Richard Wagamese – Jeu blanc ****

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Éditions Zoé – 2017 – 156 pages

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Saul Indian Horse fait partie des Indiens Ojibwés. Enfant dans les années 60, il grandit avec les siens dans la peur et la méfiance des blancs. Son frère et sa sœur se font enlever par les blancs – les Zhaunagush. Sa mère dépérit a vue d’œil et son père éponge son chagrin dans le whisky. Après la mort de sa grand-mère, Saul est envoyé à l’âge de huit ans à St. Jerome’s, un internat où on fait tout pour ôter toute « indianité » en lui, pour museler sa langue et ses racines.

« Quand on t’arrache ton innocence, quand on dénigre ton peuple, quand la famille d’où tu viens est méprisée et que ton mode de vie et tes rituels tribaux sont décrétés arriérés, primitifs, sauvages, tu en arrives à te voir comme un être inférieur. C’est l’enfer sur terre, cette impression d’être indigne. C’était ce qu’ils nous infligeaient. »

Menaces, insultes, coups, abus sexuels nocturnes, la violence est constante et quotidienne. Certains enfants meurent sous leurs yeux.

« St. Jerm’s nous décapait, laissant des trous dans nos êtres. Je ne parvins jamais à comprendre comment le dieu qui, d’après eux, nous protégeait, pouvait ainsi détourner la tête et ignorer pareilles cruauté et souffrance. »

Pour survivre à cet enfer sur terre, Saul se jette à corps perdu dans le hockey sur glace. Il s’entraîne en cachette avant d’avoir l’âge requis pour jouer. L’adolescent a un don pour ce jeu : il anticipe toutes les actions. Quand il file sur la glace, Saul oublie tout : l’horreur de son quotidien s’efface. « Je croyais bien avoir trouvé une communauté, un abri et un refuge, loin de toute la noirceur et la laideur du monde. »

Dès les premières pages, l’immersion dans la nature est totale ; avec les forêts habitées par les tribus indiennes, la description de leurs rites ancestraux, les légendes qu’ils se transmettent de générations en générations.

« Le feu faisait monter jusqu’à moi des parfums de cèdre, de sauge et de viande grillée, et j’avais grand-faim. La lune était pleine. Alors que le rythme du tambour et du chant ralentissait, tout le monde se joignit à la danse et j’entendis des rires aussi distincts que l’appel des oiseaux de nuit. »

L’écriture de Richard Wagamese possède une puissance d’évocation unique. Jeu blanc est un roman touché par la grâce, qui évoque le racisme envers les Indiens. C’est une lecture sans concession, très dure -l’histoire d’un Indien lacéré dans son identité qui cherche le salut.

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