de collecter les recouvrements de dettes ; elle possède un don inné pour le tir, ne ratant jamais sa cible. Elle tient de son père, pour sa force de caractère et son instinct de chasseur, mais aussi de sa mère, pour son implication et son dévouement dans la lutte contre les violences faites aux femmes ; elle dirige le Ruby, une maison qui vient en aide aux femmes battues.

Harley n’a pas vraiment eu d’adolescence et n’a pas la même jeunesse que les gens de son âge. Son destin est tout tracé par son père, par son clan. La vengeance, elle l’a reçue en héritage. Bien décidée à ne jamais devenir comme son père, elle est prête à tout pour sauver ceux qu’elle aime et pour prendre son destin en mains.

Mon Territoire est un thriller à l’écriture aussi acérée que la lame d’un couteau ; l’intrigue est habilement ficelée et la narration possède un rythme soutenu – alternant souvenirs et présent – sans fausses notes. Je me suis rapidement attachée à cette héroïne au caractère incroyable, qui n’a pas froid aux yeux. Gros coup de coeur pour ce thriller féministe intelligent et ébouriffant ! Une lecture excellente du début à la fin, dont je suis sortie conquise.

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« Et je le vois dans ses yeux, le moment où il se rend compte qu’il est foutu. Qu’il n’est rien. Qu’il n’y a rien de plus fort qu’une femme qui s’est relevée des cendres du feu allumé par un homme. »

Sandrine Collette – Des noeuds d’acier **

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Le Livre de Poche – 2014 – 264 pages

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L’Affaire Théo Béranger a défrayé la chronique au cours de l’été 2002. Théo n’avait rien d’un ange. Un homme qui avait la violence chevillée au corps. Qui juste avant les faits, venait de sortir de prison pour avoir massacré son frère.

La narratrice, dont on ne connaît pas l’identité nous livre le journal de Théo, qu’elle a eu entre les mains. L’homme y raconte sa fuite dans un petit village de campagne, ses longues balades dans la nature, conseillée par sa logeuse Mme Mignon. L’éclat dans ses yeux ce matin là quand elle lui recommande d’emprunter ce petit sentier pour accéder à une vue incroyable… Et puis la façon dont il tombe sur une vieille bâtisse éloignée de tout et sur deux vieillards. La façon dont il se retrouve assommé et enchaîné dans leur cave.

Un roman glauque qui me pétrifie de plus en plus au fur et à mesure que j’avance dans ma lecture. Arrivé au milieu, j’hésite même à abandonner. C’est lent et sordide à souhait et le sentiment de malaise qui s’installe en moi s’épaissit. Je n’ai qu’une envie, finir cette lecture au plus vite. La tension grimpe dans les dernières pages. L’angoisse aussi. Un captivity thriller très bien ficelé et efficace, à lire quand on a le moral !

Camilla Grebe – Un cri sous la glace **

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Le Livre de Poche – 2018 – 502 pages

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Jespere Orre, PDG controversé et mal-aimé d’une célèbre chaîne de prêt-à-porter scandinave, demande en mariage Emma, l’employée d’une de ses boutiques. La jeune femme est obligée de garder ses fiançailles secrètes jusqu’au jour J…

Deux mois plus tard, le corps atrocement mutilé d’une femme est découvert dans la maison de Jesper Orre. En découvrant la scène de crime, Peter et son collègue enquêteur ne peuvent s’empêcher de penser à un crime similaire qui a eu lieu il y a dix ans et qui ne fut jamais élucidé. Ils reprennent contact avec Hanne, une profileuse avec qui Peter a rompu il y a dix ans et qu’il n’a plus jamais revue… Hanne qui tient à tout prix à dissimuler sa maladie.

Au fil des chapitres, les voix de Peter et d’Hanne retentissent, ainsi que celle d’Emma, deux mois plus tôt…

Un thriller qui se révèle vite addictif, que je dévore au début sans trop savoir où je vais. L’écriture de Camilla Grebe est efficace ; l’alternance des points de vue et des temporalités est cohérente.

Hélas, dès la page 389 je devine sans difficultés le dénouement final. Je termine donc ce thriller sans surprise et déçue, avec une fin bien trop convenue et prévisible. Dommage !

Nathalie Bernard – Sept jours pour survivre ***

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Thierry Magnier – 2017 – 272 pages

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A Montréal, Nita Rivière se fait enlever le jour de son 13ème anniversaire, alors qu’elle chemine vers son collège. La jeune amérindienne se réveille quelques heures plus tard dans une cabane perdue au coeur de la forêt canadienne enneigée… Seule face à son agresseur au regard empreint de folie.

Nous suivons en alternance l’enquête qui s’ouvre sur l’enlèvement de l’adolescente, menée par les agents Gautier Saint-James et Valérie Lavigne. Au début, les enquêteurs pensent à une fugue ; Nita en a tout à fait le profil : son père est en prison, elle s’habille de façon gothique, est accro à une célèbre série de zombies et adore photographier les édifices et lieux désaffectés, les plaques d’égouts.

7 chapitres comme 7 leçons de survie – leçons qui vont aider l’adolescente à garder espoir et à se battre au sein de cette nature dépeuplée et hostile pendant 7 jours. Forcément je pense à mes précédentes lectures, Manuel de survie à l’usage des jeunes filles, Terres fauvesLe thème de la nature et de la survie ne cesse de m’attirer dans ses filets ces derniers temps.

Très vite l’intrigue m’a captivée. Sept jours pour survivre est un thriller jeunesse d’une qualité rare, impossible à lâcher, dont le rythme est soutenu – on tourne les pages en frissonnant, la boule au ventre. C’est angoissant, haletant et très bien écrit. Sur fond de thriller, Nathalie Bernard évoque la problématique des disparitions de jeunes filles amérindiennes qui demeurent inexpliquées au Canada et dont les enquêtes sont trop souvent négligées et demeurent sans suite.

Olivier Norek – Surface ****

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Pocket – mars 2020 – 394 pages

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La capitaine de police Noémie Chastain reçoit une décharge de fusil de chasse en plein visage pendant une descente dans l’appartement d’un narco-trafiquant. Nous la retrouvons quelques heures plus tard sur son lit d’hôpital, à sa sortie du bloc opératoire. Une quinzaine de plomb ont atteint la partie droite de son visage comme autant d’étoiles inscrites dans sa chair ; une cicatrice en forme de croissant de lune est désormais gravée sur sa joue droite.

Dans le miroir, Noémie ne se reconnaît pas ; cette femme défigurée ne peut pas être elle. Et puis son homme prend la fuite… Alors désormais, elle sera No, tout court.

No n’a qu’une hâte, réintégrer son poste à la brigade des Stups pour se jeter à corps perdu dans le travail. Mais le prestigieux 36 Quai des Orfèvres ne veut plus de cette capitaine de police hier encore héroïne nationale… On prépare sa mise au placard en l’envoyant un mois dans l’Aveyron, à Decazeville, un petit village bien trop paisible.

Surface est un polar qui se révèle fascinant dès les premières pages. L’écriture me captive dès les premiers mots. Noémie Chastain est un personnage très singulier, blessée et attachante. On se prend d’affection pour elle immédiatement ; sa vulgarité, son franc parler, sa vulnérabilité qu’elle masque avec une ironie et une répartie sans pareilles. Un portrait de femme unique ! Olivier Norek nous livre un thriller efficace et percutant, à l’intrigue bien ficelée et aux nombreux rebondissements jusqu’à la dernière page…! Une vraie réussite

Salvatore Minni – Anamnèse *

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Slatkine & Cie – octobre 2019 – 288 pages

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Chaque nuit, Marie rêve d’une femme en sang, poignardée, qui la supplie. Chaque matin, elle se lève, en état de choc, pour aller travailler. Elle est psychanalyste, elle reçoit ses patients et analyse leurs rêves – des cas souvent complexes et délicats. Parmi eux, Jack Lee, un homme profondément torturé et versatile, traumatisé par la mort de sa femme et de sa fille. Quand Marie ne cauchemarde pas, elle reçoit des appels d’un homme qu’elle ne connaît pas et qui l’appelle Vanessa et réclame vengeance…

Un thriller étrange et tortueux qui distille l’angoisse petit à petit. Des personnages énigmatiques mais avec finalement assez peu de profondeur et une intrigue sombre et surprenante, qui nous égare beaucoup trop. Ajoutez à cela des dialogues un peu guindés… Quelle déception ! J’ai fini par trouver ce thriller complètement tiré par les cheveux avec un retournement de situation incompréhensible et une fin alambiquée. Bref, j’ai cru tout comprendre au bout de 100 pages pour finir par ne plus rien comprendre du tout.

Eric Tourville – Chimaeris ***

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Editeur : Slatkine & Cie – Date de parution : février 2018 – 480 pages

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« Les gènes sont notre part d’éternité. »

Nous sommes dans le Vermont, pas loin de Salem. A la suite de l’appel d’un chasseur, Alex Fremont se rend dans une vieille ferme délabrée où il découvre quatre corps de gamines carbonisés. Sur la porte, un pentagramme peint en rouge. Une cinquième fillette semble s’être enfuie.

Quelques jours après cette macabre découverte, les fermiers qui vivent aux alentours de la ferme Higgins retrouvent leurs chiens éviscérés. On ne trouve plus d’oiseaux ni de gibier dans un rayon de vingt kilomètres autour de la ferme et les récoltes pourrissent sur pieds. Il faut dire que la vieille bâtisse a très mauvaise réputation – elle a été notamment le lieu d’un massacre en 1968.

La découverte de ces quatre cadavres et la façon dont les gamines ont trouvé la mort fait renaître les superstitions de chacun et semble mettre à mal les croyances des uns et des autres. Fremont se lance dans cette enquête, aidé de son vieil ami Edward Todd, médecin légiste très réputé.

Fremont est un flic attachant, qui tente avec les mots de maintenir le réel à distance, afin de survivre à l’insoutenable horreur de son métier. Son quotidien lui a apprend tous les jours que, bien souvent, les criminels n’ont pas besoin de prétexte pour faire le mal. J’ai aimé ce personnage de flic un peu torturé par son histoire personnelle – une histoire somme toute banale : une rencontre un enfant un divorce, l’usure du temps.

Un bouquin qui commence à la façon de n’importe quel thriller et qui peu à peu gagne en épaisseur et en intérêt. C’est bien simple, une fois commencé je n’ai pu le lâcher ! Eric Tourville manie habilement les codes du roman noir et la lecture se révèle haletante et fascinante. Un thriller qui aborde des questions de sciences et d’exobiologie, déploie des réflexions sur la destinée génétique, le déterminisme biologique – est-on programmé par son ADN pour ressembler à ses parents ? Peut-on changer ? Le comportement humain est-il essentiellement gouverné par le patrimoine génétique ? C’est également la criminalité et l’origine de la violence qui sont questionnées au travers de cette lecture.

Une enquête qui mêle peu à peu les « terreurs archaïques face au Démon et aux sorcières et des peurs plus modernes touchant à la radioactivité et aux extraterrestres ». Ajoutez à cela un suspense savamment étudié – arrivée à la page 300 le mystère reste entier, et ce jusqu’aux dernières pages… Chimaeris est un thriller intelligent et addictif qui m’a fait aller de surprise en surprise.

 

Gillian Flynn – Nous allons mourir ce soir ***

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Éditeur : Sonatines – Date de parution : 2016 – 60 pages

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La narratrice – dont on ne connaîtra pas le nom – travaille dans une drôle d’entreprise : elle est à la fois vendeuse de branlettes à des hommes mariés et diseuse de bonne aventure pour des femmes riches et désœuvrées. Arnaqueuse en herbe à l’enfance difficile, son savoir-faire lui a été transmis par sa mère. Elle a développé au fil des années un véritable don pour décrypter la psychologie de ses interlocuteurs.

Un jour, Susan, jeune mère de famille riche et désespérée, vient la consulter. La narratrice la trouve tout de suite différente des autres femmes. Attiré par l’appât du gain, elle lui propose son aide et se rend chez elle, au Carterhook Manor, une vieille demeure inquiétante qui dégage une aura particulière, comme si elle était vivante… La narratrice y rencontre le beau-fils de Susan, Miles, un adolescent sombre et effrayant, qui ne semble pas faire une simple crise d’adolescence…

Gillian Flynn excelle dans l’art de planter le décor et de distiller une atmosphère macabre en quelques pages seulement… Cette lecture m’a tout de suite glacée. Un roman sur la manipulation et le mensonge absolument génial, dont la chute est inattendue. J’ai adoré me sentir moi-même manipulée… Une lecture courte et intense, qui se dévore et qui nous laisse avec un sentiment très étrange mêlé d’angoisse et de questions avortées.

Sonja Delzongle – Quand la neige danse ***

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Éditeur : Folio – Date de parution : avril 2017 – 487 pages

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2014. A Crystal Lake, petite ville en Illinois qui connaît un hiver particulièrement rude, quatre fillettes, âgées de quatre à onze ans, disparaissent. Un mois plus tard, les parents reçoivent une boîte à chaussures contenant une poupée qui se trouve être le sosie de leur enfant, habillée comme le jour de sa disparition.

1991. Un jardinier aide Pupa à s’échapper de l’hôpital psychiatrique où elle est internée pour troubles schizophréniques. En effet, la jeune femme entend sa poupée lui parler…

Joe Lasko fait parti de ces parents endeuillés. Sa fille Lieserl avait quatre ans lorsqu’elle a disparu alors qu’elle faisait du patin à glace sur le lac gelé avec sa baby-sitter. Il est contacté par son amour de jeunesse, Eva, devenue détective privée. Ensemble ils décident de mener leur propre enquête en parallèle de la police, aidés par Hannah Baxter, une profileuse assez spéciale et hantée par un sombre passé.

J’ai été particulièrement surprise par le personnage original d’Al Stevens, ce policier épris de littérature et de philosophie, qui dévore du Nietzsche en rentrant chez lui pour se consoler et tenter de comprendre le monde dans lequel il vit.

L’ambiance de ce thriller est saisissante, et l’intrigue m’a immédiatement happée ; au fil des pages, le mystère s’épaissit pour laisser peu à peu la place au dénouement final. Un thriller haletant et passionnant, qui tient toutes ses promesses, malgré certains passages que j’ai trouvé un peu clichés et surfaits. En bref, un excellent moment de lecture, que je vous recommande.

Merci aux éditions Folio pour m’avoir fait parvenir cette lecture en avant-première !

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« Dans cette neige qui danse, elle voit une métaphore de la vie. Une formation – la naissance -, un parcours – la trajectoire et la façon dont elle tombe -, puis la dissolution ou la fonte – la mort. La libération. Elle n’y échappera pas non plus. Elle aimerait être un de ces cristaux à la structure parfaite avant de mourir. »

« Comme le scientifique, le policier est un enquêteur, un chercheur de vérité. Et son pire ennemi est son humanité. Débarrasser le monde du germe du Mal, comme traquer et éliminer les virus et les bactéries, telle était sa tâche, dans laquelle l’empathie n’avait pas sa place. »