Vanessa Springora – Le Consentement ***

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Grasset – janvier 2020 – 216 pages

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« Un père aux abonnés absents qui a laissé dans mon existence un vide insondable. Un goût prononcé pour la lecture. Une certaine précocité sexuelle. Et, surtout, un immense besoin d’être regardée. Toutes les conditions sont maintenant réunies. »

A l’âge de quatorze ans, Vanessa Springora tombe sous le charme d’un célèbre écrivain quinquagénaire. C’est lors d’un dîner mondain réunissant des personnalités du monde littéraire qu’elle le rencontre. Des yeux bleus glacier, un âge indéterminé, une prestance incroyable. Elle est magnétisée. Plus tard, G.M. il lui envoie des lettres. Puis se met à la suivre dans la rue, provoquant une rencontre. Suivie de rendez-vous. L’adolescente se laisse séduire par cet homme qui pourrait être son père et se retrouve très vite sous son emprise.

Vanessa Springora a aujourd’hui quarante-sept ans, et par l’écriture elle cherche à comprendre comment une telle relation a pu naître et perdurer quasiment deux ans. Comment dans les années 70, il paraissait normal qu’un homme de cinquante ans sorte avec une adolescente et n’en soit jamais inquiété le moins du monde. Comment sa mère a pu cautionner cette relation. Certaines scènes sont aberrantes.

L’écriture pour exorciser son passé, pour tourner enfin la page de ses quatorze ans.

Elle remonte le fil de son enfance ; abandonnée à l’âge de huit ans par son père, elle entretien une relation fusionnelle avec sa mère, éditrice. Elle noie son chagrin dans la lecture, dévore les livres. Son besoin d’être écoutée, regardée grandit en même temps que sa solitude s’aiguise.

Je suis restée abasourdie devant la liste des signataires de ces pétitions pour la dépénalisation des relations sexuelles entre adultes et mineurs dans les années 70. Choquée qu’il faille attendre 2020 pour qu’enfin on se demande si Gabriel Matzneff ne devrait pas répondre de ses actes

La description de cet homme fait d’ailleurs froid dans le dos. Vanessa Springora nous livre un portrait de prédateur sexuel et de pervers narcissique glaçant, qui donne la nausée – un homme charismatique qui manipule le verbe à la perfection, stratège et calculateur. « Toute son intelligence est tournée vers la satisfaction de ses désirs et leur transposition dans un de ses livres. »

Le Consentement est un récit d’une lucidité et d’une maîtrise incroyables, porté par une écriture magnifique, qui m’a laissée hagarde et révoltée.

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« La folie me guette lorsque, pendant les rares moments que je passe encore en classe, je me compare à mes camarades qui rentreront sagement écouter leurs disques de Daho ou de Depeche Mode en mangeant un bol de céréales tandis qu’à la même heure je continuerai à satisfaire le désir sexuel d’un monsieur plus âgé que mon père, parce que la peur de l’abandon surpasse chez moi la raison, et que je me suis entêtée à croire que cette anormalité faisait de moi quelqu’un d’intéressant. »

15 réflexions sur “Vanessa Springora – Le Consentement ***

  1. La voix qui raconte l’emprise de ce pédocriminel, je ne suis pas prête de l’oublier tant il a du falloir de courage, de volonté pour continuer à se construire. Tous étaient consentants. Tous ont laissé faire. Mais, sa plus grande réussite, c’est d’avoir emprisonné cet ogre, comme dans les contes de Grimm, comme elle le dit au début, dans des feuillets de papier ! Merci pour ce partage.

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  2. j’ai attendu d’avoir fini ma lecture pour lire les différentes critiques ..
    Même ressenti pour moi, l’attitude des adultes scandaleuse, celle de la mère en particulier…
    Quant à la pétition, certains m’ont fait bondir : nausées +++
    finalement elle semble s’en être bien sortie (selon ce que j’ai vu à LGL)

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