Emma Cline – The Girls ***

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Éditeur : La Table ronde – Date de parution : août 2016

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Ma première lecture de la rentrée littéraire ! Avec un roman qui me faisait de l’œil depuis un moment… Lorsque je l’ai emprunté à la bibliothèque, on m’a conseillé un autre livre sorti en même temps et traitant du même sujet : California Girls, de Simon Liberati. Quel sujet ? La folie Manson, à la fin des années 60.

Nous sommes en 1969, dans le nord de la Californie. Evie Boyd a quatorze ans, elle vit seule avec sa mère. Les vacances d’été approchent et elle commence à s’ennuyer ferme dans sa petite vie monotone et bien trop lisse. Fille unique et mal dans sa peau, elle ne connaît que Connie, son amie d’enfance. Lorsqu’une dispute les sépare au début de l’été, Evie se tourne instinctivement vers un groupe de jeunes filles plus âgées, à l’air charismatique, et aux tenues débraillées. Il flotte autour d’elles un sentiment de liberté qui fascine immédiatement l’adolescente. Elle tombe sous le charme de Suzanne, l’aînée de la bande, et se laisse entraîner dans le cercle d’une secte et de son leader charismatique, Russell. Elle va ainsi passer l’été dans ce ranch perdu au milieu des collines près de San Francisco. Pour l’adolescente, c’est un nouveau monde qui s’ouvre à elle, exotique, en marge de tout ce qu’elle a connu avant et qui semble donner un sens à sa vie.

C’est une Evie adulte qui raconte et se souvient, remontant le fil des souvenirs qu’elle a gardés de cet été-là ; les soirées sous acide, les virées dans les appartements vides. Evie se met à voler et à faire les poubelles, à vivre dans la saleté. Jusqu’au basculement dans l’horreur, dans la violence dont elle ne se doutait pas une seule seconde, trop aveuglée, trop naïve encore.

Un roman qu’on lit en véritable apnée et qui dégage une force incroyable. Emma Cline fait preuve d’une grande maîtrise de l’écriture et nous livre une histoire saisissante, en dressant le portrait psychologique sans failles d’une adolescente qui peu à peu se laisse hypnotiser pas une secte.

Inspiré de la famille Manson et des événements qui eurent lieu à la fin des années 60 et marquèrent les États-Unis, ce récit est tout à fait dérangeant mais captivant, porté par une plume à la fois sensible et nerveuse. En effet, l’auteure décrit avec talent la lente désagrégation de ces adolescentes, livrées à elles-mêmes, droguées, la folie qui les ronge peu à peu. Et cette question lancinante qui parcoure le texte : Suzanne aurait-elle pu basculer dans cette violence à son tour ?

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« Suzanne et les autres n’étaient plus capables de porter certains jugements, le muscle inutilisé de leur ego ramollissait et devenait inutile. Cela faisait si longtemps qu’aucune d’elles n’avait habité un monde où le bien et le mal existaient de manière concrète. Les instincts qu’elles avaient pu posséder autrefois – le léger tiraillement dans le ventre, l’inquiétude qui vous rongeait – étaient désormais inaudibles. »

« Je faisais certains rêves parfois, me réveillant à la toute fin avec la certitude qu’une image ou une scène était authentique, et transportais cette illusion dans ma vie éveillée. Quel choc ensuite de découvrir que je n’étais pas mariée, que je n’avais pas percé le code qui permettait de s’envoler, et le chagrin, lui, était réel. »

« Le sentiment que quelque chose nous unissait, nous tous dans cette voiture, le parfum frais d’autres mondes sur notre peau et nos cheveux. Mais je n’ai jamais pensé, pas une seule fois, que cet autre monde pourrait être la mort. »

30 réflexions sur “Emma Cline – The Girls ***

    • C’est clair que le constat sur l’adolescence est on ne peut plus pessimiste mais ce qui m’a plu c’est la façon dont c’est raconté, l’écriture de l’auteure dénote une telle maîtrise, et les portraits psychologiques des personnages sont incroyables.

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