Jim Harrison – Dalva ***

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Editions 10-18 – 2016 – 471 pages

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Nous sommes dans les années 80. Dalva a la quarantaine et décide de s’installer dans le ranch familial du Nebraska ; les souvenirs l’assaillent : son adolescence, l’amour de Duane, la présence indéfectible de son grand-père complice, sa grossesse à l’âge de seize ans et ses mois de randonnées en Arizona avec son oncle Paul. Les deuils ; ces êtres chers partis beaucoup trop tôt. L’arrachement brutal à son fils nouveau-né qu’elle recherche obsessionnellement. Dalva a connu des pertes irrémédiables alors qu’elle n’est qu’au début de sa vie.

« Sois courageux, seule la terre perdure. » Ce sont les mots délivrés par son grand-père, qui lui reviennent en mémoire comme un mantra, tout au long du roman.

Grâce à Michael, son amant professeur alcoolique et névrosé, nous nous plongeons dans l’histoire familiale de Dalva à travers les journaux de son arrière-grand-père Northridge, écrits entre 1865 et 1890 ; ses mots racontent la douleur, les batailles et conflits qui opposent gouvernement américain et Amérindiens. Le massacre de Wounded Knee, Crazy Horse… l’histoire amérindienne défile sous nos yeux.

Lorsque j’entame ce roman, j’en trouve la lecture laborieuse ; j’ai du mal à me frayer un passage dans cette histoire de famille. Et puis, la magie commence à opérer au bout d’une centaine de pages. Je découvre un destin fascinant, une héroïne forte et émouvante, à laquelle je m’attache irrémédiablement.

Dalva est un de ces grands romans – qu’on n’oublie pas – porté par une prose incroyable ; on y découvre l’histoire de cette femme impétueuse au sang sioux, l’histoire de sa famille liée au peuple sioux. Dalva, c’est le roman des grands espaces – du Nebraska à l’Arizona en passant par la Californie… Jim Harrison nous offre une immersion au cœur des grandes plaines de l’ouest américain et un vibrant hommage aux peuples amérindiens.

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« Alors je me suis mise à pleurer. Je n’avais pas pleuré lors de l’enterrement, mais tous ceux que j’avais déjà perdus au cours de ma brève existence, deux pères, un fils, un amant, ont commencé de tourbillonner dans mon esprit, dans l’air du canyon, plus loin sur la rivière et jusque dans le ciel.

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Pete Fromm – Mon désir le plus ardent ***

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Gallmeister – Totem – mai 2019 – 288 pages

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Maddy s’était jurée de ne jamais sortir avec un guide de rivière et encore moins avec un mec de son âge. Et puis ses yeux se posent sur Dalton. Elle quitte Troy pour lui. Ils font toutes les folies possibles. Ils se découvrent une fougue incroyable. Ils se marient en pleine nature, face à la Buffalo Fork, dans le Wyoming. À la place des alliances, ils enlacent leurs mains dans l’eau de la rivière. Leur lune de miel, elle se fera en filant en kayak sur l’eau

Maddy est une femme sans attaches. Elle a besoin d’être libre comme l’air, de vivre au grand air, d’aimer sans conditions. Avec Dalton, ils veulent des enfants, toute une petite bande de pirates après lesquels ils passeraient leur temps à courir. Mais le petit Attila qu’ils désirent tant tarde à venir… et puis, la sclérose en plaque s’invite au creux de leur amour pour mieux les unir mais aussi pour mieux les détruire, psychologiquement, physiquement.

Un roman tout en délicatesse, empli de bienveillance et même d’humour, malgré la douleur et l’épreuve. J’ai aimé retrouver l’écriture de Pete Fromm qui m’avait tant séduite dans Indian Creek ; l’auteur a un vrai don pour faire naître l’émotion au détour des mots.

Mon désir le plus ardent est un roman d’une grande justesse, sans le moindre pathos et dont les derniers mots m’ont fait frissonner. Un roman sur la grandeur humaine avec des personnages pour lesquels on éprouve immédiatement une forte empathie. Plus qu’un roman d’amour, c’est une ode à la vie, à la liberté et à la nature.

Aurélie Callet & Clémence Prompsy – Je ne veux pas ! **

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Au fil de soi – mai 2019 – 160 pages

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Aurélie Callet et Clémence Pompsy se sont rencontrées dans les couloirs de la maison d’arrêt de Fresnes où elles étaient psychologues pour détenus il y a quelques années. Elles ont créé Kidz et Family avec le désir de renforcer les liens et le soutien entre parents et l’envie de s’entraider.

Ce manuel plutôt court souhaite rendre très accessible l’éducation positive, qui peut apparaître compliquée à mettre en pratique au quotidien, bien que très attrayante. L’éducation positive porte ses fruits sur le long terme.

Les deux psychologues commencent par proposer la métaphore de la maison : la porte d’entrée dans le monde de son enfant c’est le jeu ; les fondations sont consolidées par l’affection et l’attention. Les règles posées sont les fenêtres. Les limites sont le toit. Et les colères s’expriment par la cheminée. J’ai beaucoup aimé ce petit schéma, clair et concis, très parlant.

Je ne veux pas ! est un guide qui offre des pistes pour agir sans violence avec ses enfants et liste des astuces pour gérer les crises et complications au quotidien, sans punir ou s’énerver : se lever le matin, s’habiller, séparation le matin, sortie au parc…

Parmi ces outils : un amour inconditionnel – votre enfant doit comprendre que notre amour ne dépend pas de son comportement – mais aussi l’écoute, le plaisir partagé, le jeu. Elles insistent sur l’importance de remplir le réservoir d’attention de l’enfant, de tenir compte des capacités de l’enfant ; elles soulignent également l’importance de la verbalisation. Bref, il s’agit surtout d’adopter des réflexes de communication non-violente.

J’aime particulièrement leur astuce « Grand choix – Petit choix » : l’adulte prend la décision puis propose à l’enfant de choisir entre deux options propres à la décision. Exemple : « c’est l’heure de se laver, tu préfères un bain avec tes jouets ou une douche vite fait? »

J’ai trouvé ce guide plutôt bien fichu et très accessible mais certains passages ou propos m’ont laissé franchement perplexe… Comme ce passage sur les repas où on nous conseille d’obliger l’enfant à goûter tous les aliments car « goûter est obligatoire » (ah bon?)… Et je n’ai absolument pas compris le lien entre complexe d’Oedipe et peur/refus d’aller se coucher… Et le terme de « propreté » a le don de m’horripiler au plus haut point : non un enfant qui porte une couche n’est pas sale. Il est juste incontinent.

Et puis je regrette que les auteures n’évoquent les neurosciences que de façon très brève. Je regrette aussi qu’elles ne parlent absolument pas des émotions et des astuces pour les gérer, les accueillir… Enfin, dernier regret : aucune tranche d’âge n’est évoquée : on se doute que les conseils concernent les enfants de 2 à 7 ans environs, mais bon… un enfant de 2 ans ne réagira pas comme un enfant de 6 ans.

Pour résumer, il s’agit d’un petit guide qui s’inspire à 80% de l’éducation positive… les auteures voguent sur la vague de mode et font pas mal de publicité pour leur entreprise (beaucoup de conseils pour aller voir un psy dès que les parents se sentent vraiment dépassés). Je le recommande donc si vous êtes pressés et n’avez pas beaucoup de temps pour lire… Mais sinon, je vous conseille plutôt les ouvrages très documentés et riches d’enseignement de Catherine Gueguen : Pour une enfance heureuse et Vivre heureux avec son enfant.

Armistead Maupin – Chroniques de San Francisco ****

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 Éditions 10-18 – 2000 – 384 pages

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Dans un peu plus de deux semaines, je décolle pour l’Ouest américain… Et nous passons 3 jours à San Francisco. Alors, une petite relecture du premier tome des Chroniques de San Francisco s’imposait ! Je les ai dévorées il y a quasiment dix ans… Et c’est avec délectation que je me suis replongée dans le quotidien du 28 Barbary Lane à la fin des années 70 et de ses habitants, si attachants.

J’ai retrouvé Mary Ann, qui débarque tout juste de Cleveland, fuyant des parents envahissants et infantilisants. Elle rencontre Mme Madrigal qui lui offre un joint pour lui souhaiter la bienvenue dans sa demeure de Barbary Lane, sur Russian Hill… Le lendemain, la jeune femme se trouve un petit boulot de secrétaire dans une grande agence de publicité tenue par l’antipathique Edgar Halcyon, le père de la pulpeuse DeDe. Elle y fait la connaissance de Beauchamp, le mari volage de DeDe, qui ne la laisse pas insensible…

Barbary Lane, c’est aussi Brian, le coureur de jupons invétéré, qui drague au supermarché, à la laverie et écume tous les clubs branchés du moment.

C’est Michael Tolliver – alias Mouse – le gay le plus attachant de la littérature américaine ; qui drague sur patins à glace, se déguise en tout et n’importe quoi, et qui n’hésite pas à participer à un concours de danse du slip pour payer son loyer.

C’est Mona la sauvage, la touchante paumée.

C’est aussi Boris le chat.

Les scènes cocasses s’enchaînent subtilement ; certaines sont à mourir de rire, on se gausse, on se gondole, on se marre… Des dialogues tous plus croustillants les uns que les autres. Et entre les lignes, de l’émotion, brute. Des personnages sensibles. Et vrais. Même les seconds rôles sont bien croqués. Ajoutez-y un soupçon de mystère

La plume mordante de Maupin fait mouche, encore une fois. Cette relecture du premier tome des Chroniques fut on ne peut plus savoureuse et jouissive. Cette saga fait définitivement partie de mes indispensables. Je pense me replonger bientôt dans les suivants. ♡

Haruki Murakami – Le Meurtre du Commandeur – Livre 1 ***

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Belfond – octobre 2018 –  456 pages

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Quand sa femme Yuzu lui annonce qu’elle veut divorcer, le narrateur, un peintre trentenaire en mal d’inspiration, devenu malgré lui portraitiste, prend sa voiture et se met à sillonner le Japon, de part en part. Sa voiture finit par rendre l’âme et il s’installe dans une maison isolée sur une montagne, dont le propriétaire est Tomohiko Amada, un artiste de génie. C’est une maison coupée du monde, sans réseau, entourée de forêts… Une maison dans laquelle, étrangement, aucun tableau n’orne les murs. Et dans laquelle il sent comme une présence. Pour ne pas perdre la boule avec cette solitude, il donne des cours dans une petite école d’art en ville.

Le peintre passe ses soirées sur la terrasse, à fixer les étoiles. Sur la montagne en face, une autre demeure fastueuse, et un homme assis de la même façon que lui, perdu dans ses pensées, ou dans la contemplation du ciel. Qui est-il ? Il l’apprendra bien assez tôt : c’est monsieur Menshiki, qui est prêt à débourser une somme astronomique pour qu’il réalise son portrait. Un homme énigmatique à la chevelure blanche qui suscite bien des rumeurs… Et qu’il ne parvient pas au début à peindre ; quelque chose en cet homme résiste à la représentation.

Après la découverte dans le grenier d’une toile inédite de Tomohiko Amada, soigneusement enveloppée dans du papier – Le Meurtre du Commandeur – des événements pour le moins étranges commencent à se produire… Comme si quelque chose s’était déplacé, comme si un autre monde s’était entrouvert ; le narrateur semble avoir basculé de l’autre côté du miroir. Le frontière entre réel et irréel devient de plus en plus poreuse, incertaine.

Un roman hypnotique qui m’a happée dès les premiers mots : du pur Murakami, comme je les aime. Un roman qui rappelle Le Portrait de Dorian Gray, mais aussi Alice au pays des merveilles… Un pied dans le monde réel, et l’autre dans l’univers du conte et de la fantasmagorie. Ce premier tome est étrange et fascinant à souhait ; Murakami interroge et explore la part d’ombre en chacun de nous… Et on le referme avec l’envie irrépressible de se jeter sur la suite. ❤

Katharina Hagena – Le bruit de la lumière ***

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Editions Anne Carrière – août 2018 – 250 pages

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La narratrice est dans la salle d’attente d’un neurologue ; avec elle, quatre personnes attendent. Pour tromper l’ennui, par jeu, par excès d’imagination, elle s’amuse à inventer une vie pour chacun de ses compagnons d’attente. Un jeu qui interroge la frontière entre fiction et réalité.

Ainsi, cette jeune femme avec une plume collée sur la semelle de sa chaussure, ce sera Daphne Holt ; une botaniste qui travaille sur les mousses et leur typologie et qui part au Canada, à la recherche d’une collègue disparue. Et le veuf planqué derrière son journal ce sera cet homme d’âge mûr qui part au Canada à la recherche du souvenir de sa femme. Artiste sonore, il tente de capturer le son que fait une aurore boréale… L’enfant qui joue avec son téléphone sera un enfant autiste qui enquête pour retrouver sa mère et sa sœur parties pour la planète Tchou. Il interprète tout ce qu’il voit : distributeur de bonbons, bouches d’égouts, d’aération… comme un signe qui le mettra sur la piste de sa mère. [Un personnage qui me fait immédiatement penser au petit garçon du roman de Jonathan Safran Foer, Extrêmement fort et incroyablement près – à la recherche de son père dans le New York de l’après 11 septembre 2001.] Enfin, il y a cette vieille femme qui lance de curieux regards et ne cesse de fouiller dans son sac… Elle sera celle qui lutte contre la maladie d’Alzheimer.

Des personnages qui partent tous au Canada, attirés par les grands espaces, le froid, les aurores boréales, la sonorité indienne des régions et villes… Et une histoire qui semble revenir sous différentes versions au fur et à mesure des personnages inventés. Une fausse couche, un accident de voiture, une trahison / une disparition.

La narratrice réalise un entrelacs d’existences fictives qui se font écho. Et peu à peu, on se rend compte que les histoires de chacun de personnages ont toute un point de jonction, des motifs récurrent, une obsession commune. Elles se rejoignent : chaque histoire qui naît de l’imagination de cette femme est la variation d’une seule et même histoire : la sienne. Raconter l’histoire des autres pour ne pas avoir à raconter la sienne, pour la fuir – et malgré tout, la vérité fait lentement surface.

Une écriture fine et ciselée, entre humour et surnaturel. La lumière est celle des aurores boréales, du ciel ? Le bruit, celui de la neige qui craque sous les pas ou celui des souvenirs ? Un roman à la construction originale, qui m’a complètement séduite. Peu à peu le roman prend des allures de thriller, et l’énigme se déroule comme une pelote de laine jusqu’à la révélation finale. Une très belle réflexion sur la mémoire, les souvenirs, la frontière entre réalité et fiction, l’écriture et l’invention.

Marcus Malte – Le garçon ***

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Folio – août 2018 – 592 pages

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Il n’a pas de nom, ne parle pas et n’a quasiment jamais vu d’autres humains à part la femme qui est sa mère. Cette femme qui finit par mourir, face à la mer – ou cet immense lac qu’elle prenait pour une mer. « Mer, mer » répétait-elle avant de s’éteindre. Ces mots ne cesseront de le hanter.

Nous sommes en 1908 lorsque le garçon se met en chemin et quitte le sud. Il semble avoir dix ou douze ans. Il marche, de jour comme de nuit, séjourne dans un canyon. S’abreuve à la nature. Sur son chemin, il fera des rencontres marquantes qui vont le façonner, l’enrichir ; certains personnages resteront gravés en lui…

Comme ces habitants d’un petit hameau perdu – les premiers humains qu’il rencontre… Parmi eux, l’homme-chêne et Gazou, l’enfant-torrent, l’homme-renard, la femme-mante, l’homme-dindon… Méfiants, ils finissent par l’accueillir parmi eux, mais sans jamais se départir de leurs accusations.

Comme Babrek, l’ogre des Carpates, philosophe et lutteur de foire. Ses longues tirades, ses maximes, ses récits et formules sur la vie… Il ne les oubliera jamais.

Comme Emma Van Ecke, un visage d’une beauté singulière, barré d’une cicatrice… Emma et leurs ébats, Emma son grand amour. « Mon amour, disait-elle. » Pour elle, il sera Félix, en référence à l’émotion qu’il ressent pour chaque morceau de Mendelssohn.

Et puis, la Guerre viendra le chercher – il sera alors Mazeppa, envoyé comme chair à canon sur les champs de bataille, ces brasiers dévastateurs qui révéleront sa face la plus sombre.

Roman initiatique porté par une plume flamboyante et poétique, d’une grande richesse, Le Garçon m’a transportée. J’ai savouré l’écriture de Marcus Malte, non dénuée d’ironie.

La Grande et la petite histoire s’entremêlent. Sur trente ans – de 1908 à 1938 – nous suivons ce garçon dans l’évolution de sa représentation et de sa compréhension du monde, de l’humain – entre noirceur et lumière. Malgré le « il » distant, nous sommes au plus près des sensations et sentiments de l’enfant puis de l’adulte que la vie fait de lui.

Les pages sur la guerre et ses horreurs m’ont fait frôler l’ingestion ; je garde en tête cette liste de disparus et de morts sur plusieurs pages. L’accumulation, l’excès, l’horreur transpirent des mots.

Un de ces grands romans, qui restent en mémoire un moment.

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« Et de grâce faites que le mystère perdure. L’indéchiffrable et l’indicible. Que nul ne sache jamais d’où provient l’émotion qui nous étreint devant la beauté d’un chant, d’un récit, d’un vers. »

« Qu’y a-t-il de précieux en ce monde? Qu’y a-t-il de sacré? »

Joseph Kessel – Les amants du Tage ***

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Le Livre de Poche – 1971 – 159 pages

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Antoine est un homme peu avenant, misogyne sur les bords, peu sociable. Il faut dire qu’il a du mal à se remettre de la trahison d’Ann, son ex femme. De retour de la guerre en 1945, il la découvre avec un autre homme. Sans lui laisser le temps de réfléchir, sa main s’empare de son arme et l’abat sur le champ.

La justice l’épargne, il échappe à la prison. Il s’exile, voyage et travaille à droite à gauche ; il se retrouve à Lisbonne. Il se lie d’amitié avec un gamin de douze ans, José le Yankee et loge chez sa mère Maria, une femme tout en chair et bourrelets, tout en bonté aussi – quand elle rit, son corps fait des vagues. Un jour, il prend en taxi une femme mystérieuse aux yeux verts, Kathleen. Une jeune femme qui cherche à fuir ses démons et son troublant passé en débarquant à Lisbonne.

On va dire que c’est le premier roman que je lis de Kessel – j’ai dû lire Le Lion dans mon enfance, mais je n’en garde strictement aucun souvenir… Les amants du Tage m’attendait dans une boîte à livres et sa couverture vintage m’a tout de suite attirée.

Les amants du Tage, ce sont deux personnages torturés et hantés par leur passé qui vont vivre un amour qui s’annonce tragique dès les premières heures. C’est en écoutant du fado ensemble qu’ils tombent amoureux, sans tout de suite se l’avouer. La plainte du fado les révèlent l’un à l’autre, et met en lumière la solitude – et la détresse – qui couve en eux, et à laquelle ils tiennent tant.

J’ai plutôt tendance à fuir les histoires d’amour en littérature. Et pourtant, j’ai été saisie dès les premiers mots par l’écriture de Kessel, fluide et cinématographique. Ajoutez-y un soupçon de thriller psychologique. J’ai lu ce roman en une soirée, la gorge nouée par l’émotion.

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« Ici est la fin de l’Europe, dit Kathleen à mi-voix, le carrefour des océans. Ce balcon est celui du vieux monde. »

« Alors, elle sentit que sa seule chance de vivre était cet homme et que la chaleur, la force, la simplicité primitives de cet homme étaient pour elle les seules défenses, les seuls remparts contre la nuit, la brume, la solitude et les fantômes. »