Éditeur : Gallimard – Date de parution : 2014 – 156 pages
Le roman débute au présent par le récit primitif de la naissance de cet être hybride, né de l’accouplement d’un ours avec une femme. Aucun indice de temps ou de lieu ne nous est donné, l’action se déroule comme dans un conte. Mais un conte monstrueux : Suzanne, jeune femme gardant un troupeau de moutons, se fait enlever par un ours. Après plus de trois ans de captivité dans la grotte de l’ours, où elle se fait violer par ce dernier, elle est libérée par des promeneurs qui passaient pas là. On découvre avec elle un enfant dont le corps est entièrement recouvert d’un fin duvet roux. Sa mère est humiliée sur la place publique, traitée de sorcière et envoyée dans un asile…
Ce singulier récit commence vraiment avec la voix narrative de cette créature mi-homme mi-bête, cet être sans nom, qui perd peu à peu toute apparence humaine. Vendu à un montreur d’ours puis à un organisateur de combats d’animaux, il passe de mains en mains, d’exil en exil, pour finalement traverser l’océan, essuyer des tempêtes et marcher des jours et des jours sur une terre caniculaire pour arriver dans un cirque où il rencontrera des créatures extra-ordinaires, avant de faire une rencontre décisive dans un zoo…
Nous nous retrouvons dans la peau de cet ours et nous voyageons dans les méandres de ses pensées. Cet ours, qui n’a rien d’humain et qui pourtant ne sera jamais vraiment un animal comme les autres, passe sa vie à se chercher, enchaîné et soumis à l’homme. « Être ours et homme, n’être ni ours ni homme, pourtant un jour avoir été comblé, avoir su où me tenir enfin… »
J’avoue avoir été bien déroutée au début, avec la scène de viol. L’absurde se même à l’horreur et au grotesque dans cette scène et nous basculons de l’autre côté du miroir, dans un monde où les ours passent des pactes avec les hommes et les rompent en violant par exemple des femmes ou en dévorant des enfants…
L’atmosphère de ce curieux roman, entre humanité et bestialité, m’a fait penser à l’univers de Véronique Ovaldé. Et quand l’ours se retrouve dans ce cirque des curiosités, j’ai pensé également au Freak Show d’American Horror Story.
Mais j’ai bien aimé ce récit écrit d’une patte de velours, dans une langue poétique et qui résonne comme une ode au monde animal.
***
« Je découvre le pouvoir des bêtes sur les esprits humains, un pouvoir bien plus fort que celui, misérable, que j’exerçais avec le montreur, le pouvoir de ranimer la démence, de provoquer la transe, une dévotion absolue, un amour affamé, un espoir insensé – qu’attendent-ils de nous ? Nous prennent-ils pour leurs sauveurs ? Je croyais être un roi déchu, je suis peut-être un dieu, tombé, soumis, domestiqué, mais un dieu. »
« Au cirque, ce sont les bêtes bien plus que les hommes que l’on vient contempler. A moins que les hommes ne soient des bêtes. »
« Au brouhaha de l’humanité puis au silence de mort succède maintenant un concert animal, écheveau sonore qui grossit, s’étend, ne cessera qu’au lever du jour, s’éteindra aussi subitement qu’il est né. Tous les chants de la nature s’entrelacent t se superposent, oiseaux, félins, reptiles et fauves unissent leurs voix palpitantes et chacun de leur souffle me parvient distinctement, je pourrais isoler chaque note de cette chorale qui me propulse dans des états de transe et de douleur. »
Je suis d’accord avec toi, c’est très particulier et en même temps ce n’est pas déplaisant ^^
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Oui voilà! C’est une bien « drôle » de lecture, comme on en croise pas souvent… et ça reste plaisant à lire.
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Ca a l’air un peu trop particulier pour moi…
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ça peut sans doute ne pas plaire à tout le monde en effet!
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Je n’ai pas été aussi enthousiaste que toi, et j’ai plutôt trouvé l’écriture de Joy Sorman froide, dénuée de sentiments. J’ai eu du mal à me positionner entre ce monde animal et la violence de l’homme. C’était donc plutôt mitigé pour moi, même si le souvenir est encore bien là.
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Ah oui, je n’ai pas eu cette impression de froideur, même si le récit est vraiment particulier… Cette étrangeté m’a plu.
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Je ne sais pas vraiment pourquoi mais ça me fait penser à Elephant Man de David Lynch, en tout cas ça à l’air très étrange !
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Ah oui, je n’y avais pas pensé, c’est pas faux, y’a un peu de ça… Il est l’objet de curiosité, il suscite au début le dégoût et le mépris chez les hommes. Puis il devient plus ours qu’homme.
Je n’ai jamais pu regarder Elephant Man jusqu’au bout, j’avais une impression de malaise avec ce film…
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Oui je pense que c’est ce côté « objet de curiosité », qui m’a fait penser à ce film. J’avais beaucoup aimé, même si je te comprends, c’est un film vraiment très étrange comme tous ceux de ce réalisateur d’ailleurs !
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Oui!! J’ai seulement vu Lost Highway de lui, et j’en garde un souvenir un peu angoissant… Mais il paraît que Sailor et Lula est vraiment à voir.
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Je n’ai vu ni l’un, ni l’autre… Mais je me souviens d’Eraserhead et Mulholland Drive et dans le genre bizarrerie cinématographique, ils ne sont pas tristes !
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